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Cabiac, poste de vigie de Jofroi

Il y a en Jofroi un peu de Gilles Servat. Le physique, la barbe, le timbre aussi et ce regard porté sur les choses, les gens, les paysages, sur le demain du monde. Le barde belge Jofroi a depuis longtemps pris ses quartiers dans le hameau de Cabiac. Cabiac sur terre. Les « puristes » de la chanson savent comment et combien Cabiac, « cul de sac où j’ai hier posé mon sac », rime avec Barjac. Mais Jofroi ne s’adresse pas qu’à eux, loin s’en faut. Non : à l’humanité entière. Ce sont paroles d’homme à partager, rimes de bon sens, de générosité vraie.
J’avoue avoir été gêné par le suspect dithyrambe lu ici et là quant à ce (bien bel) album. Doit-on en faire des tonnes pour saluer cette production et son auteur ? Non, car tel n’est pas Jofroi. Qui certes, une fois l’an, peut-être à son insu, est homme d’importance, dans sa cours du château, devant de possibles courtisans. Mais son art ne semble pas respirer de cet air-là ; cet art qui, par lui, perle de modestie, de ballades en pleine nature, et sent le rustique travail de l’artisan, le pain partagé et la fraîcheur de la source.
Cabias n’est pas épicentre mais promontoire, « dans la bruyère et les rochers. » Jofroi chante ce coin de terre comme jadis Ferrat chantait sa montagne, autre lieu d’adoption, du reste pas si lointain. C’est un disque de contrastes. Il y a ce lieu-là, Cabiac, havre de paix. Et les soubresauts et ignominies du monde que l’artiste observe. Il y a le calme d’une libellule, d’un filet d’eau, de failles et de ravines… Et ce monde de plus en plus fou, affranchi de bon sens. Et notre colère, notre indignation qui grandissent… « Dire qu’on a marché sur la lune (…) Un pas de géant mais pourquoi ? » (*)
Jofroi est d’une famille de chanson, celle de Philippe Forcioli, de Jean-Michel Piton, de Louis Capart…  De Félix Leclerc aussi, et ce n’est pas pour rien qu’il prélève au québécois La Gaspésie. Pas plus surprenant qu’il reprenne aussi une chanson de François Béranger et un texte, qu’il musique, de Jean-Pierre Chabrol. Belles parentés, vraiment. En convoquant de tels noms, je dis l’estime en laquelle je tiens Jofroi. Dans laquelle je tiens ce précieux album.

Jofroi, Cabiac sur terre, 2011, autoproduit/EPM. Le site de Jofroi, c’est là. Jofroi chante à L’Européen, à Paris, ce lundi 17 octobre à 20 h 30. Le titre « Si ce n’était manque d’amour » (ci-dessous en vidéo) ne fait pas partie de cet album. Mais ça me fait plaisir de le partager…

(*) Dans le précédent billet, je parlais d’Hervé Lapalud, de son nouveau spectacle, de son prochain album. Dans lesquels lui aussi s’étonne et chante : « On a marché sur la lune. Et après ? »

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3 Réponses à Cabiac, poste de vigie de Jofroi

  1. Odile 19 mars 2012 à 15 h 19 min

    C’est une petite merveille cet album là.
    J’avais oublié de laisser un commentaire, alors que je l’avais commandé après avoir écouté « Cabiac sur terre »
    Je ne m’en lasse pas , une voix superbe et de très beaux textes mis en musique divinement !
    Merci Michel pour le faire part !

    Répondre
  2. Patrick 13 novembre 2013 à 2 h 06 min

    Bonsoir Jofroi,

    je vais assister à votre concert à Chaumont, le 13 décembre prochain, mais pour l’heure je m’abreuve de votre poésie, dont je me sens si proche.

    Je me penche, je m’abreuve sur son lac, où chaque ponctuation en fait osciller, onduler la surface, où chaque mot est comme un poisson qui vient tourbillonner devant mes yeux, comme les tourbillons de mon enfance s’agitent derrière leurs orbites, dans les profondeurs de mon âme, aux lambris patinés plus par la solitude que par la crasse ou la glue du temps ; ce temps qui m’a inspiré ces vers :

    Ô, prends ton temps, épargnant le mien;

    Bats posément, cycle circadien,

    Et puis, sous ce fond de ciel cobalt,

    Laisse-moi savourer cette halte!

