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Interview : Agnès Bihl

Agnès Bihl (photo Bruno Langevin)

Si on te donnait à reprendre une chanson de Jean Ferrat…
Maria ! Parce que ça faisait partie des chansons que j’aimais le plus étant gamine. J’adorais cette chanson. Mes parents n’écoutaient pas du tout de musique, c’était vraiment l’art manquant à la maison. Mais ils écoutaient Jean Ferrat, un peu de Mozart, de Brassens, d’Armstrong… Du coup, enfant, Nuit et brouillard ça me faisait peur ; en plus mes parents n’ont jamais vraiment eu de tabous et ils m’expliquaient carrément. La Commune évidemment je l’adore. Mais Ferrat, la Guerre d’Espagne, je m’imaginais un truc qui relevait un peu de Zorro quand j’étais petite. Ça me faisait rêver… J’imaginais cette femme, les genoux dans la terre, devant la tombe de son fils… Je jouais en Lorraine quand j’ai appris la mort de Ferrat : c’est à cappella que j’ai ouvert mon spectacle, en chantant Maria.

A ceux qui pensent qu’avec Ferrat est morte une certaine chanson, tu réponds quoi ?
Qu’il est temps d’arrêter de découvrir ou de redécouvrir un artiste une fois qu’il meurt. Plus personne ne parlait de Ferrat. Il meurt et là on se rend compte qu’il y a un public pour cette chanson-là. Les gens de tous âges se sont sentis concernés, émus, ils se sont rués sur les albums de Ferrat. Faudrait que les médias arrêtent de dire qu’une chanson est morte et regardent : cette chanson existe, elle vivrait mieux et plus si les professionnels de la profession arrêtaient de se dire que les gens ont les même goûts qu’eux. Et qu’ils n’aiment que ce que, eux, ils aiment. On va faire les mêmes choses pour Allain Leprest, on va se mettre à en parler à la télé, dans les radios, une fois qu’il ne sera plus là ? Leprest va faire le Bataclan, c’est plein ! Yves Jamait, qui ne passe jamais à la radio, va faire l’Olympia, c’est plein ! On refuse du monde. Anne Sylvestre, qui est boudée par tout le monde, fait des salles où elle refuse quatre mois à l’avance. Faut arrêter de prendre les gens pour des cons ! L’autre jour, j’ai marqué justement sur « fesse de bouc » que « les radios servent de la soupe et c’est le public qui boit le bouillon ». C’est pas parce que le public n’a pas accès à l’information que tel ou tel artiste existe que cet artiste-là n’a pas de public. Y’en a qui passent par le bouche-à-oreille, d’autres qui mettent plus de temps, mais quand même… Je suis peut-être naïve mais quand c’est bien, ça finit par exister. En tous cas, une certaine chanson n’est pas morte du tout. Moustaki n’est pas encore mort non plus ; Anne Sylvestre se porte très bien, merci ! Michèle Bernard aussi… Y’a de la grande chanson qui existe aujourd’hui.

Tu te considères d’une famille de la chanson ?
Bien sûr ! J’ai un grand-père qui s’appelle Brassens ; l’oncle aventurier qui arrive le soir, vous fait rêver et repart le lendemain, c’est Brel ; celui qui est fâché avec le reste de la famille, qui n’a même pas sa photo sur l’album de famille, c’est Léo Ferré… Bien sûr, cette chanson de paroles, bien sûr. Et en plus il y a de grandes amitiés, beaucoup d’amour. Récemment j’ai chanté à Paris, j’avais envie d’inviter Yves Jamait, Anne Sylvestre et Grand Corps malade pour des duos, il sont venus. Dès qu’on peut se retrouver autour d’un verre et sur scène, avec un peu de chaleur et d’amitié, on est toujours partants.
Et on le fait très souvent. Mais qu’on ne dise pas que cette chanson est morte. Loïc Lantoine joue demain ici, Imbert Imbert y a joué aujourd’hui… Sans parler de moi, y’en a quand même plein. Y’a Alexis HK qui existe quand même. Y’a une relève. C’est pas parce que c’est pas relayé que ça n’existe pas. C’est comme ça qu’on enterre les gros scandales de par le monde, mais ça ne veux pas dire que ça n’a pas eu lieu. C’est la même chose pour les artistes.

J’ai l’impression que cette partie là de la chanson rentre en résistance
Tout à fait, parce qu’elle est très peu relayée par les médias. Ou mal. Je ne citerais pas de nom mais pour mon album Rêve(s) général, c’est le même article quasiment mot pour mot dans un journal que sur mon album précédent, Demandez le programme. J’ai fait évoluer mes chansons, la personne qui a écrit l’article n’a pas tellement évoluée, elle.

C’est un article écolo, c’est du recyclage !
Mais dans ce cas-là valait mieux garder le même papier !

Le site d’Agnès Bihl c’est ici.

2 Réponses à Interview : Agnès Bihl

  1. Odile 29 avril 2011 à 6 h 53 min

    C’est vraiment une très grande dame cette Agnès!
    Ces chansons sont là pour nous le prouver..
    Et cet entretien, est très juste et réaliste.
    Merci Agnès Bihl!

    Répondre
  2. Melmont 29 avril 2011 à 11 h 17 min

    Oui mais mauvaise foi un peu. Anne Syvestre est franchement présente ces derniers temps dans la presse.tv, radio, internet. Elle n´est pas si boudée. Et la chanteuse Michele Bernard existe mais est loin de remplir toujours les salles…
    Des gens comme Réginal ou Havet ont leur public mais font pas des Olympias pour autant aussi.

    Répondre

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