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Rémo Gary, des coups d’pied au cœur qui s’perdent

Rémo Gary ©Philippe Petit

Rémo Gary ©Philippe Petit

31 janvier 2015, Théâtre et chansons Aix-en-Provence

Encore une fois, ce petit théâtre d’Aix bruissait de l’attente impatiente d’un public serré sur ses bancs un peu durs pour applaudir Rémo Gary. Rémo est certes un habitué du lieu, mais on ne peut guère s’empêcher d’y retourner : il fait partie de ces humains non seulement doués pour tout mais qui de plus vous redonnent confiance en l’humanité. Nous en avons bien besoin.

Fidèle à son passé d’éducateur de rue, il est avant tout homme engagé, d’une révolte qui s’exprime dans la plus grande poésie, l’amitié, l’amour voire une sensualité pénétrante, et je mesure mes propos… Sorti de quatre jours d’atelier d’écriture où quelques bienheureux ont pu jeter les mots sur le papier, créant sons et rythmes à la recherche de l’humaine parole, il vient nous apporter un peu du verbe universel…

Debout au micro ou perché sur un haut tabouret lorsqu’il s’accompagne à la guitare, ce toujours jeune homme aux cheveux blancs n’a pas besoin de grands gestes, seulement nous éclairer des braises de ses yeux, ouvrir les mains, exécuter un pas chassé, tel un danseur, pour exprimer toute l’émotion qu’il nous déverse à foison. Et la voix touche, caresse, résonne sans effet excessif, nous chantant le cœur à l’ouvrage des canuts et des canuses, l’horreur de la guerre (« On voit gicler de la groseille / Du raisin, du jus de soldat / A chaque morsure d’abeille / A chaque pruneau / Chaque éclat »)le sort des sans domicile fixe (« Jhabite un costume trois-pièces / Au raz de chaussée / Je tends la main pour la pièce »), lamour qui flambe et qui déflambe (Ouvre, cet extraordinaire texte d’Edmond Haraucourt qui débute le concert, qui se terminera par l’autre injonction, Ferme, que Gary a écrite en parallèle, chanson d’espoir : « Ferme tout ce qu’on peut fermer / Dans les chauds trésors de ton ventre / J’y reviendrai, pour m’abîmer / Ferme ton antre. »), la révolte fleur au fusil (merveilleuse Espoir Benjamin où défilent toutes les fleurs des luttes pour la Liberté, des œillets lusitains aux jasmins des médinas, de la timide pervenche aux bleuets de la butte, de la mariposa cubaine à la tulipe kirghise, l’églantine, le muguet, les roses pourpres du Caire et même les cerises de Clément : « Ça fait des fleurs plein les mains / C’est de l’espoir Benjamin qui débute »)…

Il y a cet hommage à son ami Allain Leprest, où ceux qui ne pleurent pas doivent avoir le cœur bien sec : « J’ai pissé tout mon lundi / Du chagrin crocodilesque / Je fais du Allain Lepresque. » Trop d’émotion ? : « Mouchons-nous dans des grands draps /Nous qu’on n’est pas déjà morts. »

Pas besoin de violon, de batterie, de grand orchestre. Clélia Bressat-Blum l’accompagne au piano, elle qui a composé certaines musiques en bonne compagnie (Romain Didier, Frédéric Bobin notamment…) sait aussi faire la choriste, pinçant les cordes de son instrument ou donnant un effet de percussion à la pédale, quand ce n’est pas Rémo qui nous envoie des coups au cœur en frappant sa guitare du plat de la main…

Même s’il reprend ses amis les poètes, Richepin et ses Oiseaux de passage (mis en musique par Brassens), Le passé du grand Jacques Bertin, L’affiche rouge d’Aragon mis en musique par Léo Ferré, Lomer de Richard Desjardins, c’est comme s’il les avait toutes écrites lui-même tant elles lui sont proches… Et puis encore un conseil, car faut bien Faire quelque chose avec la tristesse : « Peut-être que chanter ça sert de pansement », recevoir les Idées reçuesdes belles apprenties sourcières que sont Olympe, Louise et Rosa, essayer d’être Ce que ceux-là voulaient de nous, tous nos héros laïques, hommes et femmes de révolte, poètes et peintres, tous ces passeurs de vie célèbres, et puis « Plein d’inconnus, plein d’inconnuses… »

Car seul, on ne peut rien, alors Quand j’serai deux j’irai et, si on a la chance d’être dans un pays prospère et civilisé : « Faut s’obstiner à être heureux / Plus nombreux / Y’a des coups d’pied au cœur qui s’perdent. »

 

 

Un enregistrement audio de ce spectacle, merci J-Ailes Cadoré, Le Passé de Jacques Bertin : Image de prévisualisation YouTube

Le Maréchal des Sans Logis, musique Romain Didier, de l’album Même pas foutus d’être heureux, 2007 Image de prévisualisation YouTube

Et puis le poème d’Haraucourt, Ouvre, 1885 : Image de prévisualisation YouTube

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