Barjac 2014 : Alcaz, qu’ils nous reviennent sans délai

Alcaz sur la scène de Barjac (photos Catherine Cour)

Infatigables voyageurs, nos Alcaz ne sont jamais que de passage « Avant de reprendre la route / Continuer nos voyages… » Ils aiment la rencontre, « ces moments de rien, de pas grand’chose » qui pourtant fait tout. L’amour aussi, le leur et celui de l’humain. Et l’amour de l’amour. Leur commerce de chansons, c’est de nous en faire restitution, ensemencer nos oreilles de promesses et de p’tits bonheurs : on voit Leclerc dans leur jeu.

Escale à Barjac, donc, où on les attendait depuis longtemps. Mais mauvais départ faute à l’artiste qui les précédait, qui a scandaleusement, égoïstement, outrepassé son créneau horaire. Effet papillon aux graves conséquences, où le concert d’Alcaz démarre très en retard, qui plus est pas dans les meilleures conditions (l’éclairage est calamiteux), où la moitié du public renonce en prévision du proche repas puis du concert au château où il est d’usage de faire la queue longtemps à l’avance. Où, dégât collatéral, ceux qui restent n’auront plus le temps de s’arrêter au stand des disques d’Alcaz… Eux qui en vendent habituellement par dizaines, n’en écouleront qu’un ce soir-là.

Vyvian et Jean-Yves sont entiers et jamais ne trichent. Ce qu’ils sont au quotidien, ils le sont pareillement sur scène. Là, ils sont énervés, ça se sent, terriblement. On le vit. Au public qui serait tenté de partir en cours, vu l’heure, Vyvian prévient que le meilleur est pour la fin. La faim peut attendre. Eux chantent, fragiles. Quand on n’a que l’amour, à donner en partage, on le donne. Eux ne s’économisent pas : « Les gens sont heureux / Quand ils sont un brin / Amoureux de chansons. » L’amour de l’amour, l’amour des autres, l’amour de la liberté, ça doit être ça le triptyque gravé au frontispice de la maison Alcaz. Car nos marseillais-québécois (ils y sont souvent, à la recherche du p’tit bonheur, quasiment à sa source) ne font pas que nous chanter les sentiments. Le bonheur rien qu’à deux serait égoïste : eux ne le conçoivent que dans l’harmonie du monde. Utopistes ? Oui, et qui plus est totalement généreux ! « L’humanité c’est beau comme un dimanche / Ensemble tout au bord d’un nouveau monde magnifique / Aujourd’hui à portée de main… » Alcaz ne construit pas artificiellement des chansons, ne versifie pas des histoires, des tranches de vies. Leurs chansons sont comme récolte de plasma, don du sang, de la vie. Pour que le monde change, en vrai, que triomphe la liberté. Ils ont beau être de grands voyageurs, y’a pas mal de pays où il doivent être non grata à chanter de telles idées. La recherche du bonheur est un acte politique.

C’est aussi ça la chanson. Pas prise de tête mais prise de cœur, qui bat aux rythmes simultanés de deux palpitants. Là, sous la lune, ils en ont des choses à nous dire, droit dans les yeux (on regrettera vraiment que l’éclairage…), en toute confidence. Pour eux, La vie va… « Le vent va vite et la vie va / La vie va vite et l’on s’en va… » Le temps aussi, concert tronqué pour ce qu’on sait, qui s’achève par nos deux amis, dans la salle, accompagnant le public hors du chapiteau en chantant L’humanité, comme si Vyvian et Jean-Yves lui faisant la conduite vers d’autres chants. Le symbole avait, doit-on le dire, de la gueule, de la classe, la grande classe.

Reste que les dommages sont importants dû à l’inconséquence (et paradoxalement aux conséquences) de celui qui les précédait. Le dédommagement serait simple : reprogrammer Alcaz à Barjac. C’est, en ce cas, presque un dû.

Le site d’Alcaz, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’eux, c’est là.