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Ils ont chanté Nanar… (et drôlement !)

Bernard Lavilliers au kiosque de Saint-Etienne, vraisemblablement en 1970 (photo DR)

De la confraternité d’artistes considérée comme un art à elle toute seule… Peu de chansons chantent les chanteurs, aucun artiste ne consacre une chanson à un collègue de travail. Ou alors au détour d’une phrase, en guise d’hommage ou pour se faire les griffes. Bien sûr, on sait des chansons entières consacrées à Brassens, de son vivant (Jean Ferrat) comme après sa mort (Maxime Le Forestier, Font et Val, Sale petit bonhomme et tant d’autres…). A ce titre comme à bien d’autres, Bernard Lavilliers est l’exception qui confirme la règle. Les rocambolesques aventures de Bernard Lavilliers, sa légende entre toutes extraordinaire, ont inspiré nombre de ses confrères, en des rimes persifleuses, raillant volontiers l’effrontée mythomanie du chanteur stéphanois.

On le sait bien sûr de la chanson Bernard Lavilliers des Fatals Picards, pour laquelle Lavilliers a lui-même participé au clip, agrégeant à son personnage l’humour qui parfois lui manque : pouvait-il d’ailleurs faire autrement face à cette charge chantée ? « Bernard Lavilliers / Mais qu’est ce que tu vas pouvoir faire / Il te reste plus de métier à faire… » On sait moins que d’autres artistes ont chanté ce chanteur qui et censé avoir tout fait. Le livre « Les vies liées de Lavilliers » les recense utilement..

Bernard Joyet n'a certes pas chanté Lavilliers mais visiblement apprécié ce livre… (photo Coll pers Joyet)

Ainsi Gilbert Laffaille qui, par son Neuilly blues, vise tant l’ouvrier-baroudeur qu’est Lavilliers que le vrai-faux loubard du périph’ qu’est Renaud : « J’ai rien à chanter (…) J’ai jamais été soudeur ni mineur ni taulard / Le destin tu peux pas lutter contre. » Alain Bert le lyonnais, ancien compagnon de route de Nanar, qui, dans Mythomane, évoque sans le nommer son ami : « J’ai la tête remplie d’images / Mon existence, un vrai carnage / Si c’est pas vrai, c’est sûr que j’crâne / Faut qu’on parle de moi dans le journal. » Pierre Barouh, grand spécialiste s’il en est du Brésil, dédié son A coups d’A… à un certain Bernard, et ce n’est pas un hasard : « A coups d’arguments / Alors que c’est flagrant que c’est du vent / Tu nous mènes en chaland / Ta mythomanie s’emballe et pourtant / Tu joues les nonchalants. » Enfin, Boris Bergman confie avec écrit Rebel (pour Bashung) après avoir écouté Lavilliers : « Demain j’ai une attaque de train / Faut se préserver si on veut durer / Rester toujours numéro un. » Autre texte, intitulé Bernard Lavilliers, inédit celui-ci, de la main de Jean Duperray, l’ancien maître d’école de Bernard Oulion, le futur Lavilliers : « Ton visage géant / sur les vastes affiches / Et tes chants déchirants / Comme d’un dur qui triche / Contaient larmes-images / Un calvaire de lutteur / Des rêveries-orages / En plaintes de chanteur. »

A la sortie du livre, le journaliste Bertrand Dicale avait repris cette thématique pour nourrir son émission « Ces chansons qui font l’histoire » sur France-Info : ce fut un des seuls journalistes au national à oser parler de ce livre victime d’une omerta sans pareil. Emission du 21 décembre 2010 que vous pouvez écouter ici en intégralité.

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NosEnchanteurs a bien entendu consacré nombre de papiers à ces « Vies liées de Lavilliers » de Michel Kemper, parues chez Flammarion, papiers qu’on retrouvera ici. On peux toujours commander ce livre à son auteur qui se fera le plaisir de vous le dédicacer (24 euros, frais de port inclus).

9 Réponses à Ils ont chanté Nanar… (et drôlement !)

  1. Christian 3 juin 2012 à 10 h 06 min

    Ça deviens obsessionnel, cette lutte anti Lavilliers Michel…
    La chanson de Lafaille peut tout aussi bien s’adresser à Béranger. Certe, Férret aurais du mal a défendre son passé prolétaire. Mais moi même qui n’ai jamais mis les pieds dans une usine, j’ai bien envie de parler d’eux dans les chansons. Parce que mon père était mineur, j’ai envie de parler de la mine. je dois avouer que la vie d’un millitant UMP m’intéresse moins…
    Puis le show bizness, ça fabrique les images, et rendrais mireille mathieux femme proche de mère thérésa, si ça devait lui rapporter du blé. On le sait, pas besoin de nous le raconter.

