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Leprest en provision, en larmes d’émotion

Allain Leprest, 20 janvier 2010, salle des Rancy à Lyon.

Allain Leprest aux Rancy (photo Robert Dubost)

« Quand auront fondu les banquises / On verra le dernier pingouin / En queue de pie sur les Marquises / Danser sur la tombe à Gauguin… » Il nous est revenu l’Allain, pareil qu’avant, avec ses chansons qu’on tord, qu’on essore, pour en recueillir les larmes d’émotion, en faire provision ; avec ses bras qui dessinent l’espace ; avec sa cravate rouge et sa chemise qui pend ; avec son fil de micro qu’il prend parfois pour lasso ; avec ses trous d’airs, ses textes qui se font la belle, mémoire entre toutes poreuse. Même avec Miravette, tiens, la Nathalie qu’il a ravi à Joyet. Il s’était fait rare, Allain, le temps sans doute d’écouter repousser ses ch’veux, tant que maintenant il ne sait plus vraiment les dompter. Il n’a pas vraiment changé, le Leprest. Même s’il écrit à tour de bras, comme vache qui pisse, c’est pour les autres ; lui ne conserve toujours que les mêmes chansons, des qu’on a déjà pu entendre il y a dix ans déjà, parfois vingt, même plus. C’est que régulièrement il en reprend, des tombées dans l’oubli selon lui, des à qui il donne la chance d’une nouvelle jeunesse, d’une carrière à reprendre, d’une injustice à réparer, à repriser. Alors on retrouve Bilou, et pis Gagarine, Saint-Max, Joséphine et Séraphin… On clos les balloches, les culs sont toujours ronds qu’on enfile à rebours, sans doute Le Temps de finir la bouteille, d’en voir le cul. On ne salue toujours pas le cloué sur la croix, on fait une croix dessus. Et il pleut encore sur la mer même que ça sert à rien, à rien de rien. Immuable Leprest. Bien sûr il nous donne de ses nouvelles, des ports où se planque la barque de sa cervelle. A le voir, là, devant nous, elles ne peuvent qu’être rassurantes. Avec lui Miravette donc, et « cette faculté qu’elle a de gommer toutes mes imperfections ». Depuis Bernard Joyet, la pianiste a ajouté une touche à son art : elle chante. Là elle fait duo avec Leprest, reprenant une chanson qu’Allain avait jadis écrit pour la Gréco : « On avait un seul pull pour deux / Un grand pull-over d’amoureux / Chacun un bras pour une manche / Et chacun l’autre pour la hanche ». Autre duo, avec le chanteur Balmino, pour un hommage à Matthieu Côte, l’ami lyonnais parti l’an passé au paradis des musiciens : « C’est peut-être Mozart… ». Selon les moments, ça dépend des soirs, Leprest est bon ou un peu moins. Lumineux ou pas. Il fut les deux à Lyon, en deux soirs, deux récitals néanmoins précieux au-delà des mots. Car on connaît ses vers, ses rimes nous sont famille. On vient simplement en rechercher, cueillir à ses lèvres un surplus, du rab, une liqueur. On vient s’enivrer de son talent, de son être. Arroser nos fleurs de sa sève. Y’aura encore un beau jardin cette année.

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