Mouhet 2025. Juliette, épaulé jeté !

Juliette Noureddine : « Boire un canon, c’est soutenir un vigneron » (photos Béatrice Bodin)
7 juin 2025, Festiv’en Marche, Mouhet,
Jamais sans doute la grange Fernand-Maillaud de Mouhet n’avait connu telle star. Et chacun, spectateurs comme techniciens, cuisinières comme chauffeurs, de mesurer la portée de l’événement. Elle était là, discrète et attentive, depuis la veille, pour la prestation de son ami Guidoni. La voici à son tour en scène, dans une formule qu’elle étrenne ici. Ses musiciens, Christophe Devillers (contrebasse, trombone) et Franck Steckar (cuivres, accordéon, percussions) connaissent le lieu : ils étaient ici, l’an passé, les deux tiers du fameux trio Nougaro.
La grange est pleine comme bien treize douzaines d’œufs, comment pouvait-il en être autrement ?
Voici Juliette, la divine, devisant, plaisantant, maugréant parfois, chantant surtout. Et, dès l’entame, dès le premier vers, la première note, nous enchantant. Elle et ses trous d’airs, de mémoire (est-ce coquetterie, facétie, ficelle du métier ?), qu’elle rattrape avec la souplesse et la grâce d’une libellule. Pour bien caler son propos, elle s’est d’emblée lancée, après les ovations de rigueur, dans J’aime pas la chanson : « J’aime pas la chanson / On peut pas s’y fier / C’est par effraction / Qu’elle préfère rentrer / La v’la qui s’radine… » On lui pardonnera cet éhonté mensonge : elle doit sans doute se faire la voix.
A sa manière, le sait-on, Juliette est chanteuse engagée : mieux, quand ses collègues n’ont que le ministère de la parole, elle, au moins, joint le geste à la parole. La cause qui la fait tant causer ? Les viticulteurs et le seul geste qui (les) sauve : un épaulé-jeté, réitéré, devant nous ou en coulisses, « cure vitaminique » forcément patriote. Boire un canon c’est sauver un vigneron. A la vôtre !
Elle affronte les Escaliers, tire de son passé un cruel et farouche Seigneur des mouches, lit Dans le marc de café, s’informe de la Météo marine, célèbre Les Bijoux de famille qui mettent « des lueurs dans les pupilles » et qu’on « astique pour qu’ils brillent ». Fait feu de tout bois. Et se chante, s’autobiographie. Que ce soit sur sa tendance à la Procrastination ou sur son état de miro (mirobolante sans doute) : « J’entends d’ici les rigolos / Prédestinant ma libido / Qu’en une rime assez bêbête / On prête aux femmes à lunettes / Les miennes je n’les ai ôtées / Que pour dormir et pour aimer / C’est ainsi que j’ai vu le loup / Dans le brouillard de l’amour flou ».
Tout par elle est volupté, délice, ses vers comme sa musique. Sur son talent au piano, elle se la joue modeste : « J’appuie un peu n’importe où, et parfois c’est joli ». Et, de monologues en fausses confidences, peut dire n’importe quoi et ne s’en prive pas : de toute façon c’est elle la patronne… Un autre canon pour la route, les joues de la chanteuse se colorent d’autant plus. Qu’importe, nous sommes dans l’ivresse d’un récital haut de gamme, qu’on tiendra pour unique, comme la quintessence de cet art, l’acmé d’une chanson qu’elle ne peut pas dire ne pas aimer.
Le site de Juliette, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.
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