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Bobin : « chanter pour les hommes oubliés »

Frédéric Bobin et Mickaël Cointepas (photos Yann Sévrin)

Frédéric Bobin et Mickaël Cointepas (photos Yann Sévrin)

24 novembre 2018, Saison culturelle à Volx,

 

Est-ce qu’on présente encore Frédéric Bobin sur NosEnchanteurs ? Disque préféré de l’année (sans concertation aucune !) pour les chroniqueurs, encensé par les différents critiques (chanson française, cela va sans dire…) ici comme ailleurs, plusieurs fois « première partie » de Gauvain Sers dont un Olympia en mars dernier, autant dire que 2018 fut fructueuse pour lui et qu’on accueille ici une « pointure » sur cette belle scène de la Saison culturelle de Volx, petit village alpin. Mais de célébrité, il ne sera pas question, parce que Bobin touche d’abord par une simplicité désarmante, une présence aussi sensible que le sont ses chansons. D’ailleurs, Le soir tombe et « il n’a pas changé le monde » nous confie-t-il  dès l’entrée du concert, « distrait par de vagues besognes ». Humain, si humain, c’est ce que les Bobin semblent nous chanter, lui aux mélodies ciselées comme des bijoux, et son frère Philippe aux manettes de la (fine et belle) écriture poétique, auquel nous avons emprunté le titre de l’article. Nous saisit cette voix, inimitable, élégante, qui chante donc pour les « hommes oubliés », nous parle de la dureté de ce monde sur des mélodies folk, comme pour nous aider à en alléger un peu le fardeau. Mélancolie souvent, avec les chansons des Bobin, on se rappelle beaucoup ; images d’enfance et d’adolescence, où son « histoire défile / comme un drôle de film » en Super 8. Nostalgie peut-être, tristesse à peine, la musique nous entraîne, nous sommes dans une décapotable, le paysage défile lui aussi, le vent dans les cheveux au milieu des grandes plaines…

Puisqu’on en parle : « Le son, ça va ?, nous demande-t-il, l’image aussi ?! ». Rires, regards complices sur scène entre Fred Bobin et Mikael Cointepas (contrebasse et voix), on sent que ces deux-là fonctionnent au quart de tour, et qu’on aime sentir cette belle énergie, comme on la ressent bien quand on est en salle ! Le public s’enchante d’un répertoire encore inconnu ici, il entonne doucement le refrain de Tant qu’il y aura des hommes, se laisse charmer par la voix élégante du chanteur, par ces rythmes presque entraînants, par ces mots qui sonnent si vrai dans l’actualité : « Y a qu’à changer les dates / Y a qu’à changer les noms ». S’il n’est pas chanteur engagé, poing levé et drapeau au vent, c’est bien de cette société dont Bobin nous parle, où « Rien n’ira tant qu’on aura trop de tout », chanteur humaniste qui peut reprendre, sans qu’elles vieillissent (hélas !) des chansons comme Singapour quand les usines se délocalisent sans crier gare : « Quand j’suis arrivé aux aurores / y avait plus rien », ou le triste destin de Tatiana sur le périph’, fille de l’Est jetée sur le trottoir : « Elle dit qu’elle est comédienne / Elle leur dit que tout baigne » ou encore Il faut plaindre les rois, peut-être une des rares chansons des Bobin où les mots se font ironiques.

Portraits et tableaux émaillent ce récital, celui de Tatiana, mais aussi celui du Creusot « Ô ma ville en jachère, ô ma vieille ouvrière », celui de son grand-père, une mélancolie heureuse, des chansons qui parlent de racines comme de fondations, qui parlent de l’homme et de ses fragilités, qui se rappellent d’amours lointaines quand Ce siècle avait deux ans, qui sont des regrets parfois sans être des remords comme La vie qu’on aurait pu vivre, qui sont autant de lucidité sur le monde avec La Pyramide… Oui, il « faudra bien assumer ceux qui ceux au sommet » !

Frédéric Bobin par Yann SévrinTouches d’humour entre deux chansons, et la mélancolie s’allège, se rock’n roll avec ces accords de guitare électrique, devient plus âpre quand la voix se fait rugueuse. On rêve avec lui de Ma vie de rechange, les secrètes batailles de ceux qui ont une vie d’automates fatigués, et se révèlent le soir en poètes, en musiciens ou en peintres fous ! Peintures des petites gens, hommage à un quotidien un peu gris où on est « Un rebelle qui dérange / Dans ma vie de rechange »… Le quota « chanson d’amour » prend chez Bobin un relief inattendu avec Les étreintes intermittentes (« Interminables ! » lance un spectateur taquin), des amours secrètes qui « ont des vertus envoûtantes » et rebelles « Loin des tristes spectateurs / Qui aiment du bout du cœur ».

Chanteur généreux qui nous demande en riant si « Trois chansons, ça ira ? » pour le rappel ! Et on démarre avec L’autoradio de mon père, « Hommage à toutes ces voix que je ne comprenais pas toujours, nous dit-il, c’était magique », hommage aux « souvenirs qui frappent à la portière ». S’annonce la fin du concert, et une de ses plus belles chansons, Musique blessée qu’il chante ici en joli duo avec Martine Scozzesi, rappelée sur scène avec ses musiciens (« première partie » de ce concert). Voilà « Une musique rebelle / Un refrain éternel » qui invite à se soulever, à ne pas oublier que « La musique des hommes / Jamais ne t’abandonne ».

On l’avait vu à Lyon pour le lancement du dernier album Les larmes d’or, entouré d’une foule déjà bien au fait de son répertoire, lui réclamant les nouveaux tubes comme les plus anciens ! Sur cette scène-ci, le public le découvre, en reconnaît le talent sans hésiter et l’ovationne comme le « grand » qu’il est déjà. On aimerait que les médias se fassent enfin l’écho de cette belle chanson, mais en attendant, comme pour beaucoup de chanteurs en chanson française, c’est bien le public qui accompagne fidèle les concerts de Frédéric Bobin, ce sont bien les autres chanteurs qui lui ouvrent aussi d’autres portes. S’il n’a pas (encore) changé le monde, il a apporté sa pierre, précieuse et à quatre mains, à l’univers de la chanson française. Le cheminement est à la mesure de son talent, bien mérité ; nous l’entendrons encore longtemps, pour notre plus grand plaisir.

 

Le site et les prochaines dates de Frédéric Bobin, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là.

 

Un extrait du concert en vidéo : Tant qu’il y aura des hommes Image de prévisualisation YouTube

Une réponse à Bobin : « chanter pour les hommes oubliés »

  1. André Robert 14 janvier 2019 à 10 h 38 min

    Frederic Bobin première partie de Gauvain Sers. C’est pas ce qu’on appelle l’inversion des valeurs ? (Je m’empresse cependant d’ajouter que j’apprécie également Gauvain Sers).

    Répondre

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