La Cogneuse frappe fort !

La Cogneuse (photos Ellovideo)
17 mai 2025, salle Roger-Planchon à Saint-Chamond (42),
En formule normale ils sont trois. En grand format, le trio se double. Là, c’est en formule exceptionnelle, avec l’apport des sections chœurs et cuivre la chorale et de la section cuivres du conservatoire de Saint-Chamond : ils furent tant et tant sur scène qu’on ne compte plus…
La scène est vaste, jonchée de parapluies ouverts, peuplée d’instruments de toutes sortes, toutes tailles. Carlo Bondi est non le Monsieur Loyal, encore que, mais a tout de Magritte : le pépin et la pomme. Et ces mots, ces phrases, ces aphorismes un tantinet surréalistes écrits sur de petits papiers vite lus et aussitôt jetés : la scène en est vite parsemée.
La Cogneuse, donc. Pour asséner leur art (qu’on devine être au croisement de genres musicaux fort divers – pour faire vite disons du folk aux sons électroniques), deux des trois chantent plus particulièrement : Aurélie Sivaciyan, au clavier, et Grégoire Béranger, aux guitare et accordéon. Lui a débuté jadis dans La Rouille, un groupe alors très jeune, avec un charme fou… Le troisième, Jean Adam, se partage principalement guitare, batterie et musique assistée sur ordinateur (un ordi griffé d’une pomme, toujours Magritte…) et chante aussi.
Le timbre d’Aurélie fait songer à celui d’Amélie-les-crayons, celui de Grégoire à Frédo, des Ogres de Barback, deux références où d’ailleurs ni la magie ni le mystère ne sont absents. Magie, mystère, c’est l’impression tenace que nous ressentons, nous spectateurs. Tous trois nous emmènent, nous baladent en de singulières ballades, en un énigmatique voyage, en leur dedans, en notre dehors. De la poésie, très « littéraire » (ne sommes-nous pas, là, dans le cadre de « Ville en poésie » et du trentième anniversaire de la Médiathèque du lieu ?), de l’onirisme… Dans leurs chansons, souvent il pleut, les parapluies ne sont pas là pour rien. Mais aussi « il pleut des loups et des lions / entre les cordes et les pendus », il pleut des cités d’or… Remarquez qu’on y voit passer des condors, qu’on y boit de la bière noire, que la mer monte et que « le marin revient de guerre, tout doux »… Singulier voyage qu’ils font là à sinuer entre tendresse, bizzareries et parfois cruauté. Si ce voyage est un rêve, il frôle parfois le cauchemar. Les paroles sont denses, nous tentons de nous frayer un chemin entre les mots et les notes, les gestes et les intentions… C’est beau, c’est magnifique mais il faudrait voir ce concert plusieurs fois pour en tirer le fil, pénétrer les presque inextricable. Je plains déjà le critique qui en tirera un papier, comme il peut…
Il y a en eux un peu des Weepers Circus d’il y a un quart de siècle, par ce côté baroque et festif, insolent et léger. Sur leur bio, nos trois stéphanois La Cogneuse se qualifient d’alchimistes et c’est sans doute vrai, mais on ne sait en quels alambics, de quelles formes, quelles couleurs, avec quelle posologie ils nous tirent leur art si gracieux, si raffiné. Qui plus est envoûtant.
Ces dernières années ont vu de nombreuses nouvelles formes de spectacles chanson se développer, qui tendent à prouver ses formidables ressources. Celui-ci en fait partie : c’est une pépite, un joyau. Ce serait dommage que ce spectacle soit ignoré des organisateurs, et donc du public.
La page La Cogneuse sur le site de la Cie Halte, c’est ici. Prochain concert de La Cogneuse le 27 juin à La Bâtie d’Urfé (Loire).
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