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Entendre et ne rien comprendre

Alcaz : Vyvian Cayol et Jean-Yves Liévaux

Rares sont les artistes à parler ouvertement de ces problèmes de fond, à ouvrir le débat. Prélevé au blog d’Alcaz, ce billet de l’ami Jean-Yves Liévaux publié le 10 avril dernier, intitulé « In the box », revient sur la pratique de l’anglais en lieu et place du français.

 

Concert du 13 mars 2012, à Genève (Carouge)

On quitte la pleine neige et ses airs purs de ne pas y toucher, ce féminin de ciel et ses robes blanches pour la ville, la cité au grand jet, la Genève toute propre sur elle avec une allure si sereine, en pas de deux les affaires en douce et ce Léman si là. On arrive pour un festival qui en effet prend sa source dans la chanson française, francophone mais pas que… Oui, de nos jours les programmateurs se laissent de plus en plus aller au jeu de la grande Amérique et des obus de pouvoirs, on peut ainsi entendre sur les ondes de l’Anglophone hors norme, je veux dire, les quotas ne sont plus respectés, les lois ne servent plus, chacun abuse effrontément et personne ne réagit, les jeunes  groupes Français (nos propres enfants) chantent en anglais sans complexes et les diffuseurs n’en ont cure. Alors dans les festivals on peut entendre et… ne rien comprendre !

Vyviann me rappelait l’insolence d’une artiste Française aux Francofolies de Montréal il y a deux ans, qui commença par nous dire : « Ecoutez, la prochaine chanson est en Anglais parce que je ne trouvais pas les mots en Français qui sonnent suffisamment bien avec ma musique »… Bon, le public Québecois, très poli, acquiesce, pardonne d’avance, sauf que la nana elle en a chanté trois d’affilée en anglais, on était les deux seuls (français) à crier : « Chante en Français ! » Franco folies  ce n’est pas anglo folie… On a trouvé comme une maudite provoc, on s’est senti mal à l’aise en tant que Français, là, à ce moment-là. le Québec a déjà tellement de difficultés à protéger la langue, c’était un peu comme une insulte cette façon. A l’époque ce fut l’objet de longues discussions avec nos amis, sur la Francophonie. Et bien aujourd’hui, ils sont dans la merde, envahis, abusés jusque sur les ondes de Radio Canada, leur France-Inter à nous. Ici en France on aurait pu croire cela impossible et bien NON ! Ce sont des abus, au diable les lois, et on vit un drame culturel dont personne se plaint.

Quel politique en parle dans ses meetings ?

Et puis pour clôturer le tout ce soir on joue à « le Box » un mot bien frenchy ! Nous sommes dans le festival off, super accueil, super équipe on est très excités, on a hâte de jouer, mais ce sera dans un tel brouhaha, mélange de bière dans l’Box et people qu’on se demande bien ce que l’on fait là… Encore un piège,les gens au bar n’en ont rien à faire de ce qui se passe sur scène. La vérité, la plus part des gens sont venus pour le premier groupe qui est un band d’ici, d’une très belle poésie d’ailleurs ! et les artistes d’après même s’ils viennent pour eux et de loin, ils s’en foutent ! au grand désespoir des organisateurs de la soirée qui pensaient stratégiquement que le public allait rester pour la deuxième partie, comme quoi ça ne fonctionne pas toujours. Et c’est comme ça, la vie va… On monte sur scène, et là, on ne s’entend même pas chanter nous-mêmes. Incroyable et vrai. On en est là aujourd’hui, pas de respect pas d’intérêt. Et puis comme souvent, aucun professionnel dans la salle ! Merci bravo, bonsoir ! Il ne faudrait pas écrire cela sur le blog (ça ne se fait pas, on va se faire griller…) et bien moi je pense que si. Dire pour que ça se sache, pour améliorer, réfléchir au mieux vivre, mieux être comment mieux faire pour que l’artiste nous offre tous ses talents, une belle soirée, puisque c’est ce que le programmateur cherche en invitant tel ou tel groupe. Réussir son coup épater le public, le combler et l’aider à la découverte.
Ce serait bien une table ronde (ou carrée) artistes et programmateurs, diffuseurs et autres structures, pour se parler, ensemble voir ce que l’on souhaite, pourquoi on fait ce que l’on fait…

