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Bernard Lavilliers : usiner encore

La Manufacture Nationale d'Armes de Saint-Etienne

La Manufacture Nationale d’Armes de Saint-Etienne

S’il est un artiste qui m’étonne encore, me fascine, c’est bien Nanar, le Stéphanois chanteur qui, depuis toujours, a une façon de se raconter, de raconter son passé, d’étayer sa légende, qui me laisse pantois. Ce soir Arte diffuse « Le temps des ouvriers » de Stan Neumann, une foisonnante autant que passionnante série-documentaire en quatre épisodes, qui retrace l’histoire du monde ouvrier européen du 18ème siècle à nos jours. Ancien tourneur-fraiseur à la Manufacture Nationale d’Armes de Saint-Etienne, Bernard Lavilliers a prêté sa voix à cette série. Pour l’occasion, il a donné un entretien, sur le thème du travail il va de soi, à notre confrère Victor Hache, du mag’culture We Culte ! (article republié le lendemain sur le quotidien L’Humanité).

Nanar s’y raconte en ouvrier : « J’avais 16 ans, c’était l’usine où travaillait mon père. On nous formait durant deux demi-journées et avec le CAP, on se retrouvait dans les ateliers avec les ouvriers qui avaient de l’expérience. Quand on avait une formation trigonométrique, qu’on savait lire les plans des dessinateurs industriels, on nous mettait à la fabrication. C’est comme ça que j’ai appris mon métier de tourneur-fraiseur. J’ai fabriqué très jeune des pièces, ce qui était un peu plus « glorifiant » que d’être à la chaîne. On faisait les trois-huit. Après j’ai été au laminoir chez Schneider à Firminy, dans la banlieue de Saint-Etienne. C’est une expérience qui me sert toujours, que je peux difficilement partager car les gens et la plupart des artistes que je connais, n’ont jamais connu cela ».

Bernard Oulion (en haut au milieu) parmi ses camarades de classe à l'école de la Manufacture d'Armes.

Bernard Oulion (en haut au milieu) parmi ses camarades de classe à l’école de la Manufacture d’Armes.

Il faudrait être un tourneur-fraiseur d’exception pour apprendre son métier en seulement deux demi-journées ! Ce n’est pas tout à fait ça. La formation ne dure pas deux demi-journées mais… trois ans. C’est la durée d’un CAP, avec effectivement une partie en cours, une autre en ateliers. Bernard Oulion sera élève à l’école de la Manufacture de septembre 1962 à août 1965. En fin de troisième année, en plus du CAP officiel, on passe un examen de sortie, un peu le « chef d’œuvre » de fin d’apprentissage. Exercice noté il s’entend. Si vous avez au moins 12 sur 20, vous êtes classé professionnel dans le groupe 5 (ce qui équivaut au P1). Si vous avez moins, c’est le grade OS4, moins payé et plus fragile quant à la sécurité de l’emploi, variable d’ajustement de l’effectif. Si la biographie officielle de Bernard Lavilliers le voit tout de suite P3, c’est au mieux faute de frappe, au pire gros mensonge. Nanar en est coutumier.

Son papa travaille à la Manu mais n’est pas ouvrier : il est responsable du service de la paye et bosse non en bleu de travail mais en veste, chemise blanche et cravate.

Après ses trois ans de CAP, Bernard est embauché à la Manufacture en septembre 1965 : il est alors « en période de stage » (la première année d’embauche, donc), période où on n’est pas au rendement (on est même invité à fabriquer ses propres outils : équerre, V, cales de fraisage, etc) et pas au rythme des 3/8 : pas de travail de nuit, donc.

Il démissionne en fin mars 1966, non pour aller travailler à Firminy (il n’a jamais bossé dans un laminoir, ni dans la cité appelouse [Firminy] ni en Lorraine ni ailleurs), non pour prendre l’avion pour le Brésil (il lui faudra attendre encore quatorze ans pour faire ce voyage), mais pour tenter sa chance comme chanteur, avec pour épicentre Paris et le quartier Mouffetard, celui de la rive gauche.

 

Le Temps des ouvriers, Épisode 1: Le temps de l’usine (1700-1820). Mardi 28 avril 2020 sur Arte, 21 heures.

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Une réponse à Bernard Lavilliers : usiner encore

  1. Gérard DEBARD 29 avril 2020 à 16 h 50 min

    Je me souviens avoir vu B. Lavilliers à la fin des années 60 à la Contrescarpe. Le bar était tenu par Bernard Haillant et l’on y entendait Jehan Jonas, Henri Guybet…

    Répondre

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