    Que ta pérennité se confonde

    Avec chaque fuyante seconde

    Que comptabilise mon horloge

    Avant de sombrer en quelque loge…!

    Je vous imagine et vous envie à Cabiac, dans votre « cul-de-sac », parmi « les bruyères et les rochers » de ce promontoire. Comme vous, j’aime marcher, en montagne surtout, et quand je le peux. Là-haut j’y élève ma solitude pour que mon corps s’allège.

    J’ai grimpé, j’ai grimpé encore

    Sur bien des chemins des estives,

    Longeant d’ombrageux abords

    De tortueux torrents et nives:

    Qui desservent lacs et marais;

    Puis j’ai suivi d’étroites sentes,

    Perçant de rousses fougeraies:

    Damiers des montagneuses pentes.

    J’ai traversé de verts enclos,

    Tapis de fleurs jaunes et mauves

    Qu’Eole berçait de ses flots,

    Sous des cieux aux zébrures fauves.

    J’ai pris par des rus de rocailles,

    Aux flancs apiques, escarpés,

    Sautant quelques étroites failles

    Virant de l’ubac à l’adret.

    Aussi grimpais-je, m’épuisant,

    Emu, l’âme et le corps aphones,

    Par des sous-bois tout reluisants,

    Emu, l’âme et le corps atones.

    J’ai grimpé, ne haussant les crêtes

    Que de mon humble humanité;

    Sachant bien, là, que cimes, faîtes

    Dépècent toute vanité…

    Pourquoi me sentais-je si seul,

    Debout, sur ces raides sommets,

    Comme adossé au vent qui feule,

    Ricoche sous des cieux chromés.

    Dès lors, mon âme s’élevant,

    Comme des plus profondes combes,

    Prenant les ascendants courants,

    S’élèvent les vols des palombes,

    Elle arrache mon corps fébrile

    Aux trop terrestres connivences;

    S’envole en des éthers stériles,

    Où tous les corps pesants y dansent…

    « Danse en ces sommets du Queyras,

    Ô! ma chère âme,

    Qui bombe ces cieux blancs d’écumes,

    Sans macadam.

    Soule-toi de cet opéra,

    Lave tes squames…

    Avant que tout ne me consume,

    Frêle quidam! »

    Cher Jofroi, pour moi « Les sapins de l’Arlberg » pleurent toujours « comme des saules » depuis l’enfance, depuis que, voici 58 printemps, je tombais d’un utérus, en ce mois de mars où mort le crocus.

    « La Petite Ville »

    (où repose, dans son urne, la propriétaire de cet utérus)

    D’une petite ville

    Que traversent, tranquille,

    Les eaux bleues de la Sorgue,

    Les harmonies d’un orgue

    Emplissent le ciel bleu,

    Jusqu’aux portes d’un dieu…

    D’une petite ville

    Que traverse tranquille

    Un tout petit cortège,

    Un corps, soudain, s’allège

    De son âme friable

    Que pourchasse un diable.

    En cette douce ville

    Se repose tranquille,

    Dans une urne bossue,

    L’inconnue que tu fus.

    Lors, mon esprit de marbre,

    Dénudé comme l’arbre

    Que vent battant effeuille,

    Amer, je me recueille.

    Puisqu’en ce jour, ma mère,

    J’y ai porté ma chair,

    En cette douce ville

    Où tu y dors tranquille.

    « Nu, j’ai vécu nu, naufragé de naissance » comme le chanta Allain Leprest, avec en bandoulière ma solitude, à l’étoffe trop fine, laissant passer les intempéries humaines, celles-là même qui fige, plaque le bonheur au fond des soutes de l’âme. Les remous d’une enfance abandonnée, remontent depuis toujours les ports de l’indifférence comme les muqueuses les pores des peaux délaissées.

    Je suis venu près du torrent,

    Maintes fois, le corps nonchalant,

    Apprivoiser la solitude

    Pour n’en prendre point l’habitude ;

    Pour n’en être plus son jouet

    Et n’en plus subir son fouet.