Bref, nous ne sommes pas qu’à vivre de belles rencontres et de belles soirées, on passe aussi de mauvais quarts d’heure, même des heures en tiers parfois, des pleines des liées, de ces soirs où on lâcherait facilement nos cordes pour aller nous faire pendre ailleurs. Y a des nuits des jours où c’est ainsi, et comme le chante le grand Jacques… Higelin « Demain ce s’ra vach’ment mieux !!! »

 

NosEnchanteurs a déjà publié des billets sur ce sujet, parmi lesquels « Je chante faux en français » ou encore la lettre du chanteur Philippe Séranne : « A ceux qui tiennent pour importante la chanson française ».

 

 

 

11 Réponses à Entendre et ne rien comprendre

  1. Odile 22 juin 2012 à 7 h 35 min

    Rien ne doit être plus agaçant et énervant que de ce retrouver dans une ambiance pareille!
    Manque de respect pour l’artiste, ce n’est pas de la chanson…
    A éviter coûte que coûte, mais parfois on ne sait dans quelle galère on se rend!
    Merci pour ce témoignage Vyvian et Jean-Yves.
    Tant qu’à nous, tout était bon samedi dernier à Livron, rien à jeter!
    Merci Alcaz!

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  2. Norbert Gabriel 22 juin 2012 à 9 h 21 min

    Ce genre de dérive, le public qui « segmente » avec sectarisme, je l’ai déploré avec les Francos de La Rochelle dans les années 2000-2004, avec le clivage Coursive/St-Jean-d’Acre. Avant, les festivaliers étaient assez mélangés, d’ailleurs la programmation était bien harmonisée pour qu’on puisse naviguer d’un concert à l’autre sans en perdre une partie, on pouvait assister au concert de Richard Desjardins ou de Juliette au Grand Théâtre, et embrayer sur le « grand » concert de Johnny sur le SJA. Il me semble que ce temps est bien fini, les publics ne se mélangent plus, ne se connaissent plus. En 2004, lors du grand concert qui saluait les 20 ans de Francos de Foulquier, avec une affiche d’antholologie, le tout synchronisé par Goldman, il y avait sur l’esplanade des gens venus uniquement pour Goldman, et qui ne savaient pas qui était Foulquier (!!!) quand il a parlé de Jean-Louis, ils ont cru que c’était Jean-Louis Aubert, et parmi « leurs inconnus » Maurane, qui c’est ? Véronique Sanson ? Qui ??? et Desjardins alors… Je suis peut-être tombé sur les seuls neuneus de la chanson du festival ce jour-là, mais ça fait drôle… et triste. Et pendant les chansons de tous ces inconnus, ils s’asseyaient par terre pour discuter en attendant que ça se passe… Là, je me suis dit que vraiment, ce n’était plus « mes » Francos, festival de partage et de découvertes.
    Après, j’ai eu personnellement du mal à y retourner, pour d’autres raisons qu’il n’est pas de mise de développer ici. Mais quand j’ai entendu l’an dernier, le grand concert du 14 Juillet avec des groupes qui chantaient en anglais, là, j’ai décroché définitivement. Ou presque…
    Le témoignage d’Alcaz recoupe sur quelques points des comportements qui me mettent parfois dans des états de rage (contre le public) incompatibles avec une bonne hygiène de vie, par exemple la mode qui se généralise des salles de concert-bistrot, quand c’est pas les spectateurs qui blablatent au bar, dos à la scène, ce sont les barmens qui font claquer les portes des frigos ou crépiter la machine à glaçons (j’ai une liste rouge de salles que je boycotte définitivement). Et certaines salles qui avaient une vraie déontologie de respect du spectacle, annoncent aujourd’hui qu’on peut entrer avec son verre, ce que certains spectateurs traduisent par : » je peux me lever pendant le spectacle, sortir chercher un verre » , et que ce soit pendant une chanson ne les préoccupe pas, d’autant que pour ce faire, on passe devant la scène, à moins d’un mètre du micro… Voilà, ce qui se passe au Nouveau Sentier des Halles ! Et voilà pourquoi il m’arrive de rater certains spectacles, parce que j’ai souvent envie de fracasser un tabouret sur ces consommateurs gougnafiers qui se foutent de ce qui se passe sur scène, pourvu qu’ils aient leur bière… Et que je crains que cette envie de représailles ne me pousse à passer à l’acte. Et sur ce point, je déplore la complicité des organisateurs qui misent plus sur le bar que sur la scène pour rentabiliser. Ce n’est pas nouveau, c’est peut-être pour ça que le Forum Léo-Ferré est dans une marginalité précaire, parce que ces originaux croient à des valeurs obsolètes, « on ne sert plus quand le spectacle commence »…

