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Clémence Savelli, qui n’est qu’un cri

A priori rien ne peut empêcher Clémence Savelli d’accéder au grand succès. Beau physique belle voix, vrai talent d’interprétation, convenez qu’on fait des vedettes avec bien moins que ça. Mais elle n’est que cri, et on ne crie pas dans les couloirs du succès : on miaule, on minaude, on fait patte de velours. Elle pas vraiment, qui sort ses griffes. Premier titre et première erreur : Léon le SDF. « Il était un p’tit Léon / Pirouette, cacahuète / Il était un p’tit Léon / Qu’avait une drôle de maison / Sa maison est en carton / Ses rêves sont en papier / Il s’est cassé le goût d’aimer. » Ni Leprest ni Didier n’ont connu le succès en chantant SDF, que je sache. Puis, quittant le carton pour le béton, autre habitat, Savelli chante et s’indigne de ceux qu’on entasse dans ces tours : « béton et regards armés ont tué nos espoirs »… Plus loin, elle nous dit sa peur de ce monde, « des ombres citadines /des rengaines de l’usine / des frustrés des mesquins / du vide qui me retient. » Ça et d’autres (belles) chansons, comme Femme du siècle, où elle égrène les décennies du sentiment. Clémence Savelli m’évoque deux de ses ainées, des parentes sûrement : Francesca Solleville et Véronique Pestel. Avec ses vrais morceaux de vie et de révolte dans ses chansons, avec aussi des élans de tendresse et d’amour, cette artiste bordelaise est loin de la promesse d’une carrière consensuelle aux refrains ronronnants.
Clémence Savelli est ainsi, qui plus est en agréable récidive : c’est son quatrième album (le précédent est un dévédé). Piano, voix, violoncelle : entre « valses mélancoliques et tangos enragés », la chanson de Savelli, d’un grand classicisme, est belle épure, comme pour se débarrasser de toutes fioritures, pour aller à l’essentiel. La vocation de cette chanteuse ne tient pas du hasard, elle qui dit traîner ses galoches depuis l’âge de six ans dans les sentiers de la chanson à texte.

Clémence Savelli, Le cri, 2011, Arte Viva production. Le site de Clémence Savelli, c’est ici. Clémence Savelli en concert le 3 février à 21 h au Café des Moines à Bordeaux.

Léon, vidéo mise à jour le 12 octobre 2019
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12 Réponses à Clémence Savelli, qui n’est qu’un cri

  1. Enora Monfort 26 janvier 2012 à 8 h 00 min

    Magnifique… vraie…
    Elle me fait penser à une autre chanteuse, nantaise, celle-là, Barbarie… pour la découvrir :
    http://hoplamusique.free.fr
    ou
    http://www.youtube.com/watch?v=ktdd1ytmglY&list=FLu3CmBNrRc4Am3uD0Ar2_yw&feature=mh_lolz
    Bientôt en concert à Paris, d’ailleurs.

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  2. Bart 26 janvier 2012 à 11 h 51 min

    C’est une bonne nouvelle ce compte-rendu du dernier cru Savelli sur votre blog. Autant je vois des filitations avec Pestel, autant je ne le vois pas avec F. Solleville, que j’apprécie cependant. Quant à la notion de succès, il faudrait aussi de dire qu’est-ce que le succès. Car d’une certaine manière, le succès elle l’a, mais limité. Mais elle est bien plus connue que bien des artistes que nous chroniquons…et elle s’est remarquablement bien adaptée aux nouvelles technologies. Une artiste de son temps qui sait en même temps rester intemporelle…et les musiques…ah les musiques…sublimes…

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  3. Norbert Gabriel 26 janvier 2012 à 13 h 52 min

    Je viens de recevoir « Le chant de la gitane » (Barbarie) c’est vrai qu’elles sont de la même famille

    La chanson « Léon le sdf » pourrait bien lui valoir une mésaventure comme celle qui est arrivée à Valérie Mischler, une radio locale qui écoutait son album a trouvé une chanson très agréable, entrainante, vive et tonique … Ce qui est vrai pour la musique, mais c’est l’histoire d’une femme qui meurt sous les coups de son cher mari .. D’ici qu’on retrouve Pirouette Cacahuète dans la play list jeune public .. ce qui ne serait pas si bête que ça finalement…

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  4. Luc 26 janvier 2012 à 15 h 25 min

    C’est vrai que cette chanson Léon est splendide et une sorte de tube en puissance. Ce disque est bourré de pépites. Témoignage d’un autre artiste par msn (vive le net) :

