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Léo Ferré, archipel et intégrale

Détail de la couverture du livre "Léo Ferré, l'archipel" (photo Pascal Lebrun / Collection privée Jean-Paul Liégeois)

Détail de la couverture du livre « Léo Ferré, un archipel » (photo Pascal Lebrun / collection privée Jean-Paul Liégeois)

Des « intégrales Ferré », c’est peu dire qu’il y en a eu. Toutes parcellaires, chaque label défendant son pré carré, son Ferré du temps où il était sous contrat chez lui.

Matthieu Ferré a entreprit une tâche pour le moins titanesque : réunir tout Ferré. Cette fois-ci pas par un coffret hors de prix (d’autant que nombre d’amateurs ont déjà au moins une ou plusieurs des précédentes intégrales), mais par plusieurs coffrets, avec une somme assez invraisemblable de documents inédits. Fasse que l’édition se poursuivra jusqu’à son terme… Des coffrets à prix raisonnable, mais sans les textes des chansons.

Ce second volume de l’intégrale Ferré était des plus attendu. Il couvre une partie de la période Barclay, de 1960 à 1967 (le solde de ces années, de 1969 à 1974, devrait faire l’objet du troisième volume).

Si le premier (La vie moderne, 1944-1959) fourmillait de documents sinon inédits, au moins rares (souvent déjà publiés sur label La mémoire et la mer, en de luxueuses éditions), ce coffret-ci n’en retient que de quoi nourrir un album, et quelques titres complémentaires ici et là. Mais, excusez du peu, il dénombre cinq autres CD de concerts, en entier ou en partie, discographiquement inédits : en 1961 au Théâtre du Vieux Colombier et au Théâtre de l’Alhambra, en 1962 et 1964 à Antibes, à l’Ancienne Belgique et au Théâtre du Vieux Colombier, en 1965 au Théâtre de l’Alhambra ainsi qu’à Bobino, en 1966 par deux fois à la Maison de la radio, en 1967 à Bobino. C’est dire si les amateurs, les inconditionnels de l’anar monégasque se délecteront. Pas forcément en titres nouveaux (encore que, comme ce Paris-Taxis de 1961) mais en des versions parfois différentes, dans la nuance surtout, celle de l’interprétation, celle de l’orchestration. Ici se trouve, quel trésor, le moment précis de l’arrivée scénique de Paul Castanier, dit Popol : c’était en 1964, un 7 avril, au Vieux Colombier, à Paris.

Copie de cwp9i-Qui pouvait le faire mieux que lui : cette intégrale est réalisée par le fils Ferré, infatigable chercheur de l’œuvre de son paternel. Disque après disque, Matthieu commente et, le cas échéant, nous dit sincèrement l’état de ses recherches, ses trouvailles comme ses échecs, ces bandes et enregistrements pour l’heure perdus ou encore égarés.

On peut ne pas être amateur es-Ferré et se prendre autant au jeu que le plus féru des fans de l’artiste. Découvrir, dans l’édition la plus complète à ce jour (a priori l’ultime), l’étonnant et prodigieux artiste que fut Ferré. Le découvrir, l’apprécier, méthodiquement. Chaque pas, chaque avancée, chaque hésitation. Dans ses titres les plus célèbres (Paname, Merde à Vauban, Quand c’est fini ça recommence, La maffia, Jolie môme…), ses adaptations d’Aragon, de Verlaine et de Rimbaud, ses chansons un temps interdites, ses grands crus, ses millésimes flamboyants… Ce coffret est magnifique : Ferré n’est pas qu’un simple chanteur « de variétés », il est contemporain de son époque, l’écouter c’est revivre un pan d’Histoire, ici le début de la Ve République, les années De Gaulle . Ferré est monumental.

MICHEL KEMPER

Léo Ferré, L’âge d’or 1960-1967, intégrale vol. 2, Barclay/INA/Universal 2020. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Léo Ferré, c’est ici.

 

La bibléothèque de Jacques Layani

livre tous les registres de Ferré

 

leo ferre un archipel

Jacques Layani offre ces jours une nouvelle somme propre à donner l’envie d’explorer, ou de redécouvrir, un répertoire, un archipel. Celui de Léo Ferré. Comme on aborde au fil des jours une infinité d’îles en passe d’être peu à peu mises à jour. « Avec le temps, Léo »…

Jacques Layani a déjà signé trois ouvrages sur Ferré. Ce quatrième opus se veut une invitation au voyage, au décryptage, dans une œuvre foisonnante. C’est le fruit d’un travail de fourmi qui aboutit sur les rayons de cette bibléothèque constituée patiemment au fil des ans. Le travail de compilation s’associe au final avec le récit d’un compagnonnage avec un artiste. Savant et fan tout à la fois.

