Michel Jonasz, plongée dans le grand blues
« Un livre signé Frédéric Quinonero, c’est le bon numéro ! ». Tel pourrait être le slogan qu’un publicitaire, peut-être pas très doué mais à coup sûr clairvoyant, pondrait à l’issue d’une séance intense de brainstorming consacrée aux mérites du biographe number one de la chanson française. Et il n’aurait pas tort, tant ses livres sont une source de plaisir et de découverte à la fois, se parcourent sans effort comme les meilleurs page-turners, s’appuient sur une solide documentation et, surtout, transpirent l’amour et le respect de l’écrivain envers l’artiste évoqué. La preuve nous en est donnée une fois encore avec son nouvel ouvrage.
Délaissant les stars qu’il nous a habitués à côtoyer (Johnny, Sardou, Vartan, Bruel…), Frédéric Quinonero a cette fois consacré son talent à une figure certes incontournable de la scène française, mais n’ayant jamais atteint les sommets inaccessibles de la popularité. Michel Jonasz – puisque c’est de lui qu’il s’agit – n’est évidemment pas un illustre inconnu et il a joui dans les années 80 d’une célébrité plus qu’enviable. Si la vérité oblige à reconnaître que son étoile a un peu perdu de son éclat, son époustouflante carrière mérite amplement que l’on se penche sur son cas et dresse le bilan provisoire d’une vie artistique loin d’être terminée.
Avec Michel Jonasz, Mister Blues, les aficionados comme les simples curieux seront comblés. En refermant le livre, ils sauront tout (ou presque) du fabuleux Mister Swing. Y sont en effet disséqués non seulement son parcours de chanteur, mais également sa carrière non négligeable d’acteur de cinéma/télévision et de comédien au théâtre. Aucun aspect des multiples talents de Michel Jonasz n’a échappé à la sagacité de l’auteur, qui a comme toujours rassemblé une colossale documentation et rencontré quelques personnages-clés pour mener sa tâche à bien. Saluons l’impressionnant travail accompli.
L’opus aborde la carrière de Michel Jonasz par la voie chronologique, de ses origines hongroises (une bonne partie de sa famille finira déportée à Auschwitz) et son enfance à Drancy, où il naît en 1947, à ses débuts artistiques au théâtre, après une scolarité mouvementée ; de ses premières expériences musicales au Golf Drouot jusqu’à ses débuts de professionnel avec les groupes Vigon et les Lemons, puis King Set ; de ses premiers succès Dites-moi et Super nana à tous ceux qui ont suivi ; de ses nombreuses collaborations (sait-on encore qu’il a beaucoup écrit pour Françoise Hardy ?) à ses participations aux œuvres collectives…
En tout, plus de 60 ans sur les planches évoqués en 250 pages, s’attardant sur chaque étape discographique, résumant chaque expérience cinématographique, soulignant l’importance de la scène, le domaine où le talent de Michel Jonasz peut donner sa pleine mesure. La vie privée de l’artiste – d’une discrétion exemplaire à ce sujet – ne sera qu’épisodiquement évoquée, uniquement lorsqu’elle s’avère nécessaire pour expliquer un volet de son œuvre. Frédéric Quinonero n’est pas du genre à fouiller les poubelles, ni à chercher la polémique, même s’il n’hésite pas à constater que l’homme n’est pas toujours sans défaut (la reconnaissance envers ceux qui l’ont aidé à ses débuts ne semble pas être sa qualité première…).
Evidemment, la lecture du livre éveillera de multiples souvenirs pour le fan du chanteur, en lui permettant de replonger dans ses disques favoris ou de revivre l’un ou l’autre concert (comme son inoubliable Palais des Sports de 1985, alors qu’il était au faîte de la gloire). Mais chacun y trouvera matière à émotion, tant l’artiste accompagne nos vies depuis si longtemps, au gré de ses chansons gorgées de rythmes et/ou de larmes bienfaisantes.
La biographie le souligne à juste titre : Michel Jonasz est un artiste complet (auteur-compositeur-interprète) qui a gagné sa place en haut du podium de la chanson française. Il s’est forgé son propre style musical, mêlant le groove du blues et du rock and roll au chant plaintif de la musique tzigane, prenant le meilleur de la modernité sans renier ses racines. C’est aussi une voix unique dans la chanson française, un phrasé immédiatement reconnaissable, une manière nouvelle de faire sonner la langue française. C’est enfin un homme de scène hors pair, qui sait s’entourer des meilleurs et mène ses spectacles avec un humour ravageur qu’on ne soupçonne pas forcément à l’écoute de ses chansons.
Michel Jonasz, Mister Blues est un livre incontournable pour les fans du chanteur. Qui n’en connaît que les grands succès y trouvera matière à découverte et en ressortira avec l’envie de jeter une oreille neuve sur l’importante discographie du chanteur ou d’acquérir un billet pour l’applaudir sur scène. C’est tout le mérite de Frédéric Quinonero de raviver ainsi la flamme envers un artiste essentiel.
Frédéric Quinonero, Michel Jonasz, Mister Blues, l’Archipel, 2025.
La page facebook de Frédéric Quinonero, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Frédéric Quinonéro, c’est là
Le site de Michel Jonasz, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
« Dites-moi » (avec Véronique Sanson), 1979, INA 
Françoise Hardy « Musique saoule » (Michel Jonasz – Gabriel Yared) 1978 
« Groove, baby groove » 1992 

Commentaires récents