    Assis ainsi sur mon rocher

    Je la regardais s’approcher,

    Doucement, sans nulles saccades,

    Puis s’enfuir en quelques ruades ;

    Mais je présentais sa présence

    En ce vaste et basque silence.

    Elle était là, à sa lucarne,

    Hyène guettant proie ou carne,

    Et moi de l’ignorer ou feindre

    De ne l’entendre rugir, geindre,

    Quand tournoyaient dans les cieux

    Des vautours au long cou noueux.

    ………..

    Lors ma solitude est un flot

    Qui, fougueux, court, saute à vau-l’eau

    Au point le plus bas de son cours…

    Elle a pour ténébreux parcours,

    De mon âme, les sombres gaves

    Où sont, des amours, les épaves.

    Mais il n’y a, cher Pays-Basque,

    Que toi qui apaise les frasques,

    Les tourments de ma solitude,

    Adoucit mes incertitudes ;

    Il n’y a que toi, sans faiblesse,

    Qui, lors, convient à ma tristesse…

    Voilà, je ne sais pas pourquoi je me confie à vous, que j’importune surement ; mais je suis seul devant mon clavier, le corps à l’écoute de vos chansons et l’âme qui tangue à la mesure du clavier de Line Adam. : à chacun ses touches et claviers.

    A ce vendredi 13 décembre (mauvaise ou bonne augure) 2013 à Chaumont, dont je suis à 10 kms.

    Avec toutes mes excuses si j’ai pu vous ennuyer.

    Bien cordialement et avec toute mon Admiration sincère.

    Patrick BULLE

    Effusions basques, au Pas-de-Roland

    La brume s’élève, livrant l’Arzatmendi

    Aux matinaux et doux rayonnements solaires.

    Alors que s’attarde l’âpre albédo lunaire,

    J’eusse aimé, en ces lieux, qu’une foi suspendît,

    Q’une force arrêtât l’universel pendule;

    J’eusse aimé que du temps l’on aplanît son onde,

    L’instant éphémère, qu’ici, âme s’y fonde.

    Las! la brume n’est plus et le torrent ondule;

    Il court, blancs d’écume, mourir dans l’Océan:

    Les basques nuages enjambant la montagne.

    Oui, j’eusse espéré tant que tout prît fin, céans!

    Mais, l’indifférence pour complice compagne,

    Le cycle circadien poursuit ses contorsions,

    M’entraînant dans son cours, hors de mes effusions…

    « L’Absente Voyageuse »

    Ô! Maman de mon enfance, Que fis-tu de la tendresse

    De mon imagination; Et de ces douces paroles

    Maman de mes rebellions, Qui sont ce fertile sol

    Mères de tant d ‘espérance, Où l’enfant croît sans faiblesse ?

    Beaucoup plus que de ton lait, Je n’ai rien de toi, maman,

    Le sevrage de ta voix, Ni souvenir de parfums,

    A ton enfant aux abois, Non plus de celui de mes mains,

    Fit défaut à tout jamais. Dans les tiennes, tendrement.

    Cette main venue de toi, Peut-être étaient telles douces

    Voici déjà bien longtemps, Ces mains qui m’ont peu tenu;

    Désespérément, maman, Ce qu’enfant n’a point reçu,

    Sur ce front venu de toi, Jamais ne germe et ne pousse

    Mue par un espoir banal, En sa mémoire amputée

    Passe et puis repasse encore Dont l’écho, si caverneux

    Pour découvrir ce trésor, D’être enfin enfant heureux,

    Cette cavité frontale, Cogne l’arête affûtée

    Que chaque baiser du soir D’une solitaire enfance.

    Aurait creusé, tel un nid, Oh! toi, mère génétique,

    Comme des perles de pluie, Toi, maman, mère utopique,

    Claquantes sur un trottoir. Vois, je pleure ton absence.

    Sous le ciel de mon enfance Qu’en ta demeure terreuse

    J’errais, seul, sans toi, maman; Tu reposes sans regrets;

    Sans sourire réconfortant, Je ne t’ai point reniée,

    Sous l’ombre de ton absence. Mon absence voyageuse.

