Des mains de chômeurs…
Si on tient la chanson pour pure futilité, un tel sujet lui serait étrange, étranger, incongru. Si, par contre, la chanson peut être aussi le reflet de nos vies, de nos préoccupations, le chômage en est alors, en ce libéralisme effréné, absent de toute humanité, de toute dignité, une source d’inspiration hélas de plus en plus féconde.
Tour d’horizon très partiel de ce sujet, dont les propos se passent de commentaires…
« Mon pote yoyo m’a répété hier au soir :
« Vas-y bonhomme, écris nous une chanson d’espoir »
J’ai ouvert la fenêtre, cherché l’inspiration
Mais la grisaille du temps qui court ma refilé le diapason.
J’aimerais que mes thèmes riment avec SACEM
Mais mes lignes mélodiques riment avec ASSEDIC »
Chanteur chômeur, Thomas Pitiot, 2001
« T’es trop vieux, t’es trop encombrant,
Je n’ai plus de travail pour toi.
Mon vieux, il est grand temps
De ranger tes outils et de rentrer chez toi.
Si tu étais plus jeune, j’aurais pu
Te recycler, c’est dommage.
Mais ça ne serait que de l’argent perdu :
On n’apprend plus, à ton âge »
Monsieur Saint-Pierre, Michel Bühler, 1973
« Les hommes de la ville ont vieilli cet été,
Les muscles inutiles, c’est si lourd à porter !
Ils partent le matin aux petites annonces,
Où l’on se retrouve cent quand il faut être deux.
Ils reviennent le soir, et leurs femmes renoncent
A chercher la réponse dans leurs yeux. »
Le chômage, Francis Lemarque, 1973
« Il se décide à traîner
Car il a peur d’annoncer
A sa femme et son banquier
La sinistre vérité.
Etre chômeur à son âge,
C’est pire qu’un mari trompé.
Il ne rentre pas ce soir. »
Il ne rentre pas ce soir, Eddy Mitchell, 1978
Cinquante balais c’est pas vieux
Qu’est-c’qu’y va faire de son bleu
De sa gamelle de sa gapette
C’est toute sa vie qu’était dans sa musette
(…)
De ses bras de travailleur
C’est toute sa vie qu’était dans sa sueur
Son bleu, Renaud, 1994
« Plus besoin de se fatiguer
Quand on adhère à l’ANPE
Quand tout l’monde pointera au chômage
Qu’on s’éclatera comme des sauvages
Les patrons sans leurs ouvriers
Se f’ront une joie d’se licencier – Toujours d’accord !
Et toute la France enfin unie – Et moi aussi chuis d’accord !
F’ra d’l'ANPE son seul parti »
À l’ANPE, Les Charlots, 1979
« J’ai comme des mains sans lendemain
Qui peuvent plus s’en tirer
J’ai comme des mains qu’ont mal aux mains
D’avoir les poings serrés
Des mains de chômeur
J’ai l’impression d’être un malade
Qu’a même plus rien à espérer »
Des mains de chômeur, Francis Lalanne, 1981
« Chômage au fond de la vallée
C’est là la vraie fatalité
Voici qu’en la nuit étoilée
Un sans emploi nous est donné
Séraphin Deudroit il se nomme
Il était cadre et respecté
Aujourd’hui pôvre petit homme
Voilà que tu es licencié
Quand la cloche sonne sonne
C’est à l’Armée du Salut
Que se rassemblent les hommes
Les hommes qu’ont tout perdu
Armée froide qui résonne
En haillons et peu vêtus
Plus de trois millions entonnent
Le chant triste et monotone
C’est la chanson du chôm’du »
Chômage au fond de la vallée (parodie de « Les trois cloches »), Chanson plus bifluorée, 1994
« De tous les côtés, tous les côtés, tous les côtés
De tous les côtés chômage, tous les côtés tous les côtés, dommage »
Chômage, Zebda, 1995
« Chômeur c’est le mot qui me colle a la peau depuis deux ans
Chômeur j’l’ai pas choisi
On m’a viré comme un brigand
J’ai peu du temps qui passe
de l’avenir
Et d’mes enfants qui me demandent
Mais papa c’est quoi chômeur ?
C’est quoi chômeur, c’est quoi ?
