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Le nuancier de Marion Cousineau

Marion Cousineau (photos David Desreumaux)

Marion Cousineau (photos David Desreumaux)

Ce fut au terme d’une journée longue comme un jour sans pain, presque au mitan de la nuit, sous les étoiles, dans un Barjac surpeuplé, qu’on les vit chanter toutes les deux, Anne Sylvestre et Marion Cousineau : « Tiens, se dit le lac Saint-Sébastien / Je ne comprends pas ces humains… » Nous étions en 2019. De cette complicité coulant de source, est restée cette chanson qui clôt ce premier album de notre cousine Cousineau (je dis cousine, tant il est vrai qu’elle est québécoise, certes d’adoption). Belle et juste interprétation.

Remontons douze titres plus tôt, à cette autre femme, à la Dali, qui se penche à sa fenêtre*. Qui est-elle ? « Son dos est triste et beau, revêtu des « peut-être«  » Marion cherche à savoir, à défaut imaginer, le vécu, la peine et les amours, le destin de cette dame… Sur elle comme sur l’ensemble des personnages et situations rencontrés en cet album, Marion Cousineau cherche à allumer la lumière, même dans ce qui est difficile. Rien n’est ici en surface : il faut entrer. L’opus n’est fait que d’empathie, de sensible, d’émotions. De ce monde, pour partie immuable, dont nous pouvons seulement changer le rapport à elles. « Dis-moi capitaine / Dis-moi vieux compère / Qu’arrive-t-il aux peines / Qu’on emmène en mer ? »

Des destins, il y en a ici à chaque plage. Destinées de femmes, souvent. Destinées qui, invariablement, à l’aut’ bout, se résument à La Moitié du billet, aller sans retour. Et nous, le souffle retenu, d’écouter chacune de ces chansons nues que seul vêt le choix des mots, nuancier d’élémentaire pudeur : la vie, la mort, l’amour, le viol, son corps : « Y un trou, là, au milieu / Non c’pas un trou c’est un nœud / Non c’pas un nœud c’est un puits / Où retombe chaque nuit / Ce dont je fais ce que je peux ».

CD CousineauMarion et son inséparable guitare basse, son piano aussi, et ici et là d’autres sons, autres nuances, qui viennent en renfort, nourrissent la narration : violons et violoncelles, contrebasse et clarinettes, percussions, batterie. Pas une note de trop, pas un ton trop haut.

Nous sommes dans l’intime d’une femme, dans ses rapports aux autres, ses amitiés, ses amours. Dans cette « foi en l’homme » aussi, bien ébranlée celle-là (il nous faut écouter, nous hommes, ces mots, au besoin les lire et relire, nous n’en sortons pas indemnes)…Chaque nouvelle écoute vous proposera de possibles lectures, des états que le vocable restitue mal : Marion s’en approche, délicatement.

Marion Cousineau s’est un jour imposée à nous, d’un sourire, de quelques phrases échangées. On ne savait pas encore l’étonnante artiste qui s’amenait. Un premier EP, qu’on s’échange sous le manteau, un deuxième, et désormais cet album qui fera date : plus qu’un jalon, il est l’affirmation d’une déjà grande artiste, au répertoire à nul autre pareil. Ce premier opus est un raisonnable bijou. Il lui faut l’écrin de votre platine.

 

Marion Cousineau, Nuances, Productions de l’Onde/InOuïe Distribution 2022. Le site de Marion Cousineau, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a dit d’elle, c’est là.

 

* D’après le tableau « Jeune fille debout à la fenêtre » de Salvador Dali, 1925.

 

Extraits de « Nuances » en concert Image de prévisualisation YouTube

 

 

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