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Abel Chéret, cinq nuances de rouge

CHERET Abel 2019 Amour ultra chelou rectoAprès un premier album court de quinze minutes en 2012, La tête sur les épaules, le Sablais (d’Olonne) Abel Chéret nous en donnait un second, court également, Amertume, dont nous vous avons naguère présenté la chanson titre. Déjà, l’écriture soignée y traçait un portrait plus noir que rose des relations amoureuses.

C’est en septembre 2014 aux Trois Baudets que Patrick Engel l’avait repéré, présentant ses nouvelles chansons, avec son physique de dandy dégingandé, son humour désabusé, son écriture métaphorique, et sa musique acoustique, tendance jazz bien cuivré. Sa conclusion était : « Un jeune homme moderne à suivre de près… »

Fort bien vu de la part de Patrick, puisqu’Abel vient d’être sélectionné comme l’un des sept finalistes du prix Georges Moustaki pour son nouvel opus, Amour ultra chelou, cinq titres selon son habitude, sorti en avril 2019. Abel y a encore aiguisé son écriture pour nous parler d’amours qui ont peu à voir avec les rengaines sirupeuses habituelles, mais plus avec une exaltation du sexe dans une perspective humide, mordante, brûlante voire mortelle ! Un voyage au pays d’Eros, voisin de Thanatos  que ne renieraient pas certaines thèses psychanalytiques, loin de la pornographie par l’originalité des images qu’il fait naître de ses textes, qui en font aussi une œuvre poétique. Sa voix douce et expressive rajoute paradoxalement à la séduction.

La musique a une couleur bien identifiable, variant selon les titres, qu’il nous présente sous forme de vidéos (depuis octobre 2018) comme autant de petits scénarios de film. Elle se pare d’arrangements électroniques qui ne sont pas des bijoux de pacotille, mais bien la colonne vertébrale de ses sons, en même temps que la vague (irrésolue ?) qui les baigne.

CHERET Abel  2019 04 Amour Ultra Chelou 5 titres versoD’abord une animation très caliente ¡ Cuba si ! sur Calor Humedo qui parle du blason féminin avec des mots que Brassens pourrait lui envier, oursin au cœur iodé si doux, eau de coco, bocca salada…, oui mais « Je veux foncer d’une course effrénée / Dans les fourrés de ta forêt touffue / Et m’arrêter au fond d’elle perdu / Par le croco me faire croquer ». Complexe ancestral de castration ? 

Puis des amours anthropophages avec cette vidéo de L’amour saignant et ses mots si gourmands « Jute la pulpe rosée / De nos lèvres arrosées / Au jardin de nos baisers / Dans ce fruit innocent / Brillent tes dents ». La vidéo a été réalisée par Rosalie Charrier, avec une équipe très féminine, notamment en ce qui concerne ses cheffes, c’est assez rare pour être signalé. Est-ce la réponse au refrain : « Adieu amour mielleux / Doucereux et collant / Qui survit trop longtemps / L’amour saignant c’est mieux » que cette « prise en mains » féminine ?

Enfin Abel nous propose un Western Eros transposé dans un décor maritime, le sable du désert remplacé par celui de l’océan. La tension monte entre l’homme – « Non je ne dégainerai pas / Je ne dégainerai pas » et la femme (Margaux Billard) enchaînés l’un à l’autre, mais c’est elle qui prend les devants : « Les spectateurs sortent sonnés du cinéma / Toi t’as la main dans la poche de mon jean ».

Encore à découvrir en images, mais déjà en son très électro, très synthétique, tout en contraste avec la voix si douce et légère, cette Lovely Doll. Des paroles, des actes d’une violence terrible « Dans mon écrin rose / Une bombe explose / Ce sont comme des éclats d’obus / Qui perforent l’antre / Intime d’un ventre / Qui ne m’appartient plus » pour décrire l’insupportable que subit cette femme objet, qui n’a d’autre recours que la fuite, l’envol, voire pire : « Que le vent m’emporte comme une feuille morte loin de vos terribles émois ».

Le cinquième son (quatrième de l’album) porte le doux nom d’Irma, faisant d’une tempête une femme, et non l’inverse : « Déesse du désastre / Caprice des astres / Tu as déposé de l’or / Devant le désespoir / Et c’est ta magie noire / Qui a déjoué le mauvais sort ». Avec la coda imprévisible, l’espoir pour l’entrepreneur en difficulté chargé de la reconstruction.

Le choix du jury du prix Georges Moustaki va être très difficile avec des talents bien singuliers…

 

Abel Chéret, Amour ultra chelou, Active records, 2019.

Le site d’Abel Chéret, c’est ici.  Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là

Abel Chéret est en concert le 23 janvier au Forum Léo Ferré à Ivry avec Sophie Le Cam et le 30 janvier à A Thou Bout d’Chant à Lyon.

Calor humedo
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L’amour saignant
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Western Eros
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