    Réponse : Quelle lutte, Christian ? Je ne suis pas en lutte et je ne suis pas, loin s’en faut, contre Lavilliers. Quant à la chanson de Gilbert Laffaille, elle ne s’adresse pas à Béranger, mais bien à Renaud et Lavilliers, c’est un fait.MK

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  2. Rob 3 juin 2012 à 10 h 59 min

    Et Bertin dans « Ma vie, mon oeuvre »
    « …Une autre fois rôdant dans l’Indre
    J’ai vu la mission Lavilliers
    Cherchant le Pérou sur L’allier
    Croisant l’expédition Hallier
    Qui faisait semblant d’être aux Indes…
    Beaux mensonges, beaux mariniers
    Emportez moi vers d’autres rades
    Faux palais, faux marbres, faux jades
    Auprès de vous, des templiers
    Le secret me paraît bien fade… »

    Réponse : Honte à moi, Robert, je ne connais pas ce disque et cette chanson de Jacques Bertin ! (j’ai des lacunes) Que Bertin parle de Lavilliers sur l’Allier est assez étonnant : une des premières chansons de Bernard (époque stéphanoise, 1965) est « Sur les bords de l’Allier »… MK

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  3. Michel TRIHOREAU 3 juin 2012 à 19 h 25 min

    Pas de fausses querelles, entre l’adulation et la lapidation il y a largement de quoi se balader dans l’œuvre du Nanar !
    Ils sont comme ça les artistes, excessifs, écorchés vifs, délirants, dépressifs, mythomanes, cyclothymiques et parfois « ben ordinaires ». Mais s’ils étaient « comme moi, comme toi, comme nous, comme vous » ils seraient épiciers ou notaires, voire coiffeuses ou fonctionnaires, mais pas artistes.
    Michel Kemper a eu le mérite dans son livre de ne pas tomber dans l’idolâtrie et de traiter le sujet avec beaucoup de recul, sans jamais pour autant démolir l’artiste. C’est un document d’une grande fiabilité et un vrai travail de journaliste honnête.

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  4. Dominique 3 juin 2012 à 21 h 57 min

    100% d’accord avec le commentaire de Michel T. On peut aimer le Nanard et son oeuvre sans être dupe et même parfois laisser poindre irritation ou sarcasme…

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  5. Rob 4 juin 2012 à 8 h 42 min

    Finalement, que Lavilliers s’invente une vie, un personnage baroudeur, c’est de la création d’artiste, même si c’est un peu ridicule, ça reste amusant.
    Ce qui est vraiment gênant pour moi, chez Lavilliers, c’est la pratique peu fréquente mais réelle du plagiat.
    Avec son immense talent il n’a pas besoin de ces petites bassesses.
    Je l’aime toujours quand même, mais ça m’agace.

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  6. Cuffi georges 4 juin 2012 à 15 h 32 min

    « c’est la pratique peu fréquente mais réelle du plagiat. » Pas si peu fréquente que ça, Rob ! non, FRÉQUENTE ! y compris parfois dans les mélodies. Tu as toi-même signalé certains plagiats éhontés, des copiés collés de Laporte et Roy. J’étais aussi un grand fan de Lavilloche, vu 5 fois en scène à des périodes différentes, mais depuis « les seins ombragés des palmes du sommeil » c’est terminé.Ce type est un vampire, suçant l’âme des poètes morts (ça, les « poètes morts », je le pique à jean Vasca, je sais !)

    Réponse : Pour ma part, j’ai identifié pas loin de 25 chansons de Nanar ayant, comme dit si délicatement la Sacem, des « ressemblances caractérisées » avec des autres textes de poètes, d’écrivains et/ou de chanteurs. Tous d’auteurs morts, effectivement, au moment de l’emprunt. ça peut aller de deux trois vers à (on le sait à propos de la chanson « Saignée ») tout le texte. Dans ce cas, je pense qu’on peut parler de contrefaçon. Y’a pas mal de ces « ressemblances » dans le livre ; on trouve les autres dans les commentaires des lecteurs de NosEnchanteurs. MK

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  7. Cuffi georges 4 juin 2012 à 16 h 10 min

    Il n’y a pas que « Saignée » ! il y a aussi, me semble-t-il, « attendu » de René Laporte, clairement découvert dans le disque de James Olliviers. Mais l’auteur n’apparaitrait pas sur le cd, parait-il, suite à une négligence du concepteur, et les « ayant droit » auraient été dédommagés. Je me permet d’émettre quelques légers doute, vu la récidive d’un type qui a été pris les doigts dans le pot de confiture.

    Réponse : Si je ne me trompe pas (nos lecteurs corrigeront…), dès la première réédition de « Samedi soir à Beyrouth » sont apparus les noms de Claude Roy et de René Laporte. C’est que ça avait fait du bruit à l’époque. Je le sais, j’en suis responsable et c’est l’ami Bertrand Dicale qui avait révélé ça d’abord sur son blog puis dans les colonnes du Figaro; Ce que je ne savais pas encore à l’époque, tellement fier que j’étais de mes deux « découvertes », c’est qu’il n’y avait pas 2 « plagiats ». Mais 5 ! MK

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  8. Cuffi georges 4 juin 2012 à 16 h 30 min

    Au temps pour moi, alors. J’ignorais que l’ »erreur » avait été corrigée, tant mieux. Et je te félicite pour ton investigation, ainsi que le frangin pour avoir signalé le truc aussitôt ouvert le cd après achat à la Fnac de Nice (j’y étais).

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  9. Michel TRIHOREAU 5 juin 2012 à 8 h 25 min

    Pour ce qui est des plagiats, Lavilliers n’a pas le monopole. En musique, en particulier, Trenet et Gainsbourg sont des spécialistes, ainsi que pas mal d’autres. Mon pote Serge Llado est un fin limier dans le domaine, il en a recensé des quantités phénoménales et des plus surprenantes :
    http://serge.llado.free.fr/montage2012.html

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