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Avignon Off 2015. Orlando ou la patience

Orlando (photos DR)

Orlando (photos DR)

Orlando le trio, chansons surnaturelles – L’Arrache-Coeur, 15 juillet 2015,

 

Ici, en Avignon (comme disent « ceux qui savent »), il est de multiples manières d’aborder le « spectacle vivant ». Il y a « LE IN » et son théâtre « intelligent » (mais, pas toujours intelligible), « le off » et sa mosaïque de propositions théâtrales, chorégraphiques, humoristiques, télévisuelles…(formidables, médiocres ou merdeuses) et « la rue » où tous les genres se côtoient : il faut donc préparer le terrain, étudier les propositions à la loupe, mais aussi se laisser surprendre et vagabonder le nez en l’air… bref, savoir séparer le bon grain de l’ivraie pour profiter pleinement de ce festival de promesses.

Aussi, après avoir ouvert le catalogue et laissé traîner mes oreilles, me suis-je soigneusement concocté une programmation de « derrière les fats, go ! ». Jusqu’au moment où, cherchant à me perdre dans les ruelles les moins populeuses, je tombe « nez à lé » avec une affiche qui m’intrigue, tant par sa composition que par son titre. « Orlando le trio » y est inscrit au centre, en haut. Et puis, une photo en noir et blanc d’une personne de sexe indéterminé de ¾ dos, dont on voit les épaules le cou et la tête tournée vers la droite. Elle est blonde, les cheveux courts et tient une cigarette entre le majeur et l’index de sa main gauche. Mais, une couleur, monochrome, vient éclairer l’affiche en noir et blanc : une couronne jaune, sertie de pierres, est posée sur sa tête et le titre « chansons surnaturelles » vient s’inscrire en lettres d’or sur le dos osseux. Alors que l’affiche semblait hors de portée de quiconque (à quelques 3,5 mètres du sol), suspendue sur un fil improbable battant à tous les vents (ô combien présents in Avignoun), ce visuel happa irrésistiblement mon regard. Et me donna envie de me précipiter pour voir le spectacle de ce trio dans l’heure.

J’attendis pourtant le lendemain. En effet, « Orlando ou l’impatience » est le titre d’une pièce de théâtre du directeur du Festival In d’Avignon, Olivier Py, jouée ici même l’année dernière. Et si l’auteur Py est talentueux, le metteur en scène est discutable et, surtout, l’être humain est pitoyable, tant son tout-à-l’ego prend le pas sur le reste. En 2014, ce personnage nous a prouvé son manque d’humanité à plusieurs reprises : en mettant l’art au-dessus de toute autre considération, quelle qu’elle soit, il a oublié que, comme l’a dit Albert Camus dans son discours de Suède en 1957, « il faut sauver les corps ».

Chat échaudé craignant l’eau froide, je décidai donc de mettre ma patience à l’épreuve, en remettant au lendemain ce que j’aurais tout à fait pu faire le jour même. Et je clame ici même, haut et fort, que cette attente fut couronnée de succès : quelle découverte ! D’entrée, chacun des trois personnages m’agriffent : attifés comme des as de pique « anarpunks », de rouge et de pourpre revêtus, coupe des fringues intrigante au possible, ils m’entraînent dans leur univers baroque, dans leurs histoires narrées et dans leur sarabande barrée. Et moi, je plonge tous yeux et toutes oreilles grands ouverts (et sans hésiter l’ombre d’une seconde) dans le torrent de leur proposition si singulière.

tumblr_inline_nqpcm2OWbG1t5lt3b_500Évocation sensuelle, incantation « sang sur elle », invocation « insensée », invitation « acensurelle », chacun des paramètres qui font qu’un concert devient un spectacle à part entière est ici en libre-service et s’offre ouvertement de façon sensationnelle à nos sens ascensionnels ainsi stimulés.

