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Batlik, le mal par le mal

« Pour faire se coucher une jolie môme / Berce-là de jolis mots / Pour faire se coucher un homme / Berce-le de belles sommes / Pour faire se coucher un pays / Berce-le de démocratie / Et attends qu’il en redemande encore. » Chaque disque de Batlik est le nouvel épisode d’une longue plainte partagée, d’une complainte. La trame est relativement identique, la voix pareillement posée. Et on reprend là on a l’avait laissé, depuis cet opus partagé avec Thomas Pitiot (La place de l’autre, l’an passé) et le précédent, (L’art des choix, en 2009). Batlik ne s’entend pas distraitement, il s’écoute. Et nous posons, nous pesons avec lui chaque mot. Il est hors tout, à mille lieux des playtistes, en franc-tireur de la chanson, qui plus est dans un registre qui ne fait que difficilement la place au ciel bleu. Si les mots abreuvent son propos, de ce débit ininterrompu qu’on lui connaît – scandé, lointainement slamé –, la tonalité est sombre encore. Non en raison de la marche du monde, de notre société, qu’il n’explore pas ou peu sur cet opus (si ce n’est cette charge qu’est Carnaval et ce point de vue de vie, sans trop d’espoir, qu’est Encore : « Dès le tout premier cri rien voulu rien choisi / On le lui a fourré dans le fond du gosier / Le bon lait qui endort et apprend à se taire »), non : Batlik reste cette fois-ci dans la sphère personnelle, intime. C’est le je, c’est le tu, c’est le tu et le je, ce jeu qui tue. Là encore la thématique de l’échec : « Rater convenablement / Rater en s’appliquant / Rater avec délectation / Mais rater toujours de la même façon. » La vie, l’amour et tout l’bazard, tout ça revisité par Batlik, en un prisme que d’aucuns décréteraient déprimant, qui l’est sans doute, sans réel échappatoire. Si on suit les textes mots à mots, vers à vers, le doigt pointé sur le propos, c’est assez effrayant il est vrai, prise de tête. Mais le tout fait cataplasme, étrange baume que seul Batlik sait et peut nous concocter. Comme quand on s’ingère des bacilles pour mieux lutter contre un microbe à venir, comme le mal par le mal. Le mot « excellent » ne convient pas trop pour désigner l’art de Batlik, mais brûle les lèvres tout de même, avec mille réserves qui, au final, n’empêchent pas, loin s’en faut, une franche (et enthousiaste) adhésion.

J’ai cherché sur le net de possibles critiques, d’improbables chroniques sur Batlik, sur ce disque, sur les précédents. Il n’y a quasiment rien, si ce n’est des appréciations passe-partout, clonées à l’infini, sur la forme, qui restent en surface et jamais, ou si peu, explorent le dedans, sondent les mots. On peut comprendre pourquoi…

Je n’ai pas dit le moindre mot sur la musique… L’orchestration est un bien grand mot, mais c’en est une, débat entre batterie et contrebasse où parfois s’interposent un clavier ou un cuivre. Une musique dense et pesante, sourde, qui participe utilement à l’ambiance poisseuse. C’est un tout. Découvrez Batlik si vous ne le savez encore…

Batlik, Le poids du superflu, 2012, A brûle-pourpoint. Le site de Batlik, c’est iciImage de prévisualisation YouTube

En scène ce jeudi 4 octobre 2012 à Vesoul (chanson à domicile), le 5 Beaucourt, le 6 à Sainte-Croix (Suisse), le 8 à Vesoul, le 19 à Sannois en première partie des Ogres de Barback.

 

 

 

 

 

Une réponse à Batlik, le mal par le mal

  1. christelle florence 4 octobre 2012 à 10 h 49 min

    C’est vrai que les critiques s’arrêtent au premier aspect noir. J’aime beaucoup cet album. « Hospitalité » est tendre, « Les grandes plaines » me dresse les poils, « De la même façon » me fait rire, dans le noir il y a de belles choses. Et par rapport à la musique… la guitare, tout simplement, belle !
    Merci Michel d’aller prendre le temps d’écouter vraiment, de creuser et d’en parler ! C’est rare. :)

    Répondre

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