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Stephan Eicher, l’interview

Archive. Bien qu’enregistrée en novembre 2004, juste avant son nouvel Olympia, cette interview non plus n’a pas tellement pris de rides. On y parle des maisons de disques se prenant pour le Titanic. Droit devant !

"On ne peut pas capturer la musique" (photo DR)

Vous êtes un peu au carrefour de toutes les cultures… « Pour les interviews, ça facilite plein de choses. Mais, en Allemagne, je fais plus de chansons en allemand. Même si ce public me demande Déjeuner en paix en français. L’un des plus grands moments de ma carrière, ce fut à l’Olympia : j’avais oublié les paroles d’une de mes chansons en langue suisse allemande et le public a continué de la chanter. Que de telles choses arrivent, je suis content. Ce sont là mes médailles. Car les gens veulent les chansons comme elles ont été écrites, et non une espèce de soupe qui mélange tout. Il s’est trouvé des gens, dans mon entourage, pour me déconseiller de faire, en France, une petite chanson de Schubert, ce compositeur romantique allemand. Or, à chaque fois que je commence ce titre, le public réagit comme si c’était mon plus grand tube. Ça résonne, ils ont entendu ça quelque part, même si la façon dont je la joue sonne Eicher. Ces moments-là me donnent raison de continuer. »

Quel regard portez-vous sur la production hexagonale ? « Je vous le dis avec ironie mais tout ce qu’on a fait, Philippe Djian et moi, on l’a fait sans zone de turbulence. Ça ne veut pas dire que les autres étaient mauvais. Là, tout à coup, avec M, je dis : « Attention, musicalement, c’est très fort ! ». Il y a aussi Cali. Et Delerm. Et Biolay, dans la production… Tout à coup, j’ai dit à Philippe : « Pour les prochains disques, il faut qu’on se réveille un peu : les jeunes commencent à nous piquer notre Eicher ! » Moi, ça me rend très créatif, car ceux-là sont vraiment très forts ! »

Vous avec commencé en France il y a vingt ans avec Les Chansons bleues. Qui vient de ressortir dans une double version nettoyée et refaite. Ce disque était si fatigué que ça ? « On a présenté le cédé en disant qu’il était immortel. Maintenant, on nous explique que, finalement, ce n’est pas si génial et qu’il faut tout faire en mp3. Ça m’amuse un peu. Les bandes d’il y a dix-huit ans ne sont déjà plus utilisables. Les musées font plus attention à leurs œuvres que les maisons de disques. Ça m’a effrayé. Il y a de très grands disques dont l’original n’existe plus : tombé en poudre ! Que peut-on faire ? Il existe un système, comme une rénovation d’œuvres d’art, qui est un peu risqué, qui coûte un peu de sous mais permet un transfert dans un médium qui dure, j’espère, encore dix ans… C’est au moment où vous entendez la musique qu’elle existe. On ne peut pas la figer sur un papier, sur un cédé ou sur un mp3. C’est pas l’ordinateur qui est beau : c’est le concert ! »

"A la différence que sur le Titanic, ils ont fait de la musique jusqu'au bout…" (photo DR)

L’idée est rassurante car la musique c’est en live… « Absolument ! On peut posséder de la musique mais on ne peut pas posséder une musique. Toutes les discussions sur la crise des maisons de disques, style « On ne vend pas assez », soulignent le fait qu’on ne peut capturer la musique. C’est le moment qui fait la musique. Quand il est fini, c’est fini ! C’est plus proche de la vie que ce que médias et maisons de disques veulent nous faire croire. Mais je ne suis que musicien : je dois m’occuper du contenu, pas du support. Les maisons de disques devraient être assez intelligentes pour ne pas casser leur propre bateau pendant qu’elles rament. Mais j’en n’ai pas l’impression… »

Les difficultés actuelles vont peut-être les rendre intelligentes ? « Désolé ! Je vois des gens qui sont sur le Titanic, au milieu de grands morceaux de glace, et qui font des trous eux-mêmes. À la différence que, sur le Titanic, ils ont fait de la musique jusqu’au bout… »

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Une réponse à Stephan Eicher, l’interview

  1. Olivier Vadrot 6 mai 2010 à 9 h 54 min

    Merci de ressortir cette interview.
    Il y a des propos qui parfois sont intemporels. 2004 – 2010, même combat. Les maisons de disques continuent de prendre l’eau et pas grand chose n’est fait pour les artistes. Le bateau coule et personne ne veut sauver l’orchestre…
    Stephan Eicher est quelqu’un de bien. Un musicien qui n’hésite pas, lorsque son actualité est en berne, à se mettre derrière un clavier et à jouer avec d’autres groupes, incognito. Beaucoup de ses confrères seraient restés chez eux à attendre la providence. Pas lui. rien que pour cela, chapeau.
    C’est pour quand le prochain Eicher ?

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