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Valérian Renault, un furieux appétit d’écrire

81B70I71ifL._SL1400_Valérian Renault est de ces artistes que l’on guette. A la première rencontre en scène, il bouscule, transperce, de sa voix qui s’en va légèrement éraillée comme pour mieux souligner les fêlures, du jeu de sa guitare mais surtout de ses mots de maudit, de frère d’armes au combat dérisoire de nos vies.

Alors, on n’attend pas de le revoir. Ce sera très bientôt pourtant. On écoute vite son album promotionnel, orné de ce visage aux paupières closes,  bouche fermée laissant s’écouler l’encre, flot que l’on ne saurait retenir…Et ce titre Laisse couler. Pas d’autre choix que de clamer, proclamer : « Tu verras qu’ici chacun son printemps »  Pas d’autre choix que de se jeter dans la vie avec avidité : « Je jette ce que j’ai sur les bras / L’amour je ne le porte pas, je le projette ».

Valérian Renault a convoqué cette fois-ci un ensemble orchestral qui porte haut les couleurs de son écriture. Cordes et cuivres rejoignent la formation rock et l’ensemble, textes et arrangements,  hisse ses chansons vers des sommets auxquels nous ne sommes plus accoutumés. Accompagné par le Label Abacaba, verra-t-on son nom franchir les frontières du microcosme qui est habituellement  le nôtre en Chanson ? Ce serait justice, assurément. Pour l’heure nous nous délectons. Car c’est chanson de haute facture. Le cœur palpite à l’écouter et cette sensation là se partage.

Nous avons plaisir à retrouver des titres qui nous sont familiers. Les entendre ainsi recréés, dans cette dimension orchestrale, c’est bonus.

Mais le plaisir va bien au-delà car l’album s’écoute comme on lit un roman dont chaque chanson serait un nouveau chapitre, écrit par Valérian Renault. Sept sur les onze mettent en scène la Femme : Joueuse d’abord, à laquelle répond Laisse couler en un subtile diptyque de jeux amoureux, rejointe ensuite par la figure mythologique de Cassandre et ses inutiles prophéties, Cassandre dont nous sommes tous les enfants. Puis ce sera Pandore (Au jardin) celle qui ouvre son trésor maléfique et offre la morsure du serpent, dans une évocation nostalgique du jardin d’Eden : « Nous étions si bien dans notre jardin à l’ombre du grand pommier… Nous ne savions pas encore que le diable était au corps. » Forcément, depuis, nos amours sont difficiles, la douleur immanquablement tapie dans son coin. Et pourtant, pourtant… Trois chansons,  nous emmènent dans la douceur et l’érotisme délicat, avec en filigrane le troublant duo d’Eros et Thanatos : Berceuse puis la rêverie de Tes hanches, ballade folk où Charles Aznavour en personne a bien voulu poser ses notes, et enfin – apothéose ! – T’es belle  avec l’envolée symphonique de ses cuivres, « T’es belle comme la lune qui n’a jamais su les poètes ». C’est un drame cette beauté. C’est écrit, chanté ! 

Quelques respirations nous sont offertes avec le récit en fanfare que nous qualifierions volontiers de  « Sansévérinesque », dans une scène de film noir (A la Montalbanaise) au milieu de l’album. Et puis, cette chanson hommage née d’une traversée, d’une halte au Québec. Valse rapide et joyeuse de Petite Vallée, cette terre francophone d’outre atlantique où « le moindre bonjour se donne avec les mains, les yeux, le ventre, le cœur, la voix » qui rappelle aussi que c’est là que lui vint l’appétit de chanter. Alors reconnaissons que la chanson méritait bien de figurer dans l’album. 

Mais c’est avec la première et la dernière que nous voudrions vous laisser sur l’envie d’acheter cet album dès sa sortie. Il ouvre sur la terrible dédicace  A l’enfant, qui veut être une chanson d’espérance puisque l’avenir n’est jamais loin. On en sort de cet enfer même si devenu adulte, on peut encore rappeler le lien qui nous unit comme une corde raide… une inflexible amarre… hurler sa douleur d’aimer à celui que l’on appelle « papa », le supplier de « mettre un peu de chair au lien qui nous unit … « Ouvre tes mains, tes bras et embrasse-moi ! » C’est sur ce cri désespéré et si beau que s’achève cet album. Deux chansons qui dénoncent un talent qu’il serait scandaleux de ne pas saluer.

 

Valérian Renault, Laisse couler, Label/Editions Abacaba, réalisation Matthieu Ballet. Sortie le 6 novembre 2015. Les concerts de Valérian Renault, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. Image de prévisualisation YouTube

2 Réponses à Valérian Renault, un furieux appétit d’écrire

  1. Patrick Engel 30 septembre 2015 à 14 h 51 min

    Voilà qui donne fichtrement envie de jeter l’encre et d’ouvrir nos pavillons…

    Répondre
  2. Marie Roosen 14 octobre 2015 à 12 h 41 min

    Je joins un petit texte déjà envoyé à nos Enchanteurs il y a longtemps déjà lors de cette découverte si époustouflante qui fait semble t il l’unanimité …C’est ç’a le talent !

    VALERIAN RENAULT

    Comment résumer le talent de Valerian

    Un chanteur rare…précieux comme ses textes qu’il cisèle tel un orfèvre passionné et minutieux …

    Un regard aiguisé, sur le monde dans lequel nous vivons, noir et empli de détresse, mais toujours empreint d’une poésie rare, jamais artificielle, (proche du Prévert de « Paroles », révolté par la bêtise, l’injustice et la laideur)

    L’univers dépeint par Valérian est, certe, souvent tragique, désespéré, mais jamais « mélo » ou racoleur car il sait conjuguer tendresse et désespoir, humour et cynisme décapant, et trouver la mesure des mots justes pour décrire ce qui ne l’est pas , et la réelle violence qui l’accompagne …

    Sa voix chaude et vibrante se casse comme un cri rauque, et suit le fil des émotions qu’il nous livre, de manière abrupte, Cette importante brutalité qui nous va droit au coeur ….et nous bouleverse aux larmes. Il est de ces artistes que l’on emporte avec soi, que l’on transporte dans ses rêves et que l’on n’oublie pas…. Tel un Brel, il sait toucher là où ç’a fait mal, et raconter des histoires quotidiennes de manière « exceptionneles » …La marque des grands !

    Que dire de la musique , n’étant pas spécialiste, si ce n’est qu’elle accompagne harmonieusement ses textes sans les noyer et justifie les émotions que l’ensemble dégage, en s’adaptant à chaque chanson, pour renforcer la pertinence du propos et de la parole poétique
    .
    En solo à la guitare, où avec sa formation …le concert de Valérian garde la même intensité…. ,

    Très attentive à suivre le parcours à venir de cet Artiste …Je souhaite que son talent et sa maturité le conduisent aussi, quelque fois, vers des univers plus lumineux …

    Comme il est prouvé que le bonheur, la beauté, soient difficiles à traduire artistiquement, je suis sûre que c’est un bon challenge pour ce bel Artiste si doué…

    Je lui souhaite de dénicher le « beau » à travers la noirceur ambiante dont nous assaillent les médias….Car il en fait partie , de cette « Beauté » dont peut nous régaler la VIE

    A bientôt Valeureux Valérian et Bravo

    Répondre

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