    « En la Baie de Menton »

    J e vais, nonchalant, sur les galets de la grève,

    La nuit croissant dans le ciel mentonais

    Comme monte la vigilante sève,

    Tant des palmeraies que des châtaigneraies.

    La lune, semblant suspendue à un filin,

    Se reflète dans la grande bleue assombrie ;

    C’est l’heure où les corps et âmes sont sereins,

    Mais c’est aussi celui des peines sans abri.

    Alors que me portent vers le port mes pas lents,

    Que la mer, en son mouvement perpétuel,

    Déroule le tapis de galets reluisants,

    Les étoiles d’or ouvrent leur bal rituel.

    Mais la nuit a du mal, de son anthracite draps,

    D’envelopper l’ample cosmos de minuit ;

    Mais, patiemment, elle en fera son repas,

    Emmitouflant l’espace de son enduit.

    J’ère, nonchalant, sur la grève de galets,

    Que caresse la mer de sa douce houle ;

    Et je m’y sens plus seul que prince en son palais,

    Transperçant le flot d’une indifférente foule.

    Dans le port, bien ordonnée, une flottille

    Attend, pour appareiller, que le jour pointe,

    S émancipant de la baie de Vintimille ;

    Ce sera l’heure aussi de tant d’amours défuntes.

    Voici le spectacle qui s’offre à mes yeux

    Sous le dôme étoilé de cette fin août ;

    J’entends, sur les galets, crisser la Grande Bleue,

    Emprisonnant l’éclat célestes en ses remous.

    Pourtant tout semble, en cette baie de Menton,

    Prédisposé à la quiétude des âmes,

    Hors de portée des soubresauts, des affronts,

    Des gelures du destin, comme de ses flammes.

    Faut-il donc, qu’à ce point, un être aimé vous manque

    Pour se sentir hors du temps et de ses calanques ?

    Foyer

    (celui de mon orphelinat)

    Maman! il fait froid!

    Mets-moi ma couverture!

    Maman! c’était toi,

    Avant ma couverture!

    Monsieur! vers quoi

    M’emporte ta voiture?

    Monsieur! je vois

    Dans ton regard obscure,

    Monsieur, je crois,

    Comme une meurtrissure.

    Madame! pourquoi

    On a changé mes murs?

    Madame! dans quoi,

    Dis, on me claquemure?

    Madame! chez toi

    Ca sent la pourriture.

    Madame! chez moi

    Ca fleurait la nature.

    Enfants! comme moi,

    La même procédure.

    Enfants! sous ce toit,

    Eteint nos diaprures.

    Enfants! vous et moi

    Sommes nous des impures,

    Enfin, de quel droit

    Ce bol de cyanure?

    En vain, laissez-moi

    Sombrer dans la saumure.

    Maman! de quel droit

    Cette amère rupture?

    Ma mère! ton choix

    Fut donc la déchirure.

    Mais ne suis-je pas,

    Dis, ta progéniture?

    Ciel! quelle croix

    Ecrase mon futur?

    Ciel! aide-moi

    A trouver l’ouverture.

    Ciel! forge-moi

    La clef de la serrure

    Si elle m’octroie

    De briser mes ferrures.

    Dieu! je plaide, moi,

    Une enfance de mûres.

    Dis, eux comme moi,

    De cette nourriture,

    Dieu, avons droit.

    Tout m’est si obscure!

    Ô! Dieux! j’ai froid,

    Seul, dans cette masure.

    Dieu! de quel bois

    Suis-je donc la bouture?

    Odieux qu’ils soient

    D’attiser ma brûlure.

    Madame! pourquoi,,

    Dis, ce grand réfectoire?

    Monsieur! pour moi,

    Aussi ce long dortoir?

    La mère! tu vois,

    Là, dans ce pourrissoir,

    L’amer est l’aloi…

    Dont tu me fais son hoir.

    Dis! Dieu! tes croix

    Change-les de trottoirs!

    « Elle referme ses Yeux »

    Elle ferme les yeux;

    Elle a cloîtré nos cieux;

    Elle s’en retourne dans son Afrique

    Encapuchonnée de noire musique.

