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RG comme Rémo Gary, la chanson à dessein

Archive. C’était l’été 2006, dans la fournaise de Barjac. J’avais proposé à Isabelle Jouve, la journaliste du quotidien La Marseillaise, de lui rédiger une chronique de scène. Banco. C’est tombé sur Gary. Je ne savais pas que j’allais couvrir ce soir-là tel incroyable événement…

C’est un type tout frêle, tout timide, les ongles rongés, les mains sagement croisées dans le dos, comme quand il était à la communale sans doute, à chanter La Marseillaise, à réciter Victor Hugo. Sa tignasse est en hiver déjà mais son cœur s’obstine au printemps, ,avec montées de sève. Si le titre de « Chansons de parole » a vu le jour un jour, ça ne peut être que pour lui, que par lui, taillé à son art, ajusté à son talent. Ce « R.G. » de la chanson est adepte, sinon d’une ligne claire, au moins d’un tracé lumineux. Gary rend leur intelligence aux mots, retrouve leur instinct. Il les lance tous, qui prennent leur logique chemin. Tiens, comme un jet de spermatozoïdes, qui trouvent l’issue… « là où tes jambes finissent / là où s’accouplent tes cuisses ». Rien n’est gratuit chez lui, chaque mot pèse son poids, même s’il est de pure légèreté, comme un vent complice qui caresse votre échine, qui, madame, épouse votre anatomie. Gary aime l’entrechoc des mots, leur pur hymen. Qui, ainsi, tel un Leprest, savent faire revivre « les saveurs qui brocantent ma mémoire ». Il sait surtout – c’est exemplaire – dire la dignité de l’homme, ses petitesses aussi, listant les heurts et malheurs de ce bas, ce très bas monde – castagnes ordinaires et secousses planétaires – qui ne tourne pas vraiment rond : « Malgré ça, on n’est pas foutus d’être heureux tous les deux / Il y a des coups de pied au cœur qui se perdent ». Tout en Gary nous surprend, nous séduit, nous interpelle, tout. Que ce soit son Chemin des bosses où cette chanson marathon sur les mains (celles calleuses de l’ouvrier comme la féminine pogne qui besogne l’homme), tout est bon qui fait miel de notre langue, qui juxtapose le verbe et en tire un nectar inédit. Crescendo, quasi à l’insu d’un artiste trop modeste, le public s’est emparé de Rémo Gary. Jusqu’à la fin et plus encore. Jusqu’à ces Oiseaux de passage de Richepin, jadis en partie chantés par Brassens. En partie seulement, car Gary nous a offert l’original, l’intégral, la somme. C’en était trop, trop beau, trop grand, trop… Comment vous dire l’émotion, comment vous dire toute une salle, tout un festival, qui plus est de Barjac, qui fait adhésion, ovation, qui fait corps avec l’artiste ? Comment vous dire ce moment forcément rare, d’anthologie, qui fait d’un presque inconnu l’un des plus sûrs et dignes représentants de la chanson de parole chère en ce lieu ? Comment vous dire l’amour immodéré, violent et sincère d’un public énorme, surnuméraire ; comment, par quelques lignes forcément dérisoires, vous dire l’incroyable triomphe de Rémo Gary, point d’orgue de sa carrière ? Comment vous dire des spectateurs en larmes, des collègues en chanson aussi, heureux que leur art connaisse si beau représentant que Rémo Gary ? Comment le dire autrement que Gary lui-même qui chante avec simplicité : « On applaudit. On dit bravo l’artiste. On bisse ».

Une réponse à RG comme Rémo Gary, la chanson à dessein

  1. Danièle Sala 14 juin 2013 à 8 h 48 min

     » On a gardé pour nos vieux jours
    Le vin de garde de l’amour
    Le désir, un vrai tord-boyaux
    Qui vous fait le coeur sur la peau
    Et comme des gros bleus qui fâchent
    Sur cette peau, du vin qui tache
    Et en dedans plein d’eau de vie
    J’veux m’saouler à l’utopie »

    Rémo Gary jusqu’à l’ivresse fait si bien l’amour à la chanson française !

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