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Miossec le survivant

Miossec (photos Christophe Dehousse)

Miossec à Liège (photos Christophe Dehousse)

Liège, Le Reflektor, 19 mars 2019,

 

Pouvoir applaudir Miossec dans une salle de contenance humaine, quelle aubaine ! Comme vous le pensez, le concert était annoncé sold-out depuis belle lurette. C’est donc un public nombreux et fervent qui s’est entassé dans la salle dès l’ouverture des portes, heureux d’avance de vivre une soirée qui s’annonçait sous les meilleurs auspices. Il ne sera pas déçu.

Le chanteur monte sur scène en même temps que ses trois musiciens (un batteur, un guitariste, un claviériste), guitare au poing, qu’il ne lâchera pas de tout le show. Une manière de nous dire que l’on va assister à la prestation d’un vrai groupe, plutôt que d’une vedette entourée de faire-valoir. Un sourire en guise de bonjour et il attaque avec Ainsi soit-elle. Amour, noirceur et espoir liés d’emblée : Laisse-moi souffrir ma belle/ Moi je laisse aller mon cœur / Ainsi le navire appelle / L’ancre. Ainsi l’âme sœur, ma sœur. Les ingrédients de la soirée nous ont été offerts dès la bouchée apéritive.

Le copieux programme du concert (vingt-deux chansons en tout) sera l’occasion d’un large parcours dans la discographie du rocker breton. Avec onze albums derrière la cravate, il y a matière. Son dernier disque, Les Rescapés, paru en octobre 2018, est bien évidemment à l’honneur, puisque pas moins de neuf chansons interprétées en sont extraites. Les autres proviennent de Mammifères (2016), Ici-bas, ici-même (2014), L’étreinte (2006), 1964 (2004), Brûle (2001) et A prendre (1998). Un beau tour d’horizon, qui permet de mesurer combien Miossec a bâti une œuvre cohérente et intemporelle, traversée de fulgurances, de blessures de l’âme et d’amours charnelles, où l’espérance s’accommode de la douleur qui la précède, où chagrin et hargne s’affrontent en un combat douteux… Au menu : passions éphémères (Je m’en vais car l’on s’est tant aimé / Je m’en vais avant de te détruire), méfiance généralisée (C’est un coup à ne pas faire de vieux os / Quand on en fait l’élément, l’élément central / C’est un coup à y laisser sa peau /Quand on en fait sa colonne vertébrale / C’est la vie sentimentale), inéluctabilité de la fin (Le lendemain on s’est réveillé derrière contre derrière / Le lendemain on s’est réveillé avec nos dos comme paravents), survie forcenée (Comme un ancien cascadeur / Comme un vieux, un vieux champion / Il sait qu’il est désormais capable / De survivre aux grandes émotions), mélancolie tenace (La vie elle a passé / Et on l’a comme pas bien vu / Les années ont filé / Beaucoup plus vite que prévu)…

54517558_312366726113478_7701287244069339136_nPortés sur la scène, les mots simples de Miossec prennent de l’ampleur. Malgré le clavier et ses envolées, le son reste rock, sec, tranchant. Des relents de blues (Fortune de mer), des faux airs de rumba (Qui nous aime), des accents country (Cascadeur) charment nos oreilles et soulagent notre cœur mis parfois à rude épreuve par des rythmes oppressants (La ville blanche) ou discordants (A Montparnasse). L’ambiance des chansons n’est certes guère à la joie – « Voici une chanson déprimante, pour changer », nous dira-t-il avec humour entre deux morceaux – , même si Madame vient nimber la salle de douceur ou si Je suis devenu est joué de manière presque guillerette (Je me suis fait tout seul et je me suis raté). Cela n’empêche toutefois pas le public d’être à la fête et de l’accompagner à pleine voix sur ses morceaux les plus connus (Brest ou Je m’en vais). Miossec impressionne par sa sobriété (dans tous les sens du terme), enfilant les titres sans effets, sans jeu de scène particulier, sans bavardage intempestif. Sans tricherie non plus. On sait l’artiste cabossé par la vie, puisant dans ses plaies du cœur l’encre de ses chansons. De sa voix rauque et griffée (en nette voie d’amélioration après des années difficiles), c’est l’homme derrière le chanteur qui nous offre ses désillusions et ses tourments, comme on s’abandonne dans les bras d’un ami. L’émotion, jamais forcée, n’en est que plus intense.

Au final, l’artiste nous donnera un Nous sommes entonné par la salle. Nous sommes les survivants / Nous sommes les rescapés, chante-t-il, Nous sommes de ceux qui l’ont un jour effleurée. Revenu de tout, Miossec ? Oui, mais pour nous offrir son expérience en partage, en généreux impudique. Qu’il en soit ici remercié.

 

Le site de Miossec, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.

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