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Évelyne Gallet touche le Font

Évelyne Gallet, 5 février 2011, Festival Les Poly’Sons, Théâtre des Pénitents à Montbrison,

"J'ai pas besoin de vous dit-elle au nécrophage / Qui la poussait vers le ghetto du troisième âge" (photo d'archives DR)

Début d’après-midi aux Pénitents : le public est familial. Et jeune, parfois très jeune. Qu’Évelyne Gallet, en irréductible nymphomane, affranchi de son innocence dès la première chanson, Infidèle : « Et je suce le Père Noël / En passant par la cheminée… » Aïe. Y’a plus de valeurs, vraiment. Pourtant, cette chanteuse au visage poupon, Rondelette, à la robe certes courte, nettement au dessus des genoux, à qui on pourrait donner le bon dieu sans confession… une qui a le feu au cul, qu’aucun pompier ne saurait éteindre. Ainsi est la lyonnaise Évelyne Gallet, immense provocatrice devant l’éternel (elle doit pas y croire…). Faut dire aussi que quand on prend Patrick Font pour quasi unique parolier, quand on se met en bouche de tels textes, on brûle des flammes de l’enfer. Et de tourments, comme celle qui attend, frétillant du clitoris, le fils du Prince charmant.
L’érosion n’a pas encore poli Gallet. C’est merveille de justesse quand Évelyne reprend La Vieille, celle qu’on destine au ghetto du troisième âge et au mouroir qui va avec. Qui se permet un sursaut bienvenu, millésimé comme les bouteilles de pinard qui gonflent sa valise, un bras d’honneur aux institutions.
Gallet, c’est un peu Lynda Lemay, le stérilet en moins. Une vie dangereuse, à rebrousse-poil du politiquement correct. Lemay est tire-larmes, Gallet tire-joie.
Un bulldozer ? Un peu, qui carbure à la tendresse vraie et à l’amour de la poésie, d’une rime juste qui n’est pas là que pour faire jolie. Une rime chargée de sens, tant lexical que politique. Tendresse, oui. C’est rien que ça quand on l’écoute chanter Les Confitures ou Ne la dérangez pas : « Ne la dérangez pas, ne lui dites plus rien, il n’y a rien à dire / Elle n’entend plus rien, que le rythme du sang qui lui rosit les joues / C’est son premier amour, elle ne veut autour d’elle que silence et sourires… »
Évelyne Gallet est crooneuse, rockeuse, star de son (très) chaud bizness, patronne et matrone de son unique musicien, le souffre-douleur et très doué Arnaud Jouffroy.
Maintenant que s’estompe à tout jamais le souvenir du duo Font et Val, que Val n’est plus qu’un émasculeur d’humoriste plus talentueux qu’il ne le fut jadis, il est urgent de réévaluer l’art de Patrick Font, de doper les agences de notation. En touchant le Font, Évelyne Gallet touche l’humain, dans toute la grandeur d’une salutaire impertinence. Bravo l’artiste !

On lira avec délectation la rencontre exclusive entre Évelyne Gallet et son mentor et parolier Patrick Font sur le Thou’Chant. Évelyne Gallet sur myspace.

4 Réponses à Évelyne Gallet touche le Font

  1. Francis Hébert 7 février 2011 à 17 h 30 min

    La rencontre entre Patrick Font et son interprète est intéressante, mais il manque à coup sûr des questions essentielles non soulevées par l’article…
    Je fais partie des milliers de personnes qui ont aimé à la folie Font et Val. Pour ma part, j’étais encore plus attaché aux chansons poétiques de Font (Le chalet, par exemple). C’est dire si je me suis senti trahi par les «gestes» qui l’ont mené en prison.
    Quoi ? L’humour, les trouvailles géniales, les grossièretés hilarantes avaient une source plus profonde que le désir de secouer les conventions ? Ce n’était plus si innocent…
    Je suis certain que des milliers de gens comme moi se sont sentis floués, trahis. Comme quand on se fait mentir depuis des années.
    Et si cette belle idée de fonder une école parallèle pour apprendre aux jeunes à s’initier aux arts, n’avait été finalement pour Patrick Font qu’un prétexte pour se rapprocher des jeunes ?
    Ce sont des questions que Michel Kemper aurait pu poser à Font.

    C’est un sujet qui fâche, qui embarrasse, je le sais bien. Un peu comme c’est le cas pour le livre de Kemper sur Lavilliers. Si ça se trouve, les journalistes aimeraient en parler mais ce sont les patrons qui décident à leur place qu’il vaut mieux ne pas…
    À méditer, avant de tirer à boulets rouges sur le silence entourant la bio. Est-ce que Chorus en aurait parlé, elle si frileuse ? Fred Hidalgo en a-t-il parlé quelque part ?

    Réponse Ce sont beaucoup de bonnes questions, Francis. Merci.
    Concernant l’entretien avec Patrick Font, je ne me sentais ni le droit ni l’envie de rouvrir un procès. L’affaire, en son temps, a été jugée. Et Font a payé. Je suis, pour ma part, toujours peiné de la double peine.