C’est l’mal du jour
Je m’demande à quoi j’courre »
Chômeur, Clémence Savelli, 2009
« Chez nous le chômage fait partie de la famille
Comme l’amiante, l’oubli, la silicose et les terrils
Quantités négligeables dont la vie ne tient qu’à un fil
Certains soignent la peur du vide à coup de 21 avril
Mais je me connais je lâcherai pas l’affaire
Je vais piquet de grève comme on pique une colère
(…)
Moi j’ai toujours mes mains d’or
Moi je voudrais vivre encore »
Le Combat ordinaire, Les Fatals picards, 2009
« Un grand soleil noir tourne sur la vallée
Cheminée muettes – portails verrouillés
Wagons immobiles – tours abandonnées
Plus de flamme orange dans le ciel mouillé
(…)
J’voudrais travailler encore – travailler encore
Forger l’acier rouge avec mes mains d’or »
Les Mains d’or, Bernard Lavilliers, 2001
« C’est pas tellement que c’était Noël
Ça fait longtemps qu’on y croit plus
C’est pas tellement qu’elles étaient belles
Nos machines mais elles n’y sont plus
C’est pas tellement que c’était Noël
C’est pas tellement qu’elles étaient belles
Dans les aciéries, au fond des mines
Y’a d’la poésie dans les usines
Dans les ateliers, dans les cantines
Y’a d’la poésie dans les usines
Dans le cambouis, dans la calamine
Y’a d’la poésie dans les usines
Dans les outils, dans les machines
Y’a d’la poésie dans les usines (…) »
La poésie des usines, Romain Dudek, 2007
« Quand j’suis arrivé aux aurores
Y’avait plus rien
Plus une machine dans mon décor
Plus de turbin
Ils m’ont pas consulté, pourtant j’étais pas pour
Y’a mon usine qu’a foutu l’camp à Singapour »
Singapour, Frédéric Bobin, 2009
« Non vraiment je reviens aux sentiments premiers
l’infaillible façon de tuer un homme
C’est de le payer pour être chômeur
Et puis c’est gai dans une ville ça fait des morts qui marchent »
Les 100 000 façons de tuer un homme, Félix Leclerc, 1973
Bonjour Michel,
Belle rétrospective.
Cela m’étonne que tu en oublies une, mais c’est vrai qu’il faut remonter loin…
Félix Leclerc. Les 100000 façons de tuer un homme…
« Non vraiment je reviens aux sentiments premiers
l’infaillible façon de tuer un homme
C’est de le payer pour être chômeur
Et puis c’est gai dans une ville ça fait des morts qui marchent. »
Réponse : C’est impardonnable de ma part, d’autant plus qu’il s’agit là d’une de mes chansons de référence. Ceci dit, il en manque beaucoup d’autres… Je la rajoute, bien sûr. MK
Les Grandes Bouches : « Quand chanson et engagement politique se rejoignent, le scandale des Molex devient une chanson du groupe « Les Grandes Bouches », qu’ils interprètent dans leur « Bal républicain« , une occasion rare de danser utile ! »
Infos : lesgrandesbouches.fr
http://www.dailymotion.com/video/xg36nd_molex-des-grandes-bouches_music
Je pense aussi que tu peux inclure deux chansons interprétées par Frédéric Bobin, écrites par son frère :
« Singapour » et « La vieille dame« .
Félicitations et longue vie à Nos Enchanteurs.
Amicalement
Christian Landrain
Réponse : Et dieu seul sait si j’ai pu écrire ici et là, sur Chorus, NosEnchanteurs, Thou’Chant et ailleurs, le bien que je pense de « Singapour« … MK
Allez, tant qu’on y est, moi aussi je suis impardonable de ne pas avoir songé à une autre qu’il faut (si tu permets) citer entièrement parce qu’elle décrit le mécanisme…
Gilles Servat. Les prolétaires.
Y’a des pétroliers supers qui foutent le deuil sur l’onde
Avec dix hommes d’équipage, on s’en va au bout du monde
Avant, il en fallait trente c’était pas rentable
En voila vingt au chômage les prix s’ront plus supportables
Mais de tous ces matelots, qu’est-ce qu’on va en faire ?
Mais de tous ces matelots, qu’est-ce qu’on va en faire ?
