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Avignon off 2014 : ah, la belle aventure !

Le Quartet buccal (photo Sikeks)

Le Quartet buccal (photo Sikeks)

Les ensorceleuses (Le Quartet Buccal) au Théâtre Le Cabestan,

 

Avignon 2014 est un festival bizarre. Entre des débuts trop précoces (le 5 juillet), une météo pour le moins changeante et d’incessantes actions interluttantes, il règne dans la Cité des Papes un climat que l’on pourrait sans peine qualifier de déroutant.

Aussi, lorsque l’on entre dans l’antre du Cabestan pour y jeter l’ancre, l’espace d’une heure, dans l’espoir de retrouver cette once de tranquillité qui nous faisait jusqu’alors défaut, n’est-on pas déçu par l’accueil : dans une ambiance tamisée, quatre éléments féminins symbolisant l’air, l’eau, le feu et la terre nous font pénétrer en douceur dans un univers sensible, mais pas sans cible. L’une nous chuchote la bienvenue à l’oreille, une autre prenant la main de ma voisine pour la guider vers sa place (ou pour lui dire la bonne aventure, on ne sait pas trop…), une troisième faisant brûler de la sauge, pendant que la quatrième est l’aimant.

Cet accueil -ô combien personnalisé- est si intriguant que l’on se laisse volontiers entraîner dans cet univers avenant et hospitalier. Quand une femme ouvre ainsi les bras dans un geste de réception bienveillante, elle peut être mère, amante, petite fille ou confidente. Là, Chiara, Veronick, Alejandra et Mharizza chantent à l’éveil de chacun de nos sens, grâce à un taux vibratoire élevé et à un humour cash qui, d’emblée, nous met à l’aise (des « phéromones féminines » à la cellulite, en passant par la « posture du gland », nul tabou ne vient s’interposer entre elles et nous).

Et puis, elles commencent à entonner un chant « ancestral » (qui est, en fait, comme le reste du répertoire, une composition de leur cru) consacré à Maria Padilha, « déesse brésilienne de Bahia qui illumine les vies au quotidien ».

(photo Vincent d'Eubonne)

(photo Vincent d’Eubonne)

Et c’est bel et bien à partir de ce moment-là -et à cet endroit-là- que les ensorceleuses nous font vraiment entrer dans la danse et que le charme opère : ces chanteuse accomplies nous offrent une polyphonie ciselée et efficace, qui nous entraîne dans une sarabande drôle ou émouvante, selon les thématiques des chansons et la façon dont elles sont traitées.

Des chorégraphies -toujours teintées d’humour- ajoutent à la sauce du spectacle des goûts alternativement sucrés-salés, piquants ou aigre-doux. Ces cuisinières de la chanson nous entraînent dans un tour du monde musical, dont on comprend vite à quel point les multiples ingrédients ont été agencés, non pour concocter une recette imparable, mais pour donner goût et vie à des styles musicaux variés : de la country à la biguine, en passant par des « harmos trad » (ça, c’est pour la forme), elles réussissent le tour de farce de nous faire voyager sur les ailes de la musique, de l’Afrique au Chili, en passant par l’Italie, par la Bretagne et par l’Inde, en nous parlant de la maturité féminine, de Pôle Emploi, de l’absence, du malamour et de l’allopathie (ça, c’est pour le fond).

(photo Sikeks)

(photo Sikeks)

Nulle romance et point de rengaine dans ce qu’elles nous racontent, mais des histoires vécues, avec des vrais morceaux de réalité à l’intérieur. Ni nouvelle cuisine (délicate, mais peu nourrissante), ni menu paysan (roboratif, mais manquant de subtilité), nos quatre cordons-bleu, vert, rouge et jaune nous mitonnent un repas aux saveurs métisses comme on aime à les déguster. Tactiles, elles nous titillent les pupilles, nous balaient le palais, nous effeuillent les feuilles, nous convertissent à l’adoration de l’odoration et nous dégoupillent les papilles. Stimulant ainsi nos « sens ascensionnels » pour les faire s’entrecroiser, s’entrechoquer et s’embrasser, ces quatre nanas nous éclairent sans fard sur le monde tel qu’il est, tout en essayant de le vivre comme il devrait être.

Il apparaît alors clairement que leur engagement sans faille dans la juste cause des intermittents et précaires rejaillit sur leur art consommé de relier la société à leur mode d’expression. Tout ce que ces femmes -qui s’assument (sans se consumer, on le souhaite pour elles)- ressentent au travers de cette odyssée de l’interlutte, elles le partagent avec conviction et convivialité. Si ensorceleuses elles sont, elles ne sont pas pour autant illusionnistes (comme les mauvais marionnettistes manchots qui pensent présider à nos destinées) : même si elles ont plus d’un tour (de chant) dans leur sac, c’est aussi une façon pour elles de cultiver leur intégrité morale et de nourrir ceux qui ont la chance de les rencontrer vraiment. Afin que, jamais, ceux-ci ne puissent rester sur leur « fin ».

Le Cabestan, 11 rue Collège de la Croix, jusqu’au 27 juillet inclus. Réservations au 04.90.86.11.74. Le site du Quartet buccal, c’est ici.

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2 Réponses à Avignon off 2014 : ah, la belle aventure !

  1. Noemi Barbet 18 juillet 2014 à 14 h 28 min

    Un magnifique spectacle : une bulle de poésie, d’humour, de chant et de douceur, à ne pas rater ! Merci pour cet article qui j’espère en encouragera plus d’un à découvrir ces quatre sirènes.

    Répondre
  2. Michel GUY/Marie Agnès SERVEL 19 juillet 2014 à 10 h 28 min

    Un grand plaisir dans des éclats de rire. Toujours beaucoup de joie à retrouver sur scène quartet Buccal.
    Humour, charme et toujours cette petite pointe de révolte qui pimente le tout. Rires et sourires sont au rendez-vous. Un spectacle à ne surtout pas rater dans l’immensité du off à Avignon.

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