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  3. Didier 22 juin 2012 à 10 h 47 min

    Jean-Yves dit des choses intéressantes dans cet article.
    Malheureusement, il s’est laissé prendre au piège, en utilisant le mot « meetings », dans un article qui déplore – en partie – l’utilisation de l’anglais en certaines occasions… :)

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  4. Chris Land 22 juin 2012 à 14 h 29 min

    Bien d’accord avec Jean-Yves, et aussi avec Norbert.
    La responsabilité des « organisateurs » est flagrante. Mais beaucoup d’artistes acceptent d’y aller pour croûter, ce qui est compréhensible, mais aussi parce qu’ils pensent qu’ils vont réussir à imposer l’écoute. Toujours (ou presque) ils se gourrent. Les exemples nombreux de publics fréquentant ces endroits pour découvrir des artistes en sortent désespérés. Tarif des consommations prohibitifs, rien entendu, envie de faire le coup de poing et autres joyeusetés.
    Heureusement, il reste encore quelques lieux – de moins en moins – où on fait la distinction entre le respect dû aux artistes invités et au public venu à leur rencontre, avec la vente juteuse des limonadiers…
    P.S. : pour le Forum Léo Ferré, tout n’est pas définitivement arrêté…
    Chris Land

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  5. Dominique B. 22 juin 2012 à 14 h 41 min

    Jean-Yves, tu fais bien de dire ce que tu penses. Tout n’est pas toujours rose dans le meilleurs des monde. Sinon, ça devient mièvre.
    Tu seras peut-être entendu voire écouté.
    Je vous souhaite de beaux lieux emplis de beaux publics pour la suite.
    Bel été!
    Dominique B.

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  6. Delorme 23 juin 2012 à 8 h 31 min

    Pour faire l’avocat du diable disons que le respect (en particulier celui du public) ça ne se réclame pas, ça se mérite. D’autre part un public ça se conquiert (c’est l’expression qui le dit).
    Cela dit, même les plus grands ont connu des galères, les anecdotes sont nombreuses, mais s’en plaindre publiquement est plutôt rare ou alors il faut le faire avec humour…Pourquoi aussi ne pas se plaindre de l’absence de succès?
    Répétons que rien n’est dû à ceux qui choisissent de « faire artiste », on n’est pas artiste contre son gré. On grimpe sur scène et on tente sa chance, c’est tout. C’est une sorte de jeu, si on ne veut pas en accepter les règles implicites, autant faire autre chose.

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    • ALCAZ 4 juillet 2012 à 1 h 05 min

      Pourquoi faire et se cacher derrière un quelconque avocat Pierre ?
      Votre point de vue est tel .
      Merci de participer et de répondre à l’invitation, au partage.
      Merci de ces réflexions sur l’Anglofolie et sur l’idée d’une table ronde …
      Quant à nous, ce n’est pas important on continue d’offrir notre meilleur, vous n’êtes pas loin de Lyon, on vous invite à l’Agend’Arts fin juillet (27-28-29), ça nous ferait très plaisir.
      belle journée

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  7. danièle 26 juin 2012 à 18 h 28 min

    Impossible d’avoir accès aux deux pages d’aujourd’hui Monsieur Melon et Marc Ogeret . Dommage !

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  8. Delorme 4 juillet 2012 à 7 h 57 min

    L’avocat du diable n’est pas un quelconque avocat, il est assez connu. Il permet d’exagérer son propre point de vue, de grossir le trait. Dans un autre registre il existe aussi l’expression qui dit « qui aime bien, châtie bien », elle aurait pu aussi caractériser mon commentaire.
    Je ne serai pas à Lyon fin juillet, mais j’irai vous écouter une prochaine fois. Je vous souhaite bonne continuation et pas trop de galères!

