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La courtoise urbanité de Michel Delpech

« Sensible prestation d’un chanteur respectueux. Belle occasion d’explorer un répertoire cohérent que le rêve tire difficilement de la noirceur » disais-je en chapeau de ce papier vieux de presque onze ans. Alors dans une relative traversée du désert, Michel Delpech depuis à retrouvé un public plus conséquent, dans une image régénérée de « chanteur culte », presque déifié par ses jeunes pairs, Bénabar en tête.

Un « prince charmant fatigué / Dont l’épée d’or est en fer blanc » (photo Benjamin Marciano)

Archive. Chaque année nous amène dans cette salle du Chambon-Feugerolles un de ces chanteurs populaires qui parsèment nos mémoires, à la manière d’un petit Poucet, de rengaines peuplant nos vies. C’était au tour de Michel Delpech, dix ans après sa première venue, de s’y coller. Delpech, c’est un nombre raisonnable de succès marquants. Mais, à bien y regarder, pas de ces «coups» pour le plaisir d’empiler des tubes. Mises bout à bout, ses chansons semblent bâtir en harmonie une vraie histoire, une cohérence. Si on osait le mot, on parlerait d’œuvre. C’est bien ce qui ressort de cet agréable récital où, succès inclus, Michel Delpech s’impose comme un témoin de notre époque, de la banalité de nos vies urbaines et des problèmes quotidiens auxquels nous sommes sans cesse confrontés. Si Delpech n’a pas tout à fait la distance poétique d’un Cabrel, la tendre provocation d’un Renaud, l’exotisme douteux d’un Lavil ou le boyscoutisme d’un Aufray à nous proposer, il a pour lui l’observation crue et juste d’un citadin, d’un cadre moyen englué dans ses problèmes, d’une réalité sensible, prégnante et prenante. C’est ce qui le rend unique dans la chanson française. Unique et sincère à la fois. Delpech est, dans la noirceur et la poésie de ses textes, un condensé de nos histoires : travail et chômage, difficulté de vivre à deux (magnifique Divorcés : «Si c’est fichu / Entre nous / La vie continue / Malgré tout…»), pression urbaine, circulation automobile… Comme s’il nous chantait le stress en permanence. Delpech, c’est ça. Ça et tous ses échappatoires : Rimbaud chanterait et ça nous rassure. Par lui, l’île de Wight reste l’île de Wight, Dylan is Dylan et Donavan Donovan. Delpech est un baladin de l’urbanité, ersatz de héros, un « prince charmant fatigué / Dont l’épée d’or est en fer blanc. » Relatif… Le chanteur, qui partage avec Le Forestier autant ces soucis qu’un identique sourire, n’arrête pas de clamer son évasion : « J’pars loin d’ici », « Voilà pourquoi ce lundi-là il s’en allait », « A-t-on le droit de condamner celui qui cherche à s’évader ? » (Wight is Wight). Avant de s’imaginer, dans un autre texte, être « le roi de l’île. » De Wight ? Reste que son refuge naturel semble être Le Loir et- Cher, là où « on n’fait pas d’manières. » Dans ces lieux ruraux, dans la boue ou en Chasseur. Ou bien Chez Laurette, que Michel Delpech nous chante avec, en plus, la très agréable patine du temps et de sa voix qui font tous deux ressortir, pour ce titre comme pour l’ensemble de son répertoire, des chansons trop longtemps négligées qui, tout compte fait, font partie des belles pages de la chanson française.

Le site de Michel Delpech, c’est ici.

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