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Brigitte Bardot, 1934-2025

BARDOT 1963 Brigitte BARDOT 2De qui donc célébrons-nous la disparition ? D’une modèle à la plastique un temps irréprochable, d’une actrice parfois sulfureuse, à la filmographie (Et Dieu créa la femme, Le Mépris…) depuis longtemps mythique et dont le corps autant que la fausse ingénuité a fait fantasmer des générations de spectateurs, de la bétonneuse de la Madrague à Saint-Tropez, de la défenseuse obstinée des droits des animaux (on se souvient entre autres de son combat très médiatisé contre le massacre des bébés phoques) mais castratrice d’âne ? Ou de celle à sa manière porte-flamme des pires idées nauséabondes de l’extrême-droite : cette multi-condamnée pour « incitation à la haine raciale » : cette grande amie des Le Pen, père et fille, qui ne verra définitivement pas l’accession de Marine au poste suprême.

C’est ici la chanteuse Brigitte Bardot qui nous intéresse, ce qu’elle fut une grosse décennie, de 1962 à 1973, pour un répertoire en grande partie périssable, duquel surnagent sans mal quelques titres entre tous mémorables : La Madrague (Jean-Max Rivière/Gérard Bourgeois) en 1963 (les fameux « coquillages et crustacés »), Viva Maria (Louis Malle-Jean-Claude Carrière/Georges Delerue, 1965, de la b.o. du film éponyme de Louis Malle), Harley-Davidson (1967), Bonnie and Clyde ou Comic strip, ces trois derniers titres écrits et composés par le faiseur de tubes que fut l’inspiré Serge Gainsbourg, un temps son amant. Brigitte Bardot demande alors à son pygmalion de lui écrire « la plus belle chanson d’amour qu’il puisse imaginer ». Sur la musique qu’il a composée l’année précédente pour la scène de bal du film Les Cœurs verts (réalisé par Édouard Luntz), il pose en une nuit les paroles que l’on sait. Le duo est enregistré (l’orchestre à Londres et les paroles au Studio Barclay à Paris) : sitôt mise en boîte, dès le lendemain midi, la chanson est diffusée sur Europe1. Scandale immédiat : le mari de Brigitte Bardot, Gunter Sachs, menace de poursuites en justice. Scène de ménage au sein du couple officiel, rupture sentimentale d’avec Gainsbourg et cette chanson qui ne sortira pas en disque, pas avant que, vingt-trois ans après, Bardot ne donne son accord pour la sortie de cette version en single, au profit d’associations engagées dans la défense des animaux.

Gainsbourg avait réenregistré ce titre, cette fois-ci avec Jane Birkin en février 1969, année érotique comme on sait. Ce fut un scandale, le meilleure agence de pub pour cette chanson étant son conteste La Vatican qui, par L’Osservatore Romano, la qualifiera d’obscène. Interdite de radiodiffusion en Angleterre, Suède, Espagne, cette pudibonderie fit la fortune de cette chanson. Mais pas nécessairement la version première avec Bardot quand, longtemps après, elle devint publique.

Mais, déjà pour ses 90 ans, il y a un peu plus d’un an, nous vous donnions un florilège de ses chansons, qui, mine de rien, sont restées dans notre p(m)atrimoine musical. La fantaisie et l’humour qu’elle a su montrer dans certains films, au delà de la sensualité et du côté sulfureux qu’elle dégageait naturellement, s’y développent en toute liberté. Et la voix chantée remplace avantageusement cette voix parlée qui sonne faux à beaucoup d’oreilles.
Brigitte Bardot n’a pas accompli son rêve, devenir danseuse, s’est lassée du cinéma et de l’image qu’on lui prêtait, s’est lassée des hommes pour préférer les animaux, seuls à ne pas mentir à ses yeux. Elle aurait pu faire une carrière de chanteuse, si elle n’avait pas refusé la scène et ce qu’elle implique de soumission à un système ou à des fans ; en enregistrant ses chansons, elle s’est fait plaisir, et au delà, nous a fait plaisir.
Il y en a suffisamment pour la rappeler à notre souvenir régulièrement, oublier ses haines, ne plus voir que la silhouette libérée d’une femme qui n’obéissait qu’à ses désirs.

- Michel Kemper, avec Catherine Laugier

 

« La belle et le blues », 1963 Image de prévisualisation YouTube
« C’est rigolo », 1963 Image de prévisualisation YouTube
« Le soleil de ma vie », d’après Stevie Wonder, 1972, avec Sacha Distel, INA 1974 Image de prévisualisation YouTube

« Je t’aime moi non plus », 1967, avec S. Gainsbourg, réédition 2024 Image de prévisualisation YouTube

 

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