Off Avignon 2025, Orenda Trio, How deep is your Louve
Louve par Orenda Trio Photos ©Alexandre Sanz
12 Juillet 2025, Avignon, Théâtre de la Carreterie
par Franck Halimi
« J’entends au loin battre un autre pays, des cœurs vaillants, qui toujours entrent dans la danse, ouverts au monde qui n’a plus de sens. » C’est par ces mots que se termine « Henoukou », la chanson qui lance le spectacle « Louve ».
Et cette entrée en matière sonne juste, car on saisit illico l’ouverture sur le monde et la portée universelle souhaitées par Orenda Trio. Stefka Miteva, Julia Orcet et Sandrine Conry sont trois femmes d’aujourd’hui qui ne se bercent pas d’illusions sur le monde, ni sur les loups qui gouvernent à sa destinée. Pour autant, elles ont manifestement décidé de ne pas lâcher l’affaire et, pour ne pas tomber dans les chausse-trapes tendues par la société, s’appuient sur des contes et légendes comme mode narratif, pour les chanter avec chœur, fluidité et enthousiasme (« Âme, ma sœur âme / Âme ma sœur d’armes / Amène-moi loin des drames / L’âme est ta seule arme / Amuse-toi d’être femme »).
Inspiré du livre « Femmes qui courent avec les loups » de Clarissa Pinkola Estés, ce spectacle hot en cool heure célèbre les facultés d’adaptation de la femme. Ici, celle-ci fait montre de réflexion et d’imagination, et puise jusqu’aux tréfonds d’elle-même pour — l’air de rien, ou bien en le revendiquant haut et fort — alchimiser le patriarcat ambiant et le dynamiter de l’intérieur. Mais là, le propos n’est en rien une opposition frontale entre masculinisme réac’ et féminisme actif, car la proposition est beaucoup plus subtile et ambitieuse que ça ! Car il nous peint les différents états de la femme, de l’enfance fragile et des risques qu’elle encourt (Si tu n’ vas pas dans les bois) à la maturité combattante et des victoires qu’elle remporte (Mami Lo), en passant par la femme du quotidien (Doum Song), celle qui renonce à être mère (Maternité désenchantée) et celle qui se débat ou s’épanouit dans son couple (Caje sukarije). Ainsi que son rapport à son pendant masculin. Et ce, par la grâce de ballades intimes, d’épopées enflammées, de mélopées sensuelles et de chansons irrésistiblement drôles.
Parce que si le propos du spectacle tel qu’il vient d’être évoqué repose sur un message fondamental, il vaut également, bien entendu, par la forme choisie par ce trio ô combien talentueux et envoûtant. Savamment arrangées et merveilleusement interprétées, ces polyphonies offrent au public captivé et enthousiaste un harmonieux mélange de chants traditionnels, de poèmes mis en musique et de créations pures, en bulgare, espagnol, tzigane ou bambara, avec une majorité de textes en français. Le tout (alternativement a capella ou accompagné au piano, à la guitare, au mélodica, par des percussions et par des boucles savamment distillées) offre un résultat d’autant plus fluide et agréable qu’il repose sur la mise en scène subtile et efficace de Barbara Boichot.
Faisant fi des étiquettes et des genres musicaux (qui deviennent trop souvent des carcans dans lesquels peuvent s’enfermer nombre de leurs collègues), les trois artistes multi-talents dénouent les bouches et nous touchent sans esbroufe. Et ce, également par la grâce d’un alliage entremêlant, audacieusement parfois, esthétiques trad’, pop, comptine, jazz, chanson, ou disco ! Et sans, à mon tour, vouloir les enfermer dans des références par trop restrictives, elles m’ont, par fulgurances, rappelé d’autres groupes vocaux féminins m’ayant fait tomber en amour pour la polyphonie des chants du voyage : j’ai nommé Balkanes, Évasion, Le Quartet Buccal et Zap Mama.
Mais, la singularité d’Orenda Trio se loge également dans les images qu’elles savent créer sur le plateau, en articulant élégamment corps, rythmes et voix. Leurs mouvements chorégraphiques simples mais appropriés, fluides et parfaitement accordés à ce qu’elles sont en train de chanter, plonge le spectateur ravi dans un rafraichissant bain de louvance. Car, loin de la meute, Stefka, Julia, Sandrine et Barbara ont su conserver l’intuition, la force, le courage et l’intelligence animale. Tout en les harmonisant avec l’âme et la psyché humaine, de façon à ce que chacunE se move et se love dans cette bulle d’oxygène qu’est « Louve« .
Orenda Trio, Louve, Théâtre de la Carreterie (101 rue Carreterie) du 08 au 25 juillet 2025 à 11H45 (relâche les mercredis 16 et 23 juillet). Le site d’Orenda Trio, c’est ici.
Présentation pour Avignon, 2025 
Extraits du Concert à l’Essaïon, 2022 


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