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Emma Staël, étrange et séduisante poésie

1e403a_4323cacfdd944cb3bd4a60e838a74d08~mv2_d_1600_1428_s_2Fasse que La vierge de Barjac, qu’elle chante ici, aux pensées parfois impures qui ne peuvent nous laisser, comme elle, de pierre, intercède en sa/notre faveur et la fasse programmer au fameux festival de cette commune du Gard où Emma Staël aurait visiblement sa place. Emma Staël ? Vous pouvez ne pas connaître, bien que nous ayons eu l’occasion de la présenter ici-même : c’était il y a quatre ans (lire ici) lors de la sortie de son premier album. Elle faisait alors équipage avec le pianiste et arrangeur Marco Albano (co-compositeur ici sur trois titres). On la retrouve sur ce nouvel opus avec Claude Préchac à la réalisation et aux arrangements. Jolie équipe pour une réalisation soignée, sensible, irréprochable.

Il faut un titre à un album, souvent prélevé à une des chansons qu’il contient. C’est étrange narre l’étrangeté d’une relation qui, crescendo, va de la rencontre où s’entremêlent voix et rires, à la montée de l’escalier, au silence pas si silencieux d’une nuit, le battement des cœurs, au ventre qui s’arrondit ensuite et « mange plus que nous deux réunis ». Doux récit aux mots délicats qui en cachent sans doute bien plus sous les draps.

On peut être – il y a vraiment de quoi – séduit par la voix d’Emma Staël, on le sera plus encore par son écriture, simple et stylée à la fois. Capable d’aller du léger au tragique, en des registres fort différents. De La Marion, chanson aux allures faussement trad’, qui ne sait trouver de prénoms à ses nombreux rejetons, à Pour un tango qu’elle danse seule « pour peu que la lune soit ronde / Pour peu qu’elle fasse le gros dos / Pour peu que la nuit soit trop longue / Et que le monde aille à vau-l’eau ». Et surtout par deux titres que vous gardez en vous bien après l’écoute, de ces chansons qui peuvent vous hanter, que vous repassez souvent en vous et à l’écoute de ce disque. Vous êtes belle sur l’idéal de séduction, à l’adresse d’un quelconque dragueur fielleux et pour le moins maladroit : « Alors c’est ça ton idéal nuptial / C’est ainsi que t’ouvres le bal / C’est fouler aux pieds ton égale / Ton rêve / Mais conquérir plus dignement / Adam / Et charmer pacifiquement / C’est proposer tant qu’il est temps / Une trêve ». Il me plait à penser que Brassens n’aurait écrit autrement, si parfaitement, une telle requête à l’apprenti séducteur. Et Dans de beaux draps, sur cet homme pédophile qui parfois partage le lit de son fils : les mots pour dire le mal « Faut mordre ton oreiller mon loupiot / L’amour c’est pas ça c’est vraiment plus beau / Ça tu l’espères, mystère ». Une des grandes chansons sur un sujet pas facile à traiter, où chaque mot pèse son poids de souffrances, d’espérance…

Treize titres, treize très belles chansons d’un disque qui pourrait vite vous être indispensable. Des tranches de vies, parfois bien singulières comme ces Mœurs morbides (en vidéo ci-dessous) qui envisagent le corps et le cœur en d’autres perspectives. Comme aussi cette chanson qui ouvre le bal, nous imaginant comme nous serons demain « rien du tout / sans dessus-dessous » sous terre ou en fumée. C’est en cela qu’on se dit que, outre le fait qu’une chanson porte effectivement ce titre, nommer un tel album « C’est étrange » ne l’est pas tant que ça : y’a pas triche sur la dénomination, pas erreur sur l’étiquetage. Ce disque d’Emma Staël est aussi étrange que beau, aussi effrayant que follement adorable. Passionnant de bout en bout.

 

Emma Staël, C’est étrange, autoproduit 2018. Le site d’Emma Staël, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là. Image de prévisualisation YouTube

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