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Saint-Johnny

Johnny à l'église, pcc Chris Evans (copie d'écran)

Johnny à l’église de la Madeleine, pcc Chris Evans (copie d’écran)

Je dois avouer : Johnny Hallyday est un être exceptionnel. Etait ? Non, est ! Et pour longtemps, pour toujours. Là où la ferveur populaire de ses fans s’expose, tout problème est résolu. C’est, comment dire… hallydesque !

Je m’explique. A l’unisson de l’air du temps, la chanson est boutée hors du champ visible. Que ce soit en radios et télés, dans les festivals comme dans les subventions, partout. Il faut extirper les racines de la chanson et laisser pourrir la plante. Même dans les églises, on évacue la chanson (sauf les psaumes et les cantiques, ça va de soi).

Dans la conférence chantée sur « Chanson et censure » que je tourne depuis peu avec mes amis Sylvie et Bruno Duchâteau (ils y sont follement talentueux), j’explique comment évêques et curetons s’érigent en censeurs dignes de l’inquisition dès qu’il s’agit de faire entrer la chanson dans une église. Ne tentez pas le diable en proposant un titre de Jean Ferrat, de Boby Lapointe, de Mylène Farmer ou du père Brassens à vos obsèques, au prétexte que vous les avez aimés toute votre vie : vous serez recalés, retoqués sans pitié, inhumés sans rimes ni notes. Extrait de cette conférence : « Nous sommes en mars 2018, à l’église Saint-Pierre, à Blagnac, en Haute-Garonne. Un concert caritatif y est organisé au profit des soins palliatifs des hôpitaux de Toulouse. Au programme, douze chansons. Et au final un peu moins, quatre d’entre elles ayant été refusées par le curé, « petit saint besogneux de chez nous » comme dirait Brassens. « Nous avons envoyé la liste des chansons environ un mois à l’avance. Quatre d’entre elles ont été refusées, au motif qu’elles n’avaient pas leur place dans une église ». Les chansons ? Du Boby Lapointe, du Gainsbourg, du Piaf, et Le vieux Léon de Brassens, celui qui est parti au paradis d’l’accordéon « mener le bal à l’amicale des feux follets (…) au sein des vignes du Seigneur »… Là, nous sommes à l’église de Boves, près d’Amiens, en décembre 2017. Chaque année, deux chorales y animent une soirée gratuite à l’approche de Noël. C’est la chanson Petit papa Noël qui a été retoquée, trop laïque. Ce sont ces mêmes censeurs qui protesteront ensuite que la crèche de la Nativité ne puisse trouver place dans un hall de mairie… ».

Hier, à la Madeleine, à Paris, la messe a été dite. Pour les 75 ans de naissance de Johnny, et, pour faire bon poids, ses six premiers mois de trépas. Avec des fans par centaines, venus saluer leur dieu (c’est moins cher de venir ici que de se payer un aller-retour à l’île de Saint-Barthélémy) : mille dedans, autant dehors. Il y avait un prêtre mais ce n’est pas ce que l’Histoire retiendra. Il y avait Chris Evans (ce Chris-là ne prend pas de « t »), un talentueux rocker venu de Saint-Etienne, qui chantait dans cette église. Quoi ? Du Johnny ! Les portes du pénitencier, Retiens la nuit, Que je t’aime (une version épurée je vous rassure) et d’autres encore : « toutes les musiques de Johnny se transforment en chants religieux » commente avec zèle la préposée journaliste de BFM. Pour redonner son blason terni par tant et tant d’affaires, l’église française fait dans la com’ et récupère sans vergogne l’idole des jeunes. Devant les caméras, elle autorise, favorise même, ce qu’elle refuse partout ailleurs au quotidien. Le dogme se fêle, l’église catholique est aussi risible qu’illisible. « Merci à Dieu de nous avoir donné Johnny » a déclaré sans rire le prêtre. Là, je ne peux m’empêcher de penser à Allain Leprest et son Je ne te salue pas.

Sait-on, au fait, qu’en 1970, le Vatican avait engagé contre Johnny Hallyday (et Philippe Labro, son parolier) une procédure d’excommunication en raison de ce Jésus-Christ (est un hippie), chanson qui avait fait s’étrangler tous les bons chrétiens ?

Il est barbu et chevelu
Il s’est battu à Chicago
Il aime les filles aux seins nus
Il est né à San Francisco
Jésus, Jésus-Christ
Jésus-Christ est un hippie

Les temps ont changé. Depuis que plus rien ne va dans ses affaires, l’église fait le tapin, tentant d’aguicher les dieux païens pour mieux capter leurs cohortes de fans. Triste sacerdoce que voilà.

Cette messe anniversaire était une initiative du curé de la paroisse de la Madeleine, qui organise une messe d’hommage à Johnny tous les 9 du mois, depuis les obsèques du chanteur en décembre dernier. Dites, combien et quand en organise-t-il en hommage aux candidats à l’immigration qui, chaque jour, crèvent en Méditerranée ?

Bon, je dis ça je dis rien. On m’attend tout à l’heure dans une librairie stéphanoise, où j’y dédicace mon livre Johnny Hallyday*. Mais sans hostie ni chapelet.

 

*Michel Kemper et Jean-Marc Héran, Johnny Hallyday, éditions Plume & Pinceau. 17,90 euros. La page facebook de ce livre, c’est ici. Image de prévisualisation YouTube

3 Réponses à Saint-Johnny

  1. jean-guy BARKAN 16 juin 2018 à 10 h 32 min

    c’est bien michel de remettre les choses à leurs places !! mais

    qu’on arrete de nous seriner avec JOHNNY ! qui, s’il était une bete de scene reconnu de tous ,n’était pas un dieu !- pour ceux qui pensent qu’il y en a !- et je ne trouve pas trace dans sa vie d’une action humanitaire digne de ce nom qu’il aurait pu avoir en profitant de sa notoriété comme certains le font .ce qui aurait été à son honneur , et revelateur de sa valeur humaine ,,. ça a été tout pour sa gueule et rien en retour … je veux bien qu’on me prouve le contraire – mes larmes interieures ont inondée mon coeur ,pour la fin de FERRAT ,mais pas un LARME pour j-ph SMET qu’il dorme en paix dans son cercueil doré ; il a eu une belle vie ;

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  2. CUFFI GEORGES 16 juin 2018 à 11 h 28 min

    Excellent coup de gueule, Michel! Je suis sidéré par les idolâtries débiles, et chez les fans de Johnny ça va très très loin! Et donc, une messe par mois à la mémoire de Johnny??? et ce n’est pas le Gorafi? Je suis vraiment stupéfait, les bras m’en tombent!

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  3. Odile Fasy 16 juin 2018 à 20 h 39 min

    Tout a fait d’accord avec votre colère Michel!
    Une messe par mois, en mémoire de Johnny, je n’en revient pas.
    C’est à rien n’y comprendre, qu’elle hypocrisie chez les Cathos!

    Répondre

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