Tout commence un jour d’octobre 1969 (de 10 à 12 heures précisément) au lycée Victor-Hugo à Marseille. L’élève Jacques Layani amène en classe de première littéraire le double album de Léo Ferré, « Récital 1969 à Bobino », paru un mois plus tôt. Il fait écouter à ses camarades sur un électrophone gris et vert du lycée quelques titres dont Les poètes et C’est extra. Il donne aussi quelques explications, bientôt relayé par le professeur, lui aussi amateur de l’artiste. Une passion était née. Celle d’en savoir toujours plus et le faire savoir.

Paradoxe : des années plus tard Jacques Layani précise qu’il n’aura rencontré en face à face en tout que moins de deux heures l’artiste tant admiré. Alors que la bibléothèque n’a cessé de grandir en cinquante ans de travaux consacrés à Léo Ferré. Pourquoi se demande l’auteur ? « Par fidélité ». Tout simplement.

Léo Ferré s’est voulu avant tout musicien. Et voilà que les pages de cette exploration de l’archipel Ferré s’intéressent longuement à la langue forgée, celle de tous les registres, par celui qui a mis nombre de poètes en musiques. Cette langue relève à la fois « du surréalisme, de l’argot commun, du néologisme fréquent, de l’argot personnel, de l’image permanente, du mot détourné, de la périphrase-maison, de la musique constante, de la sensualité, des « correspondances » baudelairiennes et, surtout, d’une perpétuelle invention ». Nous voilà prévenus, l’essai s’intéresse à un artiste libre. « L’œuvre de Ferré est une gigantesque préface à un règne nouveau, celui de l’homme libre, non asservi » assure l’auteur pour déjouer les objections de ceux qui estimerait Ferré bien oublié.

Toute une histoire défile en ces pages dont il faudrait citer bien des extraits. Jacques Layani à l’occasion prend parti. Comme lorsqu’il écrit que Ferré n’est pas à découper en rondelles, en tranches. Pas de période Chant du Monde ou Barclay. La mise en musique des poètes ne peut être dissociée de l’ensemble de l’œuvre de Ferré. De même que celui que l’on peut voit comme un Ovni artistique, sans descendance artistique, n’a jamais écrit que des chansons d’amour. Y compris les plus véhémentes, ou perçues comme telles. De cette sorte de polyèdre, forme géométrique à plusieurs dimensions, on retiendra encore le chapitre qui s’attache à la façon dont Ferré est présenté dans les dictionnaires et encyclopédies. Ou encore le développement sur le vocabulaire religieux de l’artiste. Ainsi que les études spécialisées et universitaires consacrées à Ferré. Sans oublier les nombreux portraits et épisodes qui parcourent l’essai. D’André Breton à Gainsbourg. Archipel dit-il ! Pour tous ceux qui ont le pied marin et l’esprit de découverte.

ROBERT MIGLIORINI

Jacques Layani, Léo Ferré, un archipel, collection Le Miroir aux chansons, éditions Le Bord de l’eau, 396 p., 22 €. Le site des éditions Le Bord de l’eau, c’est ici.

 

« Quand c’est fini ça recommence » : Image de prévisualisation YouTube

« Mon Général » : Image de prévisualisation YouTube

2 Réponses à Léo Ferré, archipel et intégrale

  1. François Charpentier 10 octobre 2020 à 12 h 43 min

    Surtout, le coffret présent rend justice aux précédentes éditions qui occultaient certaines chansons. Ainsi, on retrouvera l’interdite « A une chanteuse morte », à sa place, tel que l’album « Ferré 66″ avait été conçu… Et jamais réédité à ma connaissance. Ceci dit, c’est un plaisir de parcourir son oeuvre et d’écouter cette métrique poétique impeccable et si belle…

    Répondre
  2. FRANCOIS COUDERCBDLE 10 octobre 2020 à 12 h 57 min

    rendons justice a la précédente intrégrale barclay(elle est devenue obsolète,avec son format ridicule) cette chanson y figurait en bonne place

    Répondre

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