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Les Ferré de l’arène

Nilda Fernandez (photos Norbert Gabriel)

Nilda Fernandez (photos Norbert Gabriel)

Jours Ferré,  l’Européen à Paris, 30 avril et 1er mai 2014,

 

Par deux séquences, Norbert Gabriel nous a entretenu des Jours Ferré 2014. Ne reculant devant aucun sacrifice, NosEnchanteurs vous offre aujourd’hui la relation de Patrick Engel, autre focale, parfois autre perception du même événement.

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Des Jours Ferré présentés la mano en la mano par Cristine Hudin et Serge Utgé-Royo à la si belle complicité, avec en fil rouge Annick Roux venant ponctuer la soirée de lectures et de maximes, chaque artiste offrant reprises de Ferré et titres de son propre répertoire, une belle façon d’ouvrir la soirée, de permettre les découvertes et de rassasier les curiosités.

Joyet, le poing sans la rose

Joyet, le poing sans la rose

Accompagnatrice de charme et de (très) grand talent tout du long de ces deux soirées, Marilou Nezeys prouvera avec brio que la valeur n’attend point le nombre de ses (jeunes) années, son piano de concert par instants sublimement nimbé de rouge lui donnant de la salle des allures envoutantes de vaisseau spécial…

Antonin Béranger ouvre le feu sans avoir à rougir de sa glorieuse homonymie, nous mettant d’office les poils des avants-bras au garde à vous.  Après Les poètes de sept ans, il nous emmène entre crassiers des mines et salle des pendus, ses propres chansons illustrant tendrement ses origines stéphanoises, comme qui vous savez, d’ailleurs…

S’ensuit une très belle version de Thanks you Satan durant laquelle Bakounine et Kropotkine viendraient presque s’assoir dans la salle à nos côtés…

Claire Guyot, en formule guitare / contrebasse / voix ensuite, comédienne et chanteuse fort accorte, des interprétations peut-être un peu proprettes, je ne vais sans doute pas me faire que des amis sur ce coup-là, mais doit-on vraiment tout aimer..?  Cela dit, pour être honnête, une belle version épurée de l’Affiche Rouge, suivi d’un Y’en a marre très correct…

Michel Avallon

Michel Avallon

Ah, ce cabot magnifique de Bernard Joyet, vieux gamin taquin auréolé de son grand talent et de sa tignasse immaculée. Il nous offre Ne chantez pas la mort ou une nouvelle version très personnelle , comme il en est coutumier, des Temps difficiles, en prise plus que directe avec l’actualité.  Comme à son habitude, il  est tour à tour poignant, émouvant ou follement drôle, il n’est pour s’en convaincre que de se réjouir à l’écoute de son titre sur les Saintes Ecritures, lesquelles en prennent ici véritablement pour leur Graal.  De toute façon, les religions n’étaient visiblement pas la tasse d’athée du public de l’Européen…

Seconde partie ouverte avec une classe folle par Marilou Nezeys, petit elfe fantasmatique aux dix doigts doux d’or et d’airain, cette fois en solo pour un nocturne de Chopin tout en sublime retenue.

Kent

Kent

Suivie de Michel Avalon, visiblement apprécié dans la salle, mais à qui on pourrait trouver, avec un peu de mauvaise foi, un petit côté Pierre Bachelet dans la voix.  Mais bon…  Notons le très beau jeu en picking de la seconde guitare électro-acoustique nous gratifiant sur La solitude d’agréables espagnolades électriques.

Une très belle soirée clôturée par Kent qui se colle, avec l’allant qu’on lui connait, aux incontournables du répertoire de Ferré, Jolie Môme, Les Anarchistes, Cette blessure ou C’est extra. Une présence sobre et magnétique, prouvant s’il en était besoin que Kent n’est pas poudre aux yeux, encore moins coke en stock…

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La barre était haute après la première soirée, mais… mais, à peine remis de nos émotions, tout comme la veille, c’est la voix seule de Léo descendue des cintres qui ouvre la soirée, caressant amoureusement le beau piano abandonné seul en scène…

Valerie Mischler

Valerie Mischler

Nous découvrons ensuite Fannie, une toute jeune chanteuse dont on nous promet peut-être un peu rapidement monts et merveilles et qui s’attaque à L’Age d’or (ce qui tombe bien, elle a justement 20 ans…) ou Si tu t’en vas. C’est bien fait, un peu gonflé, mais malgré (ou à cause de…) la voix qu’elle pousse un peu dans ses retranchements à la façon de certaines chanteuses de la Belle-Province, l’émotion semble un peu factice. A suivre néanmoins, je serais ravi de m’être trompé…

La dite émotion, nous la cherchons encore un peu durant la prestation de Fabienne Eustratiadès reprenant, entre autres, Est-ce ainsi que les hommes vivent, l’interprétation est certes belle, mais peut-être un peu linéaire… Là encore, c’est un avis tout personnel.

Ah, mais la voilà, l’émotion, elle était là, elle attendait tout simplement l’entrée en scène de l’incontournable Michel Bühler seul à la guitare avec son aura de bel humanisme, sa belle voix grave et ses yeux souriants, chantant pour nous tout simplement comme il le ferait au coin du feu Comme à OstendeMonsieur William ou L’affiche Rouge. Et sa façon de partager sa propre définition de la vulgarité est tout simplement inénarrable. Bühler, ou l’art de chanter l’espoir, malgré tout…

Nous retrouvons avec grand plaisir au piano, en ouverture de seconde partie, Marilou Nezeys qui nous gratifie cette fois-ci d’une Gymnopédie (la première, sauf erreur…) d’une infinie délicatesse.

