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Idir, 1949-2020

Idir (photo non créditée)

Idir (photo non créditée)

Qui n’a jamais vu Idir en scène ne peut s’imaginer la ferveur de son public, de ces femmes et filles et de leurs youyous qui éclatent de partout, comme les plus belles fusées d’un feu d’artifice, de ces vagues de bonheur, du regard des gens, de leur sourire. De cette tendresse dont l’épicentre est en scène : ce monsieur à l’allure banale, qui vous rassure, vous enchante de ses petites chansons, chaque fois « trois minutes de voyages, de rêve et d’utilité si on y arrive ». Des chansons qui, à elles seules, formaient le chant majeur d’Idir, somme de simplicité et d’émotion, d’inspirations traditionnelles et de respirations. Qui nous restituaient les joies et les peines, la vie quotidienne des femmes, les désirs frustrés, la calebasse saccadée qui rythme la tête et le cœur. Idir ne nous chantait que son pays, en tristesse belle mais en tristesse quand même. Des chansons douces comme quand on berce un enfant, qu’on le console et qu’on lui donne la force d’affronter l’avenir. Le public était son « métal précieux » qui par lui retrouvait l’ambiance de là-bas, le sel de la fête, le sucre de la douceur. Nul n’avait besoin d’être natif de Tizi-Ouzou pour vivre, le temps d’un concert, la fierté d’être kabyle, d’une culture minoritaire mais fière, qui s’emploie à se frotter à d’autres vents, à joindre à elle d’autres racines dans une rare évidence musicale : « Ça, c’est une flûte irlandaise. J’y fais de la musique kabyle dessus : c’est une forme d’intégration ».

Dire que sa vie artistique ne se résume qu’à une chanson serait faux, même si sa discographie n’est pas foisonnante. C’est tout de même une chanson, une seule, qui décida de sa vie. Le Kabyle Hamid Cheriet (c’est son nom) se vouait à une carrière dans la géologie, plus particulièrement dans l’industrie pétrolière. Bercé par les chants traditionnels de son enfance, il écrivait presque en douce, à la dérobée, des chansons, sans jamais avoir la prétention de les interpréter. Le destin est facétieux parfois, qui se joue de vous et appelle les trompettes de la renommée. Nous sommes en 1973. Une de ses chansons doit être interprétée sur Radio-Alger par une artiste en vue, qui ne viendra pas, malade. On lui demande de la remplacer au pied levé, lui le parfait inconnu. Presque à contre-emploi, il accepte. A Vava Inouva… Le standard explose, comme on disait à Cognac-Jay, et il se voit dans l’obligation d’enregistrer ce titre. Qui, d’ondes en ondes, sera diffusé partout, bien au-delà de l’Algérie. Qui, à son chant défendant, deviendra presque un hymne, un succès mondial (diffusé dans 77 pays et traduit en 15 langues ; une version française. sera interprétée par le duo David et Dominique). A quoi tient le destin vraiment… « Je suis arrivé au moment où il fallait, avec les chansons qu’il fallait ». Idir avait le physique d’un employé de bureau, pas d’une star internationale. Il n’y a que ce regard, et cette voix, qui en étaient comme l’élégant démenti.

Relativement peu de disques, parmi lesquels ce Identités de 1999, partagé avec entre autres Keren Matheson, qui reprend avec lui A Vava Inouva, Manu Chao, Zebda, Maxime Le Forestier et Brahim Izri, Gwana Diffusion, Geoffrey Oryema, Thierry Titi Robin, Gilles Servat et Dan Ar Braz (voir vidéo ci-dessous) : un casting beau comme un printemps, comme un air de liberté, de fraternité, à l’image d’Idir. Signalons aussi le très belle interprétation, par Idir, de la chanson La petite Kurde sur le disque collectif La tribu de Pierre Perret, en 2017.

En kabyle, Idir veut dire « il vivra ». Pour ceux qui l’on aimé, pour ceux qui vont le découvrir, c’est d’une rare évidence. C’est un bien bel humain qui vient de disparaître.

 

A Vava Inouva

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Awah Awah (avec Gilles Servat et Dan Ar Braz)

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2 Réponses à Idir, 1949-2020

  1. Philippe Emery 4 mai 2020 à 17 h 18 min

    J’ai assisté à un magnifique concert d’Idir à Toulouse dans les années 2000, je crois que c’était avant 2010… dans le cadre du festival Rio Loco en bord de Garonne dans un lieu magique sur ce qu’on appelle dans la Ville rose la Prairie des Filtres. Le festival était consacré cette année là aux musiques d’Afrique du Nord, d’Algerie et notamment kabyles… des familles étaient venues des quartiers populaires et avaient piqué niqué sur place. Le concert s’était déroulé pendant que la nuit tombait ( c’était en juin) et c’était très beau. Une communion totale entre toutes les populations. Idir avait traduit en français ses paroles kabyles pour que tous comprennent et moi aussi j’avais compris alors que jusqu’ici seule sa belle musique me touchait. C’était un message de paix et fraternité, et de nostalgie, et d’exil. Très beau…

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  2. ACHARD 7 mai 2020 à 14 h 40 min

    A voir cette rencontre, via écrans interposés, entre Idir et Johnny Clegg. Un documentaire de Jean-Jacques Birgé et Patrice Barrat. Trois jours en 54 mn. Un échange émouvant sur leurs musiques, leurs origines, leur lieux de vie…

    https://www.dailymotion.com/embed/video/x2jadlv

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