Pendant tout le temps de ce show chaud comme les braises ardentes de « lent-fer de la vie » (mêle-ange de l’envie et du faire), je ne me pose aucune question et me laisse porter sans résistance par la musicalité des trois instrumentistes-chanteurs qui passent du piano droit au piano électrique en passant par le « piano du pauvre », le « ukulélé chinois » et les percussions légères, avec bonheur, fluidité et légèreté. Les arrangements vocaux polyphoniques sont originaux et de toute beauté, agrémentés par l’étonnante et juste voix de « falsetto » du seul homme du groupe. Ah oui… parce que je ne vous l’avais pas encore dit, mais ce trio est donc composé de 2 femmes et 1 homme. Mais, sont-ce vraiment 2 femmes et 1 homme ?… Parce qu’il semblerait bien que les méandres du labyrinthe dans lequel nous entraîne insensiblement le singulier trio nous fassent perdre le sens commun et nous détourne des routes habituelles.

Leurs sentes cheminent de travers dans les sous-voix et coupent à travers chants pour nous faire découvrir des parfums audacieux et inconnus.

Ce n’est qu’une fois sorti de ce moment onirique que j’ai cru comprendre pourquoi le trio s’appelait Orlando. Ce prénom est, en effet, très marqué littérairement : on peut penser à l’Orlando furioso (héros du poème épique de l’Arioste), ou encore au personnage du roman éponyme de Virginia Woolf, jeune homme qui traverse les époques (de la cour d’Elizabeth 1er jusqu’en 1928) et les sexes, puisqu’il devient femme. Ces deux œuvres ont en commun de proposer des héros, qui, à l’instar de celui d’Olivier Py, traversent des modes, des époques, des espaces et se mettent enquête. Le choix du nom Orlando nous met donc bien sur la piste d’une aventure picaresque, celle dont le héros se sort d’épisodes difficiles, tout en contestant l’ordre social établi. L’originalité de la proposition d’Orlando est telle que, si ça pique un peu par moments, c’est tellement bon de se gratter ! Un proverbe arabe dit « la patience est un arbre dont les racines sont amères et les fruits savoureux » : ça valait donc le « coût » d’attendre pour découvrir cette pépite ! Car vous aurez compris que les « chansons surnaturelles » d’Orlando méritent d’être ouïes par le plus grand nombre. En tout cas, elles auront désormais une place de choix (une place de roi) dans mon Panthéon personnel. On ne peut donc désormais que leur souhaiter d’être couronnées de succès…

 

L’Arrache-Coeur, 13 rue du 56ème R.I. Porte Limbert (pastille 11). Tous les jours à 19H30 jusqu’au 26 juillet inclus. Réservations au 04.86.81.76.97

Le site d’Orlando, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là

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4 Réponses à Avignon Off 2015. Orlando ou la patience

  1. Roland de Chanson 17 juillet 2015 à 20 h 06 min

    La présence du trio Orlando à l’Arrache-Cœur Théâtre s’inscrit dans le cadre de l’opération On y Chante? Talents Adami, « un évènement conçu pour mettre en lumière l’univers de la chanson d’expression et faire découvrir des artistes originaux parrainés par les meilleurs dénicheurs de talents : le Festival Chant’Appart, le Train-Théâtre de Portes-lès-Valence, la Manufacture Chanson et les Bains-Douches de Lignières »
    Après Alain Sourigues puis Lili Cros et Thierry Chazelle, l’association Chants-Sons organisatrice du Festival Chant’Appart en Pays de la Loire a fait le (bon!) choix de parrainer Orlando le trio pour la troisième édition de cette opération initiée par l’Association Artistique de l’Adami suivie sur place par l’infatigable Xavier Lacouture.
    Outre le trio toulousain sur scène à 18h30, se succèdent chaque jour dans la salle Moustaki, Ben Mazué à 15 h, Guillaume Farley à 16h30, Zaza Fournier à 18h et à 21h le groupe Benoît Paradis trio accompagné par les organisateurs du festival de Tadousac.

    http://www.chantappart.fr

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  2. Roland de Chanson 18 juillet 2015 à 9 h 13 min

    Évidemment, Orlando le trio n’entre en scène qu’à 19h30 à la suite du set de Zaza Fournier de 18h à 19h!

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  3. Norbert Gabriel 18 juillet 2015 à 11 h 10 min

    Personne ne peut sortit indemne d’un spectacle d’Orlando ! J’ai rarement, voire jamais, vu un trio aussi explosif, créatif, dynamique, les mots me manquent, ALLEZ-Y !

    PS: chaque fois, il faut s’y reprendre 2 ou 3 fois avec la captcha….

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  4. Rétrolien 31 août 2015 | La vie en rose

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