Il s’en iront à la ville, tralalalalère
On les mettra à l’usine, on manque toujours de prolétaires
Assez travaillé pour soi, la petite exploitation
Maintient l’Europe en retard, hors de la compétition
Il y a trop d’agriculteurs, c’est pas raisonnable
Quelques millions au chômage, et l’Europe verte sera viable
Mais de tous ces paysans, qu’est-ce qu’on va en faire ?
Mais de tous ces paysans, qu’est-ce qu’on va en faire ?
Il s’en iront à la ville, tralalalalère
On les mettra à l’usine, on manque toujours de prolétaires.
Et toi petit commerçant, tu mourras d’la TVA
Mais si on aide ces gens-là, la bombe, comment on la f’ra ?
Le p’tit commerce doit mourir il n’est pas rentable
Va t’en au supermarché, les prix s’ront plus abordables
Mais de tous ces commerçants, qu’est-ce qu’on va en faire ?
Mais de tous ces commerçants, qu’est-ce qu’on va en faire ?
Il s’en iront à la ville, tralalalalère
On les mettra à l’usine, on manque toujours de prolétaires.
À Nantes, à Rennes ou à Brest, du travail il n’y en a guère
Ils voudraient rester chez eux, alors comment faire ?
Déplaceer tout’s les usines, c’est complèt’ment con, eux
Qu’ils vienn’nt dans la capitale, pour l’patron c’est plus valable
Mais de tous ces émigrants, qu’est-ce qu’on va en faire ?
Mais de tous ces émigrants, qu’est-ce qu’on va en faire ?
Il s’en iront à la ville, tralalalalère
Même en f’sant plein d’fonctionnaires, y’aura toujours trop d’prolétaires.
S’il y a trop de chômage, y’aura du désordre
Il faudra des policiers pour maintenir l’ordre
Hitler le disait déjà, un chômeur c’est pas rentable
Un soldat ça coûte moins cher et c’est bien plus raisonnable
Mais de tous ces policiers, qu’est-ce qu’on va en faire ?
Mais de tous ces policiers, qu’est-ce qu’on va en faire ?
Il s’en iront à la ville, tralalalalère
Taper sur les ouvriers, taper sur leurs frères
Il s’en iront à la ville, tralalalalère
Taper sur les ouvriers, taper sur leurs frères.
On peut aussi ajouter ce gag assez bien tourné: la bossa parodique des Escrocs : « Assedic« .
J’en avais marre de travailler
Et de perdre mon temps
A faire des boulots mal payés
Avec des gens très emmerdants,
Je cherchais la combine,
Et c’est pas facile,
De se tirer de l’usine
Pour partir dans les îles.
Je me creusais le ciboulot.
J’étais comme tous les gens,
Allergique au boulot,
Mais pas allergique à l’argent.
Je ne connais qu’une façon
De se tirer sous les tropiques
Quand on est petit, laid
Et qu’on a pas de fric.
ASSEDIC…
Je t’écrirai de temps en temps,
Toi tu m’enverras mon virement
Directement,
Tout là-bas, dans mon île
ASSEDIC
Avec ton amie RMI
Vous serez mes deux meilleurs amies
Ce sera dément.
L’Agence Nationale Pour l’Emploi
M’écrit de France.
Ils veulent à peine au bout d’un mois
Me gâcher mes jolies vacances,
En m’envoyant chez « Prisunic »
Décharger des camions.
Avec ma copine ASSEDIC,
Evidemment on a dit non
Je veux que ça dure toute la vie,
Que chaque jour soit férié.
Un jour, je recevrai l’avis
De fin de droit dans mon courrier
Pour retourner au carnaval
Du R.E.R
Et du Leclerc de Bougival
ASSEDIC…
Je t’écrirai de temps en temps,
Toi tu m’enverras mon virement
Directement,
Tout là-bas, dans mon île
ASSEDIC
Enfin ma place au soleil,
A moi les ciels vermeils
Et les beaux voyages…
M’en priver ce serait dommage.
ASSEDIC
Tu seras ma petite maman,
La Maman de tous les gens
Qui n’ont pas d’argent.
On peut inclure aussi une chanson de circonstance : « Joyeux Noël » de Rémi Tarrier et Claude Préchac interprétée par Allain Leprest sur le CD Sarravah (bleu).
Et aussi « La lettre » de Dégadézoo
Joyeuses fêtes à tous.
à rajouter une magnifique chanson de Francis Lemarque :« le chômage » mais je ne trouve pas en video sur internet. dommage