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A vouloir la peau de la Chanson…

(photo culturepopculture.com)

Jean-Eric Perrin (photo non créditée prélevée à culturepopculture.com)

A priori, le titre de ce pourtant dispensable livre ne peut que nous attirer. Vous pensez, Qui veut la peau de la chanson française ? C’est la question qu’à longueur de chroniques, ici même sur NosEnchanteurs, nous nous posons. Que d’autres avant nous (je pense à Fred Hidalgo, à Jacques Bertin, Serge Dillaz, Jacques Vassal, Michel Trihoreau, etc) se sont posé avant nous, avec en ce qui les concerne des éléments probants, des pistes irréfutables. Il est utile de les relire.

Va-t’on (enfin) répondre à cette question, nous en donner le clef de compréhension ? Si toutefois vous tenez à la réponse, passez votre chemin, le titre autant que le contenu frisent l’escroquerie. Il vous suffit, pour bien vous en rendre compte, d’aller directement en fin de bouquin, à la page des remerciements (pour leur participation, leurs points de vue, leurs éclairages) : que des gens du show-biz, Pias, Polydor, Barclay, Morgane group, NRJ, France 2, Universal, EMI… Insupportable entre-soi qui n’apporte rien au débat et en cache les vrais éléments. Ici nous ne sommes que dans la sphère du bizness, des copains et des coquins. Le reste n’existe pas, la chanson hors bizness n’existe pas. Or s’il en est une dont on veut la peau, c’est bien cette chanson-là, pas la playlist de Chérie-FM ni les choix de Manoukian.

9782354175214_1_75Parle-t-on d’ailleurs vraiment de chanson dans ce livre ? Non. Mais de succès, de hits, de disques d’or, de programmation sur les radios (ni Radio-Zinzine, ni Radio G, ni Radio libertaire, je vous rassure…), de télés, de carrières et de promo. De pourquoi le bizness bat de l’aile, pourquoi les profits sont en baisse au grand dam des actionnaires qu’il faudrait presque plaindre. Est-ce cela l’essence même, la réalité au quotidien de la chanson ? Ça fait deux siècles que tous les pouvoirs (politique, judiciaire, médiatique, etc) tentent d’abattre la chanson, au moins celle qui contient en germe la contestation, la critique de notre société : dans quel but et comment ? Ce livre en fait complètement l’impasse, résumant la mort de la chanson aux seuls téléchargements illégaux, à la Star Ac’, à l’inflation des artistes, au trop plein de salles (!), aux clients qui n’achètent plus, au marché hexagonal difficile… A des chiffres de vente mais pas à la chanson en tant que telle, à ce qu’elle est depuis qu’elle existe. C’est un peu court, monsieur Perrin !

Quand on sait que ce livre est sorti au moment même où une émission de radio, La prochaine fois je vous le chanterai, a été supprimée alors qu’elle faisait 1 750 000 auditeurs fidèles autant que passionnés, il faut trouver d’autres arguments pour justifier qu’on assassine ainsi cette chanson. En quoi est-elle à ce point dangereuse qu’il faille à tout prix l’éradiquer, lui substituer une bouillie bien souvent et approximativement anglo-saxonne, pour décérébrés ? Perrin n’en dit mot et donc consent. Quand on sait que plus de 90 % de la production française échappe au showbiz et est brillamment absente des grands médias autant que de ce livre, on se dit qu’un tel ouvrage ne sert à rien, sinon à l’enfumage.

De fait, en excluant l’essentiel de la chanson française, ce livre (de commande, dommage que l’auteur retenu semble si absent du vrai sujet, volontairement sans doute) manifeste lui aussi la volonté d’en vouloir la peau. Tout n’y est que poncifs, sans aucune analyse politique, sans histoire ni mise en perspective. C’est comme lire un dossier sans conviction mais à la une d’un hebdo : gourmand de détails sans grand intérêt et au final creux, vain. Inutile. Qu’on tende le micro en direction de tous les chanteurs, des sociologues, des historiens, des fins analystes politiques aussi, non des commerciaux, et on aura alors un tout autre bouquin. Pas celui-ci, tout juste bon à redevenir pâte à papier.

 

Jean-Éric Perrin, Qui veut la peau de la chanson française ? Éditions du moment, 2016, 16,50 €

6 Réponses à A vouloir la peau de la Chanson…

  1. Trihoreau 16 août 2016 à 6 h 50 min

    Bref, c’est comme si on demandait à Monsanto « Qui veut la peau de l’agriculture ? » ou à MacDonald « Qui veut la peau de la gastronomie ? » Non ?

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    • Michel Kemper 16 août 2016 à 10 h 56 min

      ces comparaisons me semblent valoir raison

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  2. Gallet 16 août 2016 à 12 h 57 min

    Entendu hier soir l’émission « téléphone sonne » traitant de poésie et chanson: « Y a-t-il une suite à St Germain des Prés ? »
    On y a critiqué la nostalgie, (c’était mieux avant) et pas évoqué la situation actuelle: perte des statuts d’intermittence, fermeture des salles, émission supprimée…évacué Anne Sylvestre en deux secondes, arrêté la chanson actuelle à Chéral et Juliette… que les autres se débrouillent sans les medias !
    JPaul Gallet

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  3. corinne 21 août 2016 à 21 h 49 min

    je me demande tous les jours pourquoi fr inter relaie tous les festivals de l’été : marciac, aurillac, rock en seine,, tout sauf la chanson actuelle quid de castelsarrazin, barjac …et tant d’autres, à fr inter la chanson c’est le l’électro …

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    • Maelle StPier 23 août 2016 à 12 h 41 min

      Bonjour

      Vous avez donc raté tous les concerts en direct des Francofolies, du Printemps de Bourges où la chanson française a été bien représentée… Lavilliers, Beaupain, Vianney…
      D’autre part, sur le livre que j’ai relu suite à cet article; j’ai l’impression que votre exemplaire était amputé de quelques pages, celles qui analysent avec justesse les nouveaux comportements des « consommateurs » qui font partie intégrante de ce qui nuit à la chanson française. On y trouve pas mal de points communs avec le livre de Vignol « cette chanson que la télé assassine. »

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  4. NosEnchanteurs 3 septembre 2016 à 14 h 11 min

    En publiant cet article qui était rédigé depuis quelques semaines déjà (alors différé en raison d’un surcroît d’articles, au mois de juillet du à l’actualité festivalière), nous ne savions pas que le tribunal de commerce de Paris avait prononcé la liquidation des éditions du Moment dans un jugement daté du 4 août 2016. Fondée dix ans auparavant, Les éditions du Moment se voulait être une maison généraliste et éclectique qui souscrit à une exigence, celle de l’opportunité.

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