Mouhet 2025. Ludivine Faivre, se laisser emporter

Ludivine Faivre (photo Didier Kovacs)
9 juin 2025, Festiv’en Marche, Mouhet (Indre),
Il y a encore peu flanquée du pseudonyme La Lue*, cette jurassienne, qui a recouvré son vrai nom, fut l’une des finalistes, l’an passé, du tremplin de Festiv’en Marche. Et fait donc partie de la riche histoire de Mouhet.
C’est la dernière journée du festival et les jeux sont faits, les spectateurs repus : si on sait encore les surprendre, tout ce que vient en plus ne sera que du plaisir. Voici donc Ludivine en première partie de l’excentrique et insoumise Hélène Piris : les univers respectifs sont aux antipodes l’un de l’autre. Car Ludivine est d’un art presque suranné : une chanson délicatement ouvragée qui se soucie du verbe (chose quelque peu en déclin mais pas ici, pas là), chanson d’avant l’avariée variété, un peu stylée cabaret, quand bien même le propos s’ébat gaiement (ou pas) en des préoccupations plus actuelles, domestiques, sociétales ou amoureuses. Avec de bien jolis accès de poésie, comme le portrait de ce garagiste de tradition familiale qui, pour connaître Le Nom des oiseaux, pour en faire sa vie, pourrait s’envoler près d’eux, s’enfuir près du ciel bleu, loin du cambouis.
Ludivine nous fait des tranches de vies, pleines d’humanité. Beaucoup d’empathie, la chanteuse a le don de nous exposer des situations dans lesquelles vous vous engouffrez, happés que vous êtes par cette voix presque commune mais chaleureuse : « Vas-y balance ta symphonie / ça y est j’ai trouvé le courage / De me montrer telle que je suis / Et c’est tout à mon avantage ». Telle qu’elle est et tels que sont les autres, sans fard. Comme cette maîtresse d’école, celle d’Evie, qui renonce à sa vocation à cause de ce « système qui calcule tout et qui t’oublie », sur ce Paul qui épaule, presque comme un super-héros qui porte toute sa famille sur son dos. Des souvenirs d’enfance, les ménages de la maman, les gros mots qu’elles apprend qui, dit-elle, feront sa renommée… Des moments d’intimité, de doute aussi… Ludivine peint un peu de l’humanité, avec parfois de bien jolies couleurs sur sa palette. Et si elle parle souvent des autres, elle parle d’elle parfois, osant le « je » : « J’écris pour être lue / Pour être Ludivine / Je persiste et signe »…
La formule présentée est un peu statique avec, sur cette scène-là, un seul musicien, Rémi Doubi, à la guitare. Loin d’être déméritant (il est même excellent) mais ça donne furieusement envie de revoir la dame, avec son équipe au complet (avec accordéon et beatbox) dans ce récital au doux titre d’Emporte-moi. Car, vraiment, Ludivine donne envie de se laisser emporter.
* C’est sous le nom de La Lue que Ludivine Faivre a sorti quatre albums, de 2009 à 2022 ; le dernier, Embrasser le chahut, est paru aux éditions Odeva.
Qu’est-ce que c’est bon de se laisser porter par cet « art presque suranné » !
Le nom des oiseaux est proche de l’univers de Clio.
Délicieux !