    Voici que celle-là pense et danse

    Car voilà que celle-ci est en transe.

    Ô! il suffirait que ce train s’arrête

    Pour que , sans tarder , s’étouffe la fête.

    Fort heureusement ce n’est pas sa gare;

    Toutes ses pensées sont ailleurs,

    Encapuchonnées d’un autre bonheur…

    Elles creusent et puis trouent son présent

    Aux fins de retrouver son continent.

    Elle ferme ses yeux

    Et s’ouvre à d’autres cieux;

    Elle est assise dans un autre train

    Et roule , vole vers d’autres destins.

    Vraiment , peu lui importe les secousses,

    Qui vers ce loin pays natal la poussent…

    A la voir , elle a du y parvenir,

    Puisqu’aux lèvres on lui voit un sourire.

    Fermés , elle garde fort ses yeux;

    A la voir , elle a rencontré Dieux…

    Est-il donc sans croix? Est-il noir de peau?

    Est-il l’espérance?… Est-il jazz-mélo?…

    Tes Edelweiss

    (à ma mère nourricière, adorée, décédée le 11 juin 2013)

    Allongée en son fauteuil médicalisé,

    A la fenêtre de sa cuisine, trop sombre,

    Elle observe, d’un regard comme balisé,

    Le monde extérieur qui la perçoit comme une ombre.

    Ses voisines, veuves aussi, lui font visite,

    Plusieurs fois par jour, les yeux plein de tristesse.

    Elles devisent sur leur passé qui s’effrite,

    Mais pas un mot de ce futur qui les oppresse.

    A sa fenêtre elle sourit, la vieille dame,

    Quand elle voit de ses enfants, la silhouette.

    Transperçant la vitre, s’extirpant de son âme,

    Son sourire apaise tout ce qui la fouette.

    Ses frères et sœurs que, pour seconder leur mère,

    Elle éleva dans sa lointaine jeunesse,

    Viennent redorer sa solitude amère,

    Redonner à son corps défaillant quelque ivresse.

    La vieille dame, notre chère Maman,

    Allongée en son fauteuil, du matin au soir,

    Détourne ses pleurs, cache douleurs et tourments,

    Mais chacun sait et ressent son grand désespoir.

    Toute la journée, entassée en son fauteuil,

    Elle attendait quelque fin ou commencement…

    Et te voici endormie dans ton linceul,

    En partance, là, vers quelque autre firmament.

    Ainsi tu laisses un vide incommensurable ;

    Et même si le temps use granit et gneiss,

    Demeurera ton souvenir inoubliable,

    Et jamais ne s’effeuilleront tes Edelweiss.

    Symphonie d’Hendaye

    Je vois, je vois l’Océan;

    Je l’entends; oui je l’entends

    Mugissant en s’écrasant

    Sur cette plage déserte.

    En vagues bleues et vertes

    Il se meut, la gueule ouverte.

    Au loin, à califourchon

    Sur le fil de l’Océan,

    Des bateaux, à l’unisson,

    Tanguent et gîtent encore

    De bâbord et de tribord;

    Ils dansent loin de leur port.

    Et je vois, des Pyrénées,

    L’échine déjà lancer

    Dans les cieux ses sommets.

    Dans ce décor magnifique

    Que façonna l’Atlantique

    J’erre, l’âme nostalgique.

    Quand Nuit étend son bitume

    Sur ces rouleaux tout d’écume

    Mon être, comme une plume,

    Plane telle une mouette…

    Quand une vaque fouette

    Ma si frêle silhouette.

    Etoile d’Arcangue

    Je suis seul sur la montagne, roseau bien frêle,

    L’âme adossée au vent qui cintre la fétuque.

    Sous les bleuissements astraux qui s’entremêlent

    La bise anordie me fait courber la nuque.

    La linéarité de mon humble existence

    Lors, prend sur ces hauteurs de si changeantes ondes,

    Bien hors de portée des soubresauts du monde,

    Aux râles et joies épargnant le silence.

    Mon âme enchâssée, sertie en cet écrin,

    Fuyant l’antre terrestre, à l’aplomb du ravin,

    Lévite dans l’azur sans patine et y tangue

    Quand la nuit sème, au loin, sa poudre sur Arcangue.