    Quant aux journalistes qui veulent parler des Vies liées de Lavilliers, qu’ils le fassent ! La liberté ne s’use que si on ne s’en sert pas. Bien sûr, il doit y avoir des patrons de presse qui n’ont pas tellement envie qu’on parle de ça, mais c’est pas vrai partout : il y a quelques contre-exemples, dont vous faites d’ailleurs partie, Francis.
    Sur vos deux dernières questions… Durant longtemps (depuis mi 2004), ce livre était prévu pour faire partie de la collection Chorus-Fayard (le directeur de collection en étant Fred Hidalgo qui a été – il faut le rappeler – l’impulsion première de ce livre, au titre qu’il m’a encouragé à écrire un livre sur Lavilliers. Certes, l’idée de départ n’était pas ce livre que vous connaissez…). Ce n’est qu’en novembre 2009 que le nouveau pdg de Fayard a cassé le contrat qui me liait à sa maison d’édition (Chorus n’existait plus depuis juillet de cette année-là). Maintenant, y’aurait-il eu un dossier Lavilliers de cette nature (avec de telles révélations !) sur Chorus, je ne peux vous répondre. La frilosité sans doute. Enfin, à ce jour, Fred Hidalgo n’a parlé nulle part des Vies liées de Lavilliers. MK

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  2. Nicolas Bacchus 27 mars 2012 à 11 h 41 min

    Bonjour,
    Fan de Font et Val, depuis tout petit, j’ai moi aussi eu l’impression, au début, d’être « floué, trahi ». En fait, on a pas été trahi, on a été déçu. Parce qu’on aimerait bien que les gens qu’on aime soient parfaits.
    Ils ne le sont pas. Jamais.
    Et puis ensuite, on s’est aperçu de ce que c’est vraiment, être trahi, avec Philippe Val. Là, on a pas été déçu…
    Et Patrick a payé, oui, il en reparle aussi d’ailleurs, de la cabale, des excès, de ceux qui ont été enfoncés et de ceux qui ont été protégés, de ce qui a été dit et caché, retenu et oublié, de ceux qui (oui, prends-le pour toi), font les difficiles maintenant sur des mots, sketches, et chansons qu’ils ont tant aimé, les mêmes qui sont prêts à lui reprocher maintenant d’avoir dit et chanté ce qu’ils l’ont encouragé à dire et chanter, ce qui les faisait le plus marrer.
    « L’humour, les trouvailles géniales, les grossièretés hilarantes avaient une source plus profonde que le désir de secouer les conventions ? Ce n’était plus si innocent… »
    Mais ça sert à quoi, si c’est « innocent », de bousculer les conventions ? Il s’agit juste de dire, et de chanter pour rien, et de rien être, rien faire, dans la vie ? Ne pas dire ce qui nous bouffe ? Dire des bêtises juste pour rire ? Conforter le bourgeois qui vient s’encanailler au spectacle en se disant que tant que la subversion est sur scène et pas dans la rue, il ne craint rien ?
    Mais putain, on est pas là juste pour amuser la galerie en disant caca-prout, on espère bien que ça va faire changer (un peu) les choses, les gens, une personne, un soir ! Même si c’est pas vrai ! Et oui, le discours de Patrick sur la sexualité, sur l’hypocrisie entourant celle des enfants, sur la petite moralité bourgeoise, était salutaire ! Comme celui sur le nucléaire, la politique, etc. Et que ce discours soit inspiré par quelque chose qui te semble condamnable ou non, qui a été condamné de toute façon, n’y change rien, même si ça le rend plus dur à défendre, à continuer, à reprendre.
    De toute façon, la double peine est déjà là (rien qu’à voir le mal qu’à Bertrand Cantat à refaire qq chose de sa vie artistique, alors tu imagines Patrick…), alors n’en rajoutons pas, si ?
    Salut à vous et bonnes chansons !
    Nicolas Bacchus

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  3. Chris Land 27 mars 2012 à 12 h 01 min

    J’attends impatiemment son prochain tour de chant. Trouvant que ces chansons « Patrick-Fontiennes » majoritairement anciennes sonnent difficilement à mes oreilles, chantées par une femme… le talent indéniable de la chanteuse mis à part. C’est mon avis et j’le partage.

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    • Nicolas Bacchus 27 mars 2012 à 12 h 42 min

      De moins en moins majoritairement anciennes, quand même, ça avance, tout ça, ça avance…
      Et pas mal de ces chansons ont été écrites directement pour une femme (Infidèle, le prince charmant, je te suivrai pas…) et sont assumées comme telles.
      De plus, ça me semble bien plus déplorable ces chanteurs et chanteuses qui masculinisent ou féminisent les textes des chansons pour qu’ils correspondent à leur « genre » d’apparence. On est quand même là pour endosser des rôles, des personnages, on n’est pas tout ce qu’on chante, et tout d’un coup on ne peut pas chanter au féminin parce qu’on est un mec ? On peut tout endosser, être d’une chanson à l’autre un criminel, un flambeur, un escroc, un sdf, un présentateur, que sais-je, mais une femme, ça non ? Et pareil pour les filles à l’envers ? Moi je préfère entendre Evelyne Gallet chanter une chanson de mec que Bruel assassiner mon amant de st jean en chantant « elle qui l’aimait tant, son bel amant de st jean », juste pour pas passer pour un pédé !
      Et puisque ça a l’air d’apporter qq chose à l’argumentation : c’est mon avis et j’le partage (sinon, pourquoi le dirais-je ici, en même temps ?) !
      Salut et bonnes chansons
      Nicolas Bacchus

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