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Anne Sylvestre et Presque Oui , même supplément d’âme

Presque Oui et Anne Sylvestre sur le scène de Venelles (photo Sylvaine Parcot)

Presque Oui et Anne Sylvestre sur le scène de Venelles (photo Sylvaine Parcot)

13 juin 2015,  MJC de Venelles (13)

 

Dès son entrée en scène, Thibaud Defever emporte le public dans le tourbillon de la vie, avec Tchou Tchou : au passage à niveau, un jeune couple se forme tandis que celui du chef de gare, trompé, se déforme, « Il s’allonge sur la voie / Il peut broyer du noir, elle ne reviendra pas. » Le ton est donné, tout ne se passe pas au mieux dans la vie, on le verra. Deuil ou infidélité, dans ses chansons la belle disparaît souvent, que Thibaud cherche douloureusement. Anne Sylvestre, elle, n’aura pas de honte à parler de la colombe qui se change en Louve, dans le poignant L’Aveu qu’elle joue au lieu de chanter. C’est ici rencontre, choc des chansons d’Anne et de Thibaud : même supplément d’âme.

Si tension il y a, Anne la désamorce avec Zen, satire très 70′s pour spiritualité de pacotille. Cette berceuse de 1967, Le pêcheur de perles, plus chantée depuis longtemps, rebondit sur la précédente. « Pleurez, les belles / Du bord de l’eau »

Ces voyages aquatiques ainsi amorcés, les yeux bleus candides de Thibaud se noient dans les verts et immenses lacs d’Anne. La ferveur s’est emparée de la salle, l’émotion est déjà palpable. Lui envoie ses ballades belles et tristes (Sous la glace, Tout me parle de toi),  elle renoue avec le train et les flots marins : Richard , autre chef de gare, crie « Larguez les amarres ! / À un train qui s’en allait. » Dans Pas difficile, chanson de 1986 d’une cruelle actualité, on  glisse du chômage à la rue ou à la prison. La métaphore végétale passe de l’envahissant Séquoia tatoué sur la peau de Thibaud (« Je me nourrirai de sa sève / Il se nourrira de mon sang / A deux nous vivrons dix mille ans ») au lumineux géranium accueillant Anne sur le seuil de sa nouvelle maison, symbole d’un amour éternel : « Sa fleur est rouge et fraîche comme / L’amour que je te porte. » Au sommeil de Nina, intrigante complainte (« Elle veut peut-être seulement / Savoir si on l’aime ») répond la Berceuse pour moi : « Je voulais paraître fragile / Pour qu’on me berce rien qu’un peu. » La vieillesse rêvée de Thibaud (« J’attendais, j’étais prêt » ) fait écho à la Carcasse d’Annece corps toujours présent qui vous soutient ou vous lâche.

Ce n’est pas un duo comme je l’avais cru. Non, c’est l’opéra de la vie. On y vogue, on  y rêve, on y aime, on s’y berce, on s’y noie parfois. A trente comme à quatre-vingt ans on a les yeux pleins de mirages, les mains tendues, le cœur en bandoulière. On fait avec le temps et ses illusions perdues. Le public ne s’y trompe pas qui se plonge dans la mélancolie et la sensibilité lumineuse de Thibaud, au son de sa voix douce. Et dans celle, grave et bien placée, d’Anne, en ses textes, longs, foisonnants et poétiques toujours si bien maîtrisés… Même si, parfois, Tout s’mélange dans sa tête. Et puis, il y a Sylvain Berthe, la moitié de Presque Oui, le romantique jeune homme au violoncelle et à la flûte, grande ou petite, dont il tire des trilles à faire pâlir de honte merles et autres oiseaux. Ou des bruitages illustrant avec esprit les scènes de vie.

Viennent les rappels. Thibaud y parodie et abat le rossignol rival d’A la Claire fontaine (pauvre Sylvain, mort au chant d’honneur) : «  Chante, rossignol chante/Toi qui as le cœur gai/Chante, rossignol chante / Tant que je te laisse chanter »  ; Anne convoque Lazare et Cécile, doute des gens (ma chanson fétiche) et perd sa trace : « J’ai beau chercher, plus une trace/De c’ qui a pu me tracasser/Petit bonheur bien dérangeant/Je ne sais si j’en ai envie. » Longue, très longue ovation, debout.

 

 

ET AVANT…

 

ouverture saison liz van deuq_1En ce programme déjà copieux, la MJC de Venelles a rajouté une première partie alléchante, Liz Van Deuq, récente lauréate du Prix Moustaki. Prestation un peu courte pour appréhender toute sa personnalité, qui évolue vers des prestations humoristiques et pince-sans-rire parallèlement à un univers tendre et poétique, comme Chanson qui parle ou Des rides.
Assise en amazone à son piano à queue qu’elle maltraite avec une folle énergie, classico jazz, elle chante en regardant son public, ne jetant que rarement un coup d’œil à son clavier. Les sons des mots rebondissent en des métaphores filées qui nous glissent entre les oreilles. Elle se défend de nous chanter une chanson d’amour en la flinguant directement dès la deuxième chanson : « Moi je vais lui en faire voir de toutes les couleurs à l’amour / Moi je vais aller lui faire sa fête, à l’amour. »  La voix passe de la chanson douce à des variations de tessiture qui m’ont fait parfois penser à la jeune Dyne ici chroniquée récemment. Liz place toujours de nouvelles chansons dans ses concerts, testant sans cesse funk, rock…Elle ne s’endort pas sur ses lauriers ! A suivre sur un vrai concert et un prochain album (elle a ce qu’il faut !)

 

 

Article mis à jour le 31 juillet 2023

Ce que NosEnchanteurs a déjà écrit sur Anne Sylvestre, c’est ici ; ce que nous avons déjà dit de Presque Oui, c’est là. Et ce que nous avons dit de Liz Van Deuq, c’est là.

Presque oui, « J’étais vieux », session Hexagone 2016 Image de prévisualisation YouTube
Anne Sylvestre, « Carcasse », Trianon 2021 Image de prévisualisation YouTube
Liz Van Deuq, « Des rides » ; clip 2016 Image de prévisualisation YouTube

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