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Cette musique qui crie Victoires

Ça y est, ils sont les meilleurs de leur promo, ils sont fiers de leur(s) médaille(s). Ou plutôt cette statuette toute moche qui, inexorablement, prendra la poussière. Entre nous, mieux vaut être acteur et recevoir d’un coup deux compressions de César pour caler des bouquins sur l’étagère. C’est plus utile. Est-ce pour cela d’ailleurs que tant de chanteurs passent au cinoche ? Même en pleine crise, la profession (une partie seulement : celle des grands labels, pas le bas peuple ni le tout-venant) s’est rituellement auto-congratulée. Ça rassure. Remarquez qu’au fond l’orchestre du Titanic n’a pas cessé de jouer, ajoutant à la froide et nocturne poésie du tableau, partition rythmée par des Aaah et des Glou-glou. J’imagine la bande-son, j’en dessine les anomatopées… Donc bravo à Biolay, Ruiz, Hallyday et les autres. La plupart des disques et artistes récompensés, pas tous, méritent effectivement un peu de notre estime. Mais pas plus que ça. Et dommage pour le seul petit de la compèt’, le seul autoproduit (oh ! le vilain mot en ce milieu) qu’était Alexis HK. Recalé ! pas du sérail… Bravo en tous cas à l’épatante industrie discographique qui, l’espace d’une soirée, a noyé son mal-être sous les flots de champagne. On nous dit, on sous-entend en tous cas, que les Victoires sont le reflet de la chanson. Ah bon ? De quelle chanson ? Et qui décide, qui choisit, qui sélectionne ? Qui vote, équivoque ? Sans me vanter, j’ai pas mal d’amis et de connaissances dans la profession, notamment des qui sont chanteurs parfois depuis des lustres, avec même nombre de disques, parfois même des Grands prix de l’Académie Charles-Cros, c’est dire… Eux ne votent pas, n’ont jamais voté. Par incivisme ? Non ! Simplement on ne leur a jamais rien demandé ni même proposé ; jamais invités du reste : à croire qu’ils n’existent pas. Alors c’est qui le collège d’électeurs, ce « grand jury » de presque trois mille « professionnels » ? La prod’ de Taratata, la coiffeuse de Drucker, la shampoinneuse de Garou, les amitiés électives de Mylène Farmer, le directeur de cabinet de Bruni, le chirurgien de Johnny ? Qui ? Putain, donnez-moi des noms ! Le jury serait composé de 40% d’artistes, 40% de pros de l’industrie musicale et le reste issu des médias. Du pipeau, du vent ! Mais c’est vrai il ne faut pas confondre culture et commerce. Le poète, le vrai, l’artiste, ne comprend rien à ça. Lui fait des rimes sans logiciels, sans boulier. Du reste, ce sont les Victoires de la musique, pas celles de la chanson, une chanson qui n’est pas perdante, seulement absente. Moi, j’étais hier au soir à l’autre bout de la chaîne, non au Zénith mais dans une toute petite salle, À l’autre bout du monde nous chanterait Émily Loiseau, en pleine campagne, là où, pour un soir, bat follement le cœur des gens. Avec des chanteurs qui ne guignent aucune récompense, des autoproduits souvent, tâcherons de la chanson et fiers de l’être. Dans un rapport vrai à leur art, tangible, touchable. Eux ne recevront jamais de Naguy ce trophée tout moche ; ils ne seront pas plus conviés à son Taratata, Drucker ne les scotchera pas à son canapé rouge, là où se sont posés le cul de Bigard et le séant du Président. Ils resteront d’estimables anonymes de la chanson. M’en fous ! Jusqu’à point d’heure, nous avons devisé autour d’un litron et de guitares sans jamais, oyez l’exploit, avoir évoqué ces prétendues Victoires. A quoi bon ? Vivons le vrai plutôt que l’avatar, l’authentique plutôt que le formaté, le sain plutôt que le fermenté.

3 Réponses à Cette musique qui crie Victoires

  1. delorme 7 mars 2010 à 16 h 24 min

    « Ils resteront d’estimables anonymes de la chanson »…
    n’est-ce pas là l’ambition ultime de tout artiste?
    En tout cas, cela devrait l’être, non?

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  2. Michel TRIHOREAU 8 mars 2010 à 20 h 44 min

    J’aime ta colère, Michel, et je la partage. Mais ça n’enlève rien à Olivia, les chanteurs qui ont la chance d’être médiatisés prennent le risque de devenir fadasse et de lasser. Pas elle, elle est de la race des Cabrel des Juliette etc. Ne les opposons pas aux autres. C’est le système qui est mauvais, pas les artistes (enfin, pas toujours !)
    Mais si un jour des victuares ou des oscailles récompensaient Rémo Gary, Michel Grange, Laurent Berger ou Gérard Morel, Béa Tristan, Davy Kilembé, Clément Bertrand, Jean Népleindautres mais je n’aurai pas assez de place… Oui, si un jour ils étaient récompensés par un machin doré tout moche, ça n’enlèverait rien à leur talent et ça prouverait qu’on a changé de société !

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  3. olivia 11 mars 2010 à 14 h 27 min

    C’est vrai que ces Victoires sont, comme les autres grand’messes de « And the winner is… », chiantes, injustes, nombrilesques et pas toujours méritées. J’adore Olivia, mais où est passé Adrienne ? Bienvenue à Coeur de pirate ; vivement un prix pour Julien Doré. Mais la vraie reconnaissance ne vient-elle pas du public ? Des gens qui n’iront jamais à Taratata, ni chez Drucker encore que, font des tabacs lors de tournées en province, des galas, et vendent à tout va. Même s’ils font un peu trop La Chance aux Chansons.
    J’ai lu sur FB, que les applaudissements sont la nourriture des artistes. Alors ?

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