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Fedecki, courte échelle vers le bonheur

Fedecki Clair de femme 2017

Fedecki Clair de femme 2017

C’est un EP, c’est un jeune homme, pourtant ils ont tout des Grands.

L’EP a été enregistré avec goût et finesse dans deux studios de Buenos Aires, avec le soutien de Juan Nazar  à la production, aux guitares, et aux arrangements. Il a également écrit la musique du titre Je hais la mer.

Tout un aréopage de musiciens argentins de la scène émergente fait écrin aux cinq titres de Romain Dao, nom de l’artiste à la ville : guitares électriques, mandoline, batterie et percussions, piano, claviers,  accordéon, basse et clarinette. La voix féminine est celle de Catalina Tellerman.

Chose rare, l’EP est édité en digipack carton, avec un livret de 16 pages des textes illustrés par les délicats dessins aquarellés de Lolita Roger, naïfs et tendres. En couverture Romain ressemble au Petit Prince (plutôt qu’une « gueule de polak » tel qu’il se décrit) tentant d’atteindre la lune avec ces minuscules humains qui se font la courte échelle. Pour tout vous dire, Romain est aussi graphiste, et il y a mis tout son cœur.

Et dedans Madame, qu’est-ce qu’il y a ? L’EP s’appelle Clair de femme, et Romain a choisi comme nom d’artiste Fedecki, le patronyme d’une aïeule maternelle polonaise. Tout cela vous évoque quelque chose ? Il s’agit là d’un EP conceptuel, qui doit beaucoup à Romain Gary, alias Roman Kacew, né en 1914 à Vilnius dans l’Empire Russe, la Vilna polonaise de l’entre-deux guerres. Arrivé en France à 8 ans, connu pour ses multiples avatars et ses deux prix Goncourt, dont le second sous le nom d’Emile Ajar. Un album sur l’ambiguïté de l’être humain, le rêve, l’affect, l’espoir.
Une voix, une façon de parler-chanter, à la manière de Ben Mazué. Douce, un peu voilée, articulant bien même quand il nous met plus de mots que de notes, comme s’il passait la vitesse supérieure. L’EP dure 19 minutes avec seulement 5 titres. Comme Fauve, ou Feu ! Chatterton, il n’hésite pas à écrire des chansons de plus de 4, ou 5 minutes. Il a tellement à dire, depuis qu’il peaufine ses chansons. Et c’est bien dit, au son de  la douce clarinette, comme dans la Nuit blanche pour idées noires : « On m’a dit / Tu ferais mieux d’aller gagner ta vie (…) Mais je l’ai ma vie, moi tu sais / J’ai pas besoin de la gagner »

Si Romain porte ce prénom, c’est grâce à la passion familiale pour l’écrivain. Sa première chanson, Romain et Gary, conjugue la dualité qui est dans chacun de nous, un idéaliste ou une sale arnaque (on pense à Benoît Dorémus) : « En gros y’en a un qui  parle trop / L’autre qui reste sage ». Seul espoir, l’amour : « Chérie, protège moi… » La musique suit, balance entre les deux, s’enflamme d’un accordéon, qui plus est argentin ! C’est un clin d’œil à l’insaisissable Romain Gary, à Gainsbourg, à Renaud qui font partie de ses références.

C’est d’ailleurs ce dernier qu’on croit réentendre soudain, à l’écoute des copains en dérive, ici une Petite fée pensant que le bonheur est affaire de chimie. Plus proche de la Fée Carabine de Pennac que de la bonne fée marraine de Cendrillon. Et c’est lui qui la ramènera à la vrai vie.

La chanson titre éponyme du roman de Gary, est l’épopée d’une rencontre, ce hasard qui vous fait rêver d’avenir, ce déchirement quand il fait mine de vous échapper, « Parce qu’il y a longtemps / Que j’ai perdu foi en mes incroyances », cet espoir symbolisé par la fable des petits chinois arrivés sur la lune avant les américains : « Et en mettant leurs poings / Les uns sur les autres / Ils miment la courte échelle ». Elle se slamme lentement sur les arpèges répétitives des cordes, s’accélère au son de la batterie, monte au chœur du Clair de femme

Le dernier titre est poème dit sans colère, haine tournée vers l’élément qui « rend les gens cruels ». Il substitue au personnage réchappé de la Shoah qui hantait Gary, le réfugié rescapé d’une traversée mortelle : « Je hais la mer / Et son sel qui lentement ronge ma peau / Qui jamais ne sera assez blanche ».

 « Et puis si ça parle à quelqu’un, qui sait  / Peut-être qu’un jour je serai chanteur / Parce que crois-moi / j’en aurai jamais  assez d’une vie / Pour écrire des histoires ».

 

Fedecki, Clair de femme, auto-produit 2017. Le site de Fedecki, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est .

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