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  9. Bruno-Michel Abati 14 septembre 2012 à 12 h 01 min

    Bonjour, je ne découvre cet article que maintenant parce que tout nouveau sur ce blog dont je salue la très grande qualité. Je souscris entièrement à cette nécessité de défendre la chanson française et c’est ce que je fais en tant qu’auteur compositeur interprète. Mais il serait néanmoins intéressant de se poser la question: qu’est-ce qu’on entend par chanson française? Est-ce là, chanson de langue française quelque soit le style musical adopté ou langue française associée à un stéréotype musical catalogué « chanson française »? Car pour ma part, associant ma langue maternelle, le français, aux musiques brésiliennes et plus largement aux musiques tropicales, je rencontre les plus grandes difficultés à faire passer mon travail dans le milieu dit « chanson française ». Certes les choses ne sont pas dites directement mais plane malgré tout ce sentiment que parce musique brésilienne ces chansons ne sont peut-être pas porteuses du « sérieux » inhérent à l’héritage de la chanson française. Un sentiment en contradiction avec le succès à la fois populaire et d’estime des deux derniers albums d’Henri Salvador ou des albums où les musiques tropicales sont prédominantes de Bernard Lavilliers. Mais étant d’un naturel optimiste je garde l’espoir que les organisateurs de concert, de concours, les éditeurs et toutes les personnes qui sont directement concernées dans le développement de la langue française par le biais de la chanson, sauront être dans la continuité d’un esprit d’ouverture au monde qui fait la grandeur de notre pays. Les enfants issus de l’histoire coloniale française sont français, aiment la chanson française avec laquelle ils ont grandi et peuvent aussi vouloir exprimer cette chanson française avec leurs particularités. C’est une richesse qu’il ne faudrait peut-être pas se priver. Les musiques tropicales sont tout autant que les autres musiques porteuses de sentiments divers et variés, et ce n’est pas parce qu’elles sont nés dans des lieux où les plages sont idylliques qu’elles ne véhiculent pas pour autant une certaine gravité. Je souhaite quand même remercier « Les chercheurs d’Aure » à Bayeux organisateur de « La Ruée vers l’Aure », « Les coups de pouce de la chanson » dans l’Isère, où j’ai été primé et les quelques salles qui ont ouvert leurs portes à mon style sans se poser la question du style comme le théâtre de la Vieille Grille à Paris où ont notamment commencé Brigitte Fontaine et Jacques Higelin. Et puisque dans cet article il est abordé la question des lieux où en tant qu’artiste on se demande ce que l’on y fait, tant le bruit y est effrayant, je souhaite faire de la pub au restaurant « La Taverne de Dada » (Rhône) qui a la belle particularité d’arrêter son service au moment du spectacle des artistes. C’est un fait suffisamment rare pour ne pas le noter. Musicamicalement Bruno-Michel

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  10. PhilKirl 9 mai 2013 à 17 h 43 min

    C’est un débat intéressant…il est sur que la Chanson française a eté méprisée par le Marché et ses mécanismes de diffusion et que les artistes de qualité doivent trouver audience (pour que jeunisme se passe et que tous accèdent à d’autres formes que celles qui plaisent au lois du marché) et retrouver plus de poids pour notre plus grand plaisir mais surtout en ce sens que la forme Chanson (au sens large de BM Abati) est le format qui porte sans doute le mieux la parole des artistes du pays réel et qu’entendre chanter en français quand ce n’est pas formaté libère la parole, l’IMAGINAIRE et la langue de l’auditeur, trop sanglée de nos jours dans un charabia télé-journalistique qui évacue trop souvent la poésie vivante et la chair mais aussi les valeurs qui n’enferment personne comme l’interêt général, le bon vivre, la simplicité et la fraternité du « vivre ensemble »… celles ou les chanteurs mettent leur pas dans ceux des chanteurs qui les ont précedé tout en affirmant leur singularité autant que leur appartenance à une sorte de « maison commune » trés précieuse ,( pas du tout un truc démodé)…maison que certains voudraient jeter aux oubliettes ou brûler et dont beaucoup ignorent simplement la richesse et l’existence….maison tissé de sens, de réel et d’imaginaire , maison de vie, de révolte, de célebration de l’existence et de poésie dont ce site fait evidemment partie et tissée de nos souvenirs, de nos désirs, de nos voyages aussi ;
    et de nos rêves…

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