    « Incontestablement, elle a un public, je l’ai vue sur scène au Magique récemment. Et lorsqu’elle finit son tour de chant avec l’Espoir et qu’ayant à peine fini de chanter tandis que le pianiste continue la conclusion musicale, le public applaudit, c’est l’émotion qui parcourt le corps. En fait, ce n’est pas du tout une technicienne de la chanson et c’est ce qui séduit, c’est brut, c’est fort, on est secoué. Ce n’est pas tiède et c’est agréable »

    On ne peut pas être plus clair. Quant à la notion de succès, on pourrait en débattre des heures et des heures…

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  5. Papa Momo 27 janvier 2012 à 16 h 57 min

    Je l’ai vu sur scène, il y a 3 ans, dans la petite cave du Chat Gourmand à Bordeaux. Incontestablement un grand talent, une sensibilité à fleur de peau, une présence, une voix très expressive et de bien belles et fortes chansons. Un bémol cependant, sur l’ensemble de ce concert (et je lui ai dit) toutes les chansons étaient pratiquement sur le même registre « révolte et revendications ». Je crois sincèrement qu’un peu de fantaisie, un peu de gaieté, comme le faisait Brel, serait une valeur ajoutée à son spectacle qui deviendrait ainsi plus programmable.

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  6. Pascal Pistone 31 janvier 2012 à 0 h 07 min

    Bonsoir Papa Momo,

    En tant que pianiste de Clémence Savelli, je tiens à préciser que le spectacle précédent que vous évoquez, intitulé « la Seulitude » (et qui n’était évidemment pas une invitation exclusive au rire et à la fête), comportait également des chansons drôles (« Les Amants Zig-Zag »), satiriques (« J’emmerde ») ou tendres (« Les petits vieux », « Mon frère »)… Attention donc à la caricature, si je peux me permettre, d’autant plus qu’il convient de connaître son dernier spectacle ou album avant d’annoncer, sur un blog aussi réputé, qu’elle est difficilement « programmable ».

    En réalité, vous soulevez une problématique des plus intéressantes, puisque vous expliquez (vous-même en tant que programmateur ayant toujours refusé de programmer Clémence Savelli – et c’est votre droit le plus légitime) que vous lui prêtez néanmoins « un grand talent », « une sensibilité à fleur de peau », « une présence », « une voix très expressive » et « de bien belles et fortes chansons ». Néanmoins cette artiste reste, selon vous, pour les raisons évoquées plus haut, difficilement programmable, comme si le public que vous conviez était incapable d’apprécier les nombreuses qualités que vous affirmez pourtant déceler. Même la ménagère de moins de 50 ans de TF1 mérite qu’on lui fasse un peu confiance…

    Pour avoir été propriétaire et programmateur d’une salle de spectacles pendant quelques années, je sais combien votre activité est complexe et délicate. Mais comprenez que si nous avons choisi ce répertoire de chansons personnelles ou intimistes qui nous placent à l’abri des paillettes, des projecteurs de la télé-réalité, des dérives commerciales et de certaines productions associant systématiquement musique et paquet de lessive, chanson et audimat, talent et « bancable », c’est justement pour ne pas avoir à subir ce genre d’étiquette : « elle est programmable » – « elle n’est pas programmable ». Seule devrait compter la subjectivité du public ou même des programmateurs : « elle m’a ému » – « c’est nul » – « c’est magnifique » – « c’est de la merde »…. La subjectivité et rien d’autre ! Sinon nous subirons tous le dictat des formules toutes faites nous indiquant malgré nous si un artiste est « programmable » ou non.

    Pour obtenir un artiste « programmable », versez quelques chansons festives, un peu de fantaisie, de la gaieté, et évitez absolument les Ferré et les Barbara qui ne vous décollent pas un sourire de tout le concert…

    Nous pourrons ensuite tenter de déterminer la formule magique permettant de savoir si un programmateur, quant à lui, est bien « programmateurable ».

    Pour obtenir un programmateur « programmateurable », versez une dose de curiosité, ajoutez une petite prise de risque, surtout aucun jugement préconçu sur la capacité d’un artiste jugé talentueux à être « programmable », un bon litre de confiance dans le public fin et bienveillant de la chanson, ainsi qu’une forte dose d’autodérision permettant de prendre le présent mail avec humour !

    Amicalement.

