Alexis HK et Benoît Dorémus en off
Benoît Dorémus et Alexis HK (photos Franck Loriou)
« Patron, remets-nous une planète, un tiers d’azur, un tiers d’eau pure, un tiers d’anisette… ». Ça tient de la mise en abîme. Sur scène, ils se la jouent comme dans le huis clos de leur loge, théoriquement sans témoin, de paparazzi. Déjà nippés façon cérémonie de Césars, smoking et nœud pap’, prêts pour leur show, ils se disent, et chantent, ce qu’en aucun cas ils ne pourraient interpréter en public. Que du off. Ça pourrait s’appeler « ce qu’ils se disent entre-eux de l’autre côté du rideau », eux ont fait plus court en Inavouable. Et l’ont d’ailleurs gravé sur ce CD pour que ce qui ne se dit pas, ne s’avoue en aucun cas, soit dit.
Ce sont deux amis, tout deux chanteurs, compositeurs et interprètes, chacun avec un bon bagage, des kilomètres au compteur, des tas de concerts et quelques délicieuses galettes. Deux complices qui, jadis, avaient déjà fait tournée ensemble, alors avec Renan Luce pour troisième larron.
Nos deux devisent. Considérations sur l’état du monde ; sur celui de notre vocable comparé à ceux des voisins ; souvenirs de Carole qui vont du lycée Lavoisier, « roulages de pelles, cœurs adolescents », à sa photo « tuyau dans la bouche en soins palliatifs » sur un paquet de clopes ; un vieux pet qui fait « tartelette » ; réception d’une sextape dénonciatrice et dénégations du mâle ; rudimentaire accueil quand ils chantent Chez l’habitant à qui ils doivent « la moitié de leur intermittence » ; banale visite chez l’ami, « moment de gêne entre hommes seuls », faite de scrabble, d’infusion Nuit tranquille et de tendresses à venir. Et l’indéfectible amitié, sauf quand il s’agit d’argent.
Que des thématiques pas tout à fait politiquement correctes, pas conformes, grinçantes, entre joie et noirceur, qu’on chanterait presque sous le manteau mais pas à la sortie des écoles, du parfois dérangeant mais non dépourvu de tendresse (que d’ailleurs on trouve désormais en vente libre chez tous les fournisseurs de bons disques). Bon, on objectera que, chacun dans son coin, Alexis comme Benoît, ont déjà fait dans le sensiblement limite, le « qui passera pas en radios » (de toute façon, ils n’y passent jamais), que de tels sujets, pas bankable pour un sou, se retrouvent rarement en play-list.
Reste que cet Inavouable est un moment de grâce, de défoulement avant l’entrée en scène peut-être, de décompression. Sauf que ce off est révélé, l’envers du décor devenu l’endroit, le face qui tombe à pile, le non-dit le propos officiel.
La seule frustration qu’immanquablement l’acheteur de ce disque nourrira, c’est d’apprendre que ce n’est pas tout à fait le spectacle intégral qui est ici fixé dans le laser, qu’il en manque et des pires, notamment ce Torture jésuite déjà gravé par Alexis, culpabilité judéo-chrétienne dont Bétharram nous fournit un nouvel et bel éclairage, ou ce Dino sur le tractopelle de Michel Fourniret, que les propos d’entre-chansons y sont pareillement absents. A ces lésés, ces frustrés dont je suis, je conseille d’aller voir sans délai ce spectacle non en coulisses mais en scène : c’est là que, pleinement, s’avoue et s’étale l’inavouable.
Alexis HK & Benoît Dorémus, Inavouable, La Familia 2025. Le site d’Alexis HK, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. Le site de Benoît Dorémus, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.



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