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À repriser, le répertoire français ?

 

Martin Pénet (photo Radio-FRance)

Martin Pénet (photo Radio-France)

12 novembre 2022, Arles,

 

Quel point commun entre La Foule d’Edith Piaf, Viens poupoule chanté par Maurice Chevalier ou encore Fais comme l’oiseau de Michel Fugain ? Toutes des classiques, certes, mais aussi, chose peut-être oubliée, toutes des adaptations – des reprises – de succès étrangers. 

Bien sûr, tout le monde sait qu’il y en a eu des reprises ; prenons les années 1950 qui en foisonnent ; prenons Joe Dassin, Johnny Hallyday ou Claude François ; prenons les plus fidèles à la lettre (Knock Knock ouvre-toi porte d’or d’Hugues Aufray avec Bernard Lavilliers, adaptation d’un titre de Bob Dylan) et les plus fantasques (Qui est-ce grand corbeau noir de Ringo, adaptation rythmhomophonique de Video killed the radio star)… Mais savait-on que l’adaptation de chansons étrangères en France – et ailleurs, bien sûr, la chose n’est pas à sens unique -  vient de loin, remontant au moins au XIXe siècle, et qu’elle s’est faite en masse ? Que la reprise imprègne notre répertoire, qu’elle en est une composante essentielle ?

C’est ce que nous raconte Martin Pénet, invité tout spécialement pour décliner une « petite histoire de la chanson traduite » aux Assises de la traduction littéraire (de la lettre à la note, il n’y a qu’une mesure). De décennie en décennie, l’historien et chroniqueur de la chanson sur France Musique nous retrace cent ans d’adaptations depuis 1890 jusqu’aux années 1980. Pourquoi pas plus tard ? Car ces années constituent un véritable tournant selon lui dans la tradition : avec l’arrivée de la radio et du disque, plus besoin de faire venir ces tubes d’ailleurs : l’accès aux originaux est immédiat. L’hégémonie grandissante de l’anglais, aussi, se fait sentir : plus de nécessité à l’Eurovision d’adapter sa chanson dans les autres langues en présence, puisque tout ou presque se chante désormais en anglais.

Exit donc l’adaptation de cabaret et de music-hall ; des chansons de comédies musicales (ce temps où les films étaient refaits ou faits simultanément dans toutes leurs différentes versions linguistiques) ; des tubes disco : l’histoire de la chanson traduite est intimement liée aux progrès de la technologie qui ouvre l’accès aux chansons dans leur langue originale.

L’exposé est étourdissant : en une heure trente, nous voilà voyageant dans le temps, catapultés entre tous continents (Amérique du Sud, du Nord, Europe bien sûr avec l’Italie et l’Allemagne notamment) – ou presque : on ne parlera pas, par exemple des adaptations de Brassens au pays du soleil Levant.

Non plus également ne sera évoquée une typologie de ces adaptations : qu’elles soient homophoniques (reprise des rythmes et des sons seulement), thématiques (reprise du thème, avec des paroles autres) ou des tradaptations (reprise de la musique et des paroles), la distinction n’est pas faite. À nous de la faire, nous dirait sûrement le présentateur. D’autant plus que cela est loin d’être du petit morceau, « tout [étant] affaire de degrés ».

L’exposé nous donne à manger mais aussi laisse à penser : l’adaptation serait-elle reléguée une bonne fois pour toutes aux oubliettes de notre répertoire ? Pas tout à fait : en témoignent la version française d’Asereje par les Gaffettes dans les années 2000 ou les adaptations très littérales des Franglaises (oui, la parodie est un excellent filon). Pensons enfin à l’art du sampling, tant affectionné du milieu du rap – qui consiste à insérer un échantillon d’une chanson existante dans sa propre chanson. Ainsi le célèbre History de Jay-Z qui sample Véronique Sanson…

Si l’adaptation a disparu des us et coutumes, les influences de langue à langue et de chanson à chanson sont, elles, loin d’être remisées au placard. « Longtemps, longtemps, longtemps / Longtemps après que les poètes ont disparu / Leurs chansons courent encore dans la rue » chanterait Charles Trenet.

 

Hugues Aufray « Knock Knock ouvre-toi » : Image de prévisualisation YouTube

Michel Fugain « Fais comme l’oiseau » : Image de prévisualisation YouTube

 

2 Réponses à À repriser, le répertoire français ?

  1. Catherine Laugier 18 novembre 2022 à 19 h 01 min

    Exemple d’adaptation homophonique sans aucun rapport avec le sujet d’origine, puisque nous venons de parler de Serge Lama : Superman est une adaptation (écrite par Lama !) de Apeman, des Kinks, sur un mode humoristique une chanson altermondialiste prémonitoire qui évoque la surpopulation, la faim dans le monde, les embouteillages, la guerre nucléaire, et les « crazy [fous] politicians » et prône le retour à la nature (apeman, c’est le singe qui est en nous, « l’enfant sauvage », Tarzan, cité dans la chanson)

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  2. agnès 21 novembre 2022 à 9 h 59 min

    En effet, pour le coup on rétrograde quelque peu dans la réflexion avec Serge Lama… Merci pour ce bel exemple d’adaptation homophonique :)

    Répondre

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