Michel Bühler

Michel Bühler

Serge Utgé-Royo vient ensuite nous présenter un beau et gros livre sorti tout récemment (Léo Ferré, les chants de la fureur, édition Gallimard/La mémoire et la mer, 1632 p.), ouvrage qu’il conservera serré sur son coeur durant le seul titre qu’il nous offrira de sa belle voix profonde d’ogre bienveillant…

La scène de l’Européen accueillera dans la foulée la pétulante et charmeuse Valérie Mischler pour un vrai numéro de séduction, chantant La Lune de façon tour à tour mutine ou émouvante, vampant littéralement le premier rang, toutes jambes dehors en robe fendue, avant de célébrer la rencontre Léo Ferré/Bernard Dimey avec des Petits hôtels d’anthologie.
 
Et puis… Et puis, celui dont Ferré disait qu’il était un grand qui se cache dans un petit, Nilda Fernandez venu apporter son point d’orgue à ces instants de communion magique, entrant à capella par le fond de la salle sur Que sont nos amis devenus et établissant immédiatement un bel échange et une belle complicité avec le public conquis.
Une présence magnétique, sublimée sur Les Anarchistes ou Avec le temps par cette étonnante et sublime voix d’ange déchu.

A l’année prochaine, vite !

 

6 Réponses à Les Ferré de l’arène

  1. Norbert Gabriel 4 mai 2014 à 23 h 15 min

    A deux c’est mieux parait-il, donc j’ajoute mon bout de partition à la chanson des Jours Ferré.
    Que reste-t-il 3 jours après ? Les coups de cœurs, les enthousiasmes vécus au cours des deux soirées ? D’abord une observation : le public du premier soir a semblé sensiblement différent de celui du deuxième jour. Peut-être moins intimement Ferré, en effet, dans une chanson emblématique Y en a marre remarquablement interprètée par Claire Guyot dans une version très retenue et d’autant plus intense, il y a une fausse fin que la public n’a pas perçue, en applaudissant avant la fin … Dans le même exercice, le lendemain, Nilda Fernandez a captivé le public qui ne s’est pas trompé sur les derniers vers. Autre observation, la juxtaposition de plusieurs types d’interprètes donne une approche différente des chansons. Chaque année, dans les Jours Ferré, sont invités des artistes qui viennent du théâtre, et qui font de leur passage en 5 chansons, un mini-spectacle dans lequel tout est réglé pour être en harmonie et en correspondance. Pour que les chansons de Ferré résonnent avec leurs propres chansons. Et ça donne un charme supplémentaire, qui est pour ma part, ce qui m’attire de plus en plus dans le spectacle chanson. Ferré est idéal pour le bonheur des interprètes, il y a tout, le drôle, le fulminant, la poésie crue et drue, ou raffinée, le burlesque mais jamais gratuit, l’intime et l’expressif exacerbé, tout pour qu’un(e) artiste de scène y trouve de quoi faire le show. Et chaque année, ça se vérifie

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  2. Danièle Sala 5 mai 2014 à 0 h 32 min

    Les « instants (..) sublimement nimbé de rouge lui donnant de la salle des allures envoutantes de vaisseau spécial… » ,
    l’oeil malicieux et la crinière d’argent de Bernard Joyet
    ,
    les  » dix doigts doux d’or et d’airain » de Marilou Neyzes qui virevoltent « en solo pour un nocturne de Chopin tout en sublime retenue. »
    La voix de Léo qui descend « caressant amoureusement le beau piano abandonné seul en scène… »
    Les yeux souriants de Michel Bühler ,
    La salle en émoi devant les jambes nues de Valérie Mischler …Et la complicité avec le public …
    C’est drôle, mais seulement l’ambiance sonore et les voix de cette soirée, peuvent faire naître des images assez semblables .

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  3. Michel TRIHOREAU 5 mai 2014 à 9 h 54 min

    Je suis inquiet : Qu’est-il arrivé à Serge Utgé-Royo pour qu’il soit gratifié d’une « belle voix profonde d’ogre bienveillant… ?
    Je lui connaissais jusqu’alors la voix plutôt aérienne jouant entre la flûte pastorale de l’Eden et les trompettes de l’Apocalypse !

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    • Norbert Gabriel 5 mai 2014 à 10 h 06 min

      Peut-être est-ce son formidable appétit de mots qui sonnent comme un tocsin qui ont généré cette image ogresque ?

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  4. Norbert Gabriel 5 mai 2014 à 14 h 16 min

    Cher Patrick, mon intégrisme guitaristique m’impose de rectifier un détail: Claude Delrieux qui accompagne Michel Avallon avait une guitare électrique (plus jazz que folk acoustique) et j’en profite pour souligner la très grande qualité des accompagnements de Claude Delrieux qui apporte aux musiques de Ferré un air nouveau. Tout comme le pianiste de Fabienne Eustratiadès… C’est le bonus qu’apporte la complicité avec l’artiste dans un travail commun. Comme Catherine Bedez, qui compose et accompagne Valérie Mischler depuis longtemps, pas loin de 15 ans …

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  5. catherine Laugier 12 août 2014 à 19 h 27 min

    Quelques extraits du concert :
    http://youtu.be/xPtM1AZE94k

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