    Pascal Pistone

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    • Papa Momo 31 janvier 2012 à 12 h 55 min

      Bonjour Pascal,
      Loin de moi l’idée de nuire à Clémence dans mes propos puisque je lui trouve un indéniable talent. J’aurai du préciser :  » plus programmable sur notre festival Poèmélodies qui a lieu l’été, en plein air sous une halle et en milieu rural ». J’étais effectivement venu la voir pour une éventuelle programmation et je n’ai jamais refusé de la programmer puisque la démarche venait de moi. Je la vois faire de gros succès dans les salles plus intimistes auprès d’un public très averti. Effectivement je n’ai pas encore pris connaissance de son dernier album et je vais m’empresser de le commander pour pouvoir vous donner mon avis, si ça vous intéresse, bien sûr. Bien amicalement et sans l’ombre d’une quelconque vexation.
      Papa Momo

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  7. Pascal Pistone 31 janvier 2012 à 15 h 49 min

    Bonjour Papa Momo,
    Merci pour votre réponse. Je suis certain que Clémence sera très honorée de vous offrir son dernier album.
    Bien à vous.

    Pascal

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    • Papa Momo 31 janvier 2012 à 17 h 10 min

      Bonjour Pascal,
      C’est avec un grand plaisir que je recevrai cet album, avec une dédicace de sa main, le plaisir en serait décuplé. Je suppose que vous connaissez mon adresse. Sinon vous la trouvez sur le site http://www.poemelodies.fr.à la rubrique Contact. Merci d’avance. Bien à vous et à Clémence.
      Papa Momo

      Répondre
  8. Bart 2 février 2012 à 10 h 25 min

    Je suis en accord avec Pascal. J’ai été au concert de Savelli. Certains arguments avancés par Papamomo ne me conviennent pas du tout, on dirait que vous pensez à la place des gens. Des ruraux peuvent très bien apprécier en plein air un concert de Savelli. Si tous les programmateurs pensent comme vous, un certain style de chanson sera confiné à des ghettos. Les chansons de Savelli ne sont pas faits d’emblée pour les petites salles intimistes (trop facile), elles sont faites pour les gens qui aiment les beaux textes, les belles musiques et qui veulent élargir leurs horizons…et ces gens sont nombreux…ce n’est pas un phénomène d’élite. Pour ma part, j’ai été au concert de Savelli au Magique…j’ai davantage ri qu’à des concerts où les chanteurs se voulaient de bonne humeur avec des chansons sensées donner le sourire. Quand la chanteuse parle du métier de chanteuse et aborde l’amour vache(avec les Amants), croyez-moi, les gens rigolent vraiment et ce ne sont pas des rires jaunes…passer de l’émotion au rire sans tomber dans les abysses de la variété pleine de compromis, c’est un challenge…après coup oui je m’interroge, comment se fait-il que certains programmateurs aient si ‘peur’ de Clémence Savelli ? Ne soyons pas dupes, et là je ne parle pas de vous, je ne vous connais pas, mais le fait que ce soit une jeune femme blonde et belle et élégante a sans doute perturbé pas mal de gens dans le milieu souvent étriqué de la chanson, elle ne rentrait pas dans les cases. Mais il ne faut pas attendre que les années passent pour enfin la programmer, il faut la programmer maintenant, dire aux gens qu’on les aime, il faut le dire maintenant, pas quand il est trop tard. C’est trop facile de dire’ il/elle a du talent mais non pas dans le cadre de mon festival’, un festival cela sert à quoi sinon ?Je fais partie du public, j’ai mon mot à dire, et je ne suis pas le seul…je ne suis pas dans une réaction passive à attendre ce qu’on va me proposer…

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    • Papa Momo 3 février 2012 à 16 h 50 min

      J’aimerais que l’on ne me fasse pas un faux procès sous prétexte que je ne veux pas ou que j’hésite à programmer Clémence sur notre festival Poèmélodies. Je ne méprise en aucun cas quelque public que ce soit. Si j’ai créé, avec mes amis, ce festival c’est par amour de la chanson française de qualité et pour permettre à des auteurs talentueux peu connus de se produire sur scène. Pour éviter de long discours qui ne vous convaincront pas forcément et vous faire une idée sur le contenu de notre festival, je vous invite à consulter le site http://www.poemelodies.fr où vous trouverez la programmation 2012 et tous les artistes lauréats de notre concours et tous ceux qui ont été programmés depuis la première édition de 2007. Vous verrez que ce ne sont pas tous des amuseurs. J’ajoute que le seul plaisir d’un programmateur ne suffit pas à faire vivre un festival, il faut également qu’il tienne compte du public et de bien d’autres critères pour essayer d’en assurer la pérennité. Chaque année nous ne sommes pas sûr que le festival aura lieu l’année suivante, c’est un combat de chaque jour et une remise en question perpétuelle. Alors ne jetons pas l’opprobre à ceux qui se battent pour que la chanson reste un pan de culture essentiel, même en milieu rural.

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  9. Florence Vogler 28 février 2012 à 16 h 51 min

    Merci pour cet article qui m’a donné envie de commander son album … une très belle découverte !

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