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Guillo, communion sensible

GUILLO Soulage 2016Parce que Guillaume Galiana, Guillo pour la scène, est de ce bois plein de sève sous l’écorce rugueuse, « Parce que toutes les Shéhérazade / Chérissent un désir d’aventure », parce qu’il y a des hommes qui n’ont pas besoin de jouer les gros bras pour être virils, parce qu’il sait déceler la parcelle d’humanité en chacun ou chacune, même dans ce Bar des  assassins qu’il chante avec vingt deux autres artistes, détaillant tous les crimes de l’humanité « Pour l’honneur, par amour / Pure folie, pour la cause. » Qui rappelle La tombe de Jérémie Bossone, pas par hasard l’une des vingt-trois voix de ce titre, avec  aussi Daguerre, Gérald Genty, Askehoug, Le Larron, Fabien Bœuf. Moins écorché, plus posé en apparence mais sensibilité commune.

En écrivant à la première personne, « Je ne suis pas un long fleuve tranquille / En première, en seconde, en enfer, sur un fil / Je suis l’une ou l’autre d’entre vous et le tout », d’une écriture précise, poétique, originale, il sait se mettre dans la tête de Chaplin, Chagall, Dylan, Céline, s’incarner dans le ventre d’une femme, dans la nature végétale comme minérale, pour figurer cette vie qu’il nous faut bien accepter telle quelle.

Cette aptitude à s’identifier à l’autre apparaît encore dans Le chien de la fille, dont le texte de Pierre-Yves Lebert est l’un des deux à ne pas être de son interprète. Une première écoute de ce succès repris de la scène, plus rythmique dans l’album, laisse à penser à une simple jalousie d’animal pour sa maîtresse. On découvre rapidement que le chien protège cette fille des mauvaises intentions de ses clients, que l’animal a vite identifiées : « Ce qu’ils font là derrière Ils appellent ça l’amour / L’amour je l’ai connu C’était y a très longtemps / Et si je me souviens bien c’était beaucoup plus grand / Pauvres humains »

Pourquoi la chanson-titre de l’album, Soulage, nous fait-elle penser à Souchon ? La voix, douce, un peu voilée, plus grave, le thème, ce désir de quitter ces villes factices pour retrouver une vie moins folle, plus proche de la nature : « Sortir des feux de la ville / Du charme forcé de Belleville (…) Stopper enfin la machine / Ici la terre, les racines /Passer la dune en plein hiver / Sentir le vent et voir la mer. » Et dans les Décors de ces villes anonymes, tel le voyageur qui passe en train devant ces carrés de lumière, comme dans un tableau de Hopper, imaginer les vies cachées « Dans les quartiers chics ou les rizières, les H.L.M, les bords de plage / Derrière toutes les portes de la terre il y a des fourmis de passage / Et toujours ton corps / Dans mon décor. »

Guillo hésite entre l’indignation devant ce monde Made in madness qui fait travailler des enfants, en Inde, en Chine ou au Bengladesh « À quoi ça rime / Pour celui qui peine / Pour celle qui trime » (en duo avec Michaela Chariau), l’espoir que lui inspire le Mahatma Gandhi « Demain je change / demain le Gange, Demain l’amour », la vision du dernier homme qu’il pourrait être (qui n’y a pas pensé !) « Là, il y avait des hommes, il y avait des fleurs, il y avait la terre. »

L’autre titre coopératif de l’album fait appel à l’inspiration de jeunes collégiens, portée par la musique et l’impulsion de Guillo, qui ont su parler du temps qui passe, de la vieillesse de cette dame, dans la métaphore des saisons « Telle une feuille portée par le vent / Elle sera légère comme avant / Et pourra tomber / Elle aura été. »

Des tours des cités de Gonesse de son enfance aux Landes où il s’est installé très jeune, de ce parcours d’artisan de la chanson qui a mis sur sa route Francis Cabrel et les rencontres d’Astaffort, de cette carrière dans le sud-ouest et dans toute la France, mais aussi au Québec, ou en Suisse, à travers les ateliers d’écriture de chansons qu’il anime, Guillo a su se forger une carrière d’auteur. Mais pour lui si proche de nous dans ses préoccupations, il n’y a pas que du texte, mais aussi une interprétation sensible, des mélodies équilibrées qui vous restent dans la tête, sa guitare, les arrangements subtils et rythmés de Benoît Crabos (Le trottoir d’en face), la réalisation de David Mignonneau, pour un  quatrième album indispensable, cette fois-ci sous le label indépendant Cinq secondes.

 

Guillo, Soulage, Cinq secondes 2016. Le site de Guillo, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là. Cet album est   reparu en mars 2017, inséré dans le livre « Je ne suis pas un long fleuve tranquille » paru aux éditions Lamao

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Une réponse à Guillo, communion sensible

  1. Catherine Laugier 23 juin 2016 à 11 h 03 min

    Il y a un petit bug inexpliqué sur la vidéo de long fleuve qui sort en double (mais quand on aime, on ne compte pas !) . J’en profite pour vous signaler l’excellente version de cette chanson en duo avec Jérémie Bossone, avec Davy Kilembe aux percussions : https://www.youtube.com/watch?v=cDhlg38VnYU

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