    Ô ! que je vous chéris, douce basque montagne,

    Ô ! nuit éthérée m’absorbant en son pagne.

    Ton étoile brille en ce cosmos d’opaline

    Mais hors de portée de mon âme orpheline…

    Un peut d’autodérision…

    « Suppliques aux Editeurs »

    (et à mon lecteur…?)

    Monsieur l’éditeur,

    Et puis vous, Lady Trice,

    Recevez de mes heurts

    Mes modestes matrices.

    N’ayez aucune gêne,

    Non plus d’ingratitude,

    Si vous y trouver gène

    Prometteur d’aptitude

    A le faire savoir.

    Et si l’entéléchie

    Effleurait mon grimoire,

    Que j’en sois affranchi

    Ne vous cause tracas.

    Que mes épithalames,

    Non plus, ne vous inquiètent

    Ni vous tourmentent l’âme,

    Sils me sacrent poète.

    A côtoyer l’ascèse

    Pour frôler le talent

    N’est pas faire florès

    Mais tamiser son rang.

    Mais pour vous apaiser,

    Ces vers vernaculaires

    D’éthers mal aisés

    De lourdes atmosphères,

    Dont chaque rime se cueille

    Aux branches de mon être,

    Ces vers donc, un écueil

    Pourront vous apparaître;

    Pourtant, quoiqu’il en soit,

    Ma poésie éclisse

    Les rails de mes émois,

    Evitant qu’ils n’en glissent;

    Et à Villon, Ronsard,

    Et même au Fabuliste,

    N’osez monter mon art.

    Ajoutez sur la liste:

    Vigny et Lamartine,

    Et Musset et Hugo.

    Que, de mon spleen,

    Ne leur tonne l’écho!

    Monsieur Baudelaire,

    Non plus Rimbaud, Verlaine,

    Claudel, Appolinaire

    Ne doivent de mes thrènes

    Voir l’ombre de leurs ailes.

    Et dites à Brassens

    Et à monsieur Brel,

    Que du spleen qui m’évince

    Mes vers en sont la marquise

    Et non pas fantaisie.

    Je ne suis qu’orpailleur

    Ô! de leur poésie,

    Et donc qu’un rimailleur;

    Sans cesse tamisé

    Tout mon être palpite:

    Si de leur empyrée

    Je croquais la pépite!

    A moins que tous ces maîtres

    Des embruns du génie

    Souhaitent s’en soustraire,

    Et quitter l’inertie

    Des silves et églogues;

    Alors, je m’autorise,

    Aux fins que tous s’en moquent,

    Que ma rimaille ils visent.

    « Apo…Strophée »

    Je voudrais passer à « Apostrophes »

    Pour pouvoir y réciter mes strophes

    Et, que me dise, Bernard Pivot,

    Si je suis un génie ou un sot.

    Mais ce n’est pas une catastrophe

    Si je ne vais pas à « Apostrophe »;

    Car, même sans l’avis de Pivot,

    Génie…sot…je suis ce que je vaux.

    Je voudrais passer à « Ex-libris »

    Afin d’y réciter tous mes vices,

    Et que me dise, Poivre d’Arvor,

    De mes vers, les raisons et les tors.

    Que l’indifférence me remplisse

    Si nul ne me voit à « Ex-libris »;

    Puisqu’avec ou sans Poivre d’Arvor

    Ma poésie restera mon corps.

    De même, de la postérité,

    Je souhaiterais, en vérité,

    Par le bon vouloir de « Lady-Trice »,

    Que mes vers en goûtent les délices.

    Mon corps ne sera point agité

    S’il ne trouve la postérité,

    Car les pieds de mon écriture

    N’ont que faire de cette pointure.

    Répondre
  3. Danièle Sala 13 novembre 2013 à 12 h 32 min

    Je ne serai pas aussi prolifique que Patrick , mais Jofroi, c’est une belle respiration , il y a du Virgile en lui, ce sont les choses authentiques , simples de la terre, qui nourrissent l’existence et forment une harmonie universelle qui élève le regard . Ecouter Jofroi, ça fait un bien fou .

    Répondre

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