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Clémence Savelli, la chanson pour arme

Clémence Savelle (photo d'archives DR)

Clémence Savelle (photo d’archives DR)

Clémence Savelli, 14 février, Théâtre de l’Ile Saint-Louis, Paris

C’est un théâtre minuscule, presque de poupées. Avec ses rideaux pourpres, sa scène, ses enluminures. Joli théâtre vraiment que celui de l’Ile Saint-Louis où Clémence Savelli jouera encore prochainement (*).

Clémence donc. De longs cheveux bouclés, noire tenue, très belle femme. Et belle et douce voix. Douce, même quand la colère vient s’y mêler, cause à ce qu’elle choisit de nous chanter. D’abord, une mise au point, Mise au jean, aux misogynes de tous poils, réquisitoire sans appel sur les flagrantes inégalités entre hommes et femmes, qui s’achève sur un cinglant et définitif : « Exiges, frangine, le même rang ! » Elle qui, en introduction, venait de nous chanter qu’elle était miel et mélisse, nous révèle ce qu’elle est vraiment : sous les atours de la tendresse, Clémence Savelli est comme la jeunesse de la passionaria, faisant de son micro une arme pour pourfendre, pour défendre. Si Clémence est engagée, c’est sur les maux du quotidien : la solitude (« Seul, tu vis tout seul / T’as plus grand-chose à faire / Sinon fermer ta gueule », le chômage (« Chômeur, c’est le mot / Qui me colle à la peau / Depuis deux ans »)… Comme Lemay ? Sauf que la québécoise fait dans la chanson pleurée, la boite de mouchoirs en papier à proximité. Et Savelli dans celle de combat, la calicot sans doute pas loin. Pour illustrer les travers de notre monde, Clémence Savelli brosse des portraits de gens. Avec talent, avec conviction. C’est du fusain, c’est noir. Ici et là une touche colorée pour dire l’amour. Mais c’est peu. Car si elle vous parle de ces choses, c’est pour vous entretenir des has-been du sentiment (« On n’est pas inapte à l’amour / Moi je te l’offrirai un jour… »), de ceux qui rêvent d’un peu de baisers, de ces handicapés de la vie, ces manchots qui ne se tiennent plus la main, ces socialement blessés. Et c’est ça qui fait malaise : comment une si jeune femme peut ne faire que dans le tragique, les souffrances de l’âme, sans trêve ni répit, sans chansons plus légères qui seraient alors bienvenues ? C’est ça qui manque même si, telle qu’elle est, Clémence Savelli est assez remarquable.

Comme l’est, au piano, son compagnon Pascal Pistone : sensible, sensible…

 

(*) les 13 mars, 29 mai et 20 juin 2013, à 18 h 30 précises. Théâtre de l’Ile Saint-Louis, 39 quai d’Anjou, Paris 4e.

Le site de Clémence Savelli, c’est ici. Lire sur NosEnchanteurs : « Clémence Savelli, qui n’est qu’un cri »Image de prévisualisation YouTube

6 Réponses à Clémence Savelli, la chanson pour arme

  1. Claude Fèvre/ Festiv'Art 19 février 2013 à 11 h 48 min

    Cher Michel, peut-être cette douce et blonde Clémence est-elle à l’image des jeunes femmes d’aujourd’hui ? Oui bien sûr, il serait bien qu’elle offre aussi la légèreté, quelques rayons de soleil comme ceux sûrement qui jouent dans ses cheveux… Dans tous les cas , j’ai beaucoup aimé ta plume aujourd’hui, tes mots comme des caresses…Cette chronique m’a fait du bien, tout simplement…

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  2. Danièle 19 février 2013 à 23 h 20 min

    Une (belle) révélation , et la photo de la douce jeune fille que l’on voit au début de l’article s’estompe bien vite quand on la voit chanter .  » Les chants désespérés sont les chants les plus beaux », parait il, mais là, c’est vrai, on aimerait bien qu’elle ajoute quelques mots d’amour à son cri de révolte .

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  3. H75018 20 février 2013 à 11 h 28 min

    Quel dommage d’avoir choisi cette photographie alors qu’il y en a de plus récentes et encore plus représentatives. Le théâtre de l’île St-Louis est petit, mais pas minuscule non plus. Toutefois, chronique intéressante mais qui oublie l’essentiel : Clémence Savelli a vraiment évolué, que ce soit par le style musical, sans se trahir, que ce soit par la gestuelle, par la tenue, on a assisté là à un spectacle de variété de haut luxe (de la très bellle variété au sens noble du terme) servi par de belles lumières, et non plus un concert basique de chanson française blabla blabla…enfin la salle était pleine, le public captivé, et beaucoup de gens sont ressortis fascinés, j’avais emmené 4 personnes, elles sont ressorties unanimes. Et, ce n’est pas une critique, mais plutôt un compliment, les 3 hommes m’ont dit : elle a quelque chose de farmerien ou de Kate Bush des années 80, je dirais ce n’est pas faux, il y avait une dimension particulière dans cet univers…qui ne lui appartient qu’à elle…ils ont l’intention de revenir…enfin, certes il y a avait de la gravité mais aussi des touches d’humour qui nous permettaient de respirer. C’était un magnifique concert et…’ce n’est que le début’…

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  4. Pascal Pistone 21 février 2013 à 10 h 01 min

    Cher Michel Kemper. Bravo pour ce bel article, le raffinement de votre plume et la problématique passionnante que vous soulevez. Vous avez sûrement mille fois raison : pourquoi Clémence n’ajoute-t-elle pas, à ses spectacles, davantage de chansons légères – même si plusieurs d’entre elles (sans parler de certaines transitions), l’autre soir, étaient plutôt enjouées, voire comiques (« Arcachon », « On est vivants », « Les ados qui s’embrassent »…) ?

    Sans doute parce qu’elle est constamment animée, dans son travail d’écriture et de composition, par une authenticité, une correspondance sincère entre la chanson en cours et son état d’esprit véritable, ses angoisses, ses colères. Aussi la question n’est pas tant de savoir pourquoi Clémence écrit ces chansons, mais tous simplement pourquoi elle vit chaque jour de tels questionnements enflammés sur le monde et la société. Côtoyer au quotidien cette artiste, à la fois intègre et sans concession, n’est d’ailleurs pas chose facile – j’en sais quelque chose…

    D’aucuns diront qu’elle privilégie les textes engagés et réalistes, mais c’est juste là le symptôme, et non la cause. Simple atavisme chez une fille dont le grand-père était meneur de mouvements ouvriers à l’époque de la fermeture d’Usinor, et dont les parents sont délégués syndicaux ? Ce qui est certain, c’est que l’esprit de révolte était déjà dans son biberon. Certains penseront également que l’état du monde, que le sort des femmes (chansons « Mise au jean » ou « Jeanne », sur la femme battue) ne justifient pas une telle colère : à ceux-là, je ne pourrais que conseiller d’ouvrir un peu plus les yeux. D’autres affirmeront au contraire que le monde mérite justement qu’on oublie son triste état en écoutant des chansons légères et festives – argument que je peux comprendre également.

    Finalement, le plus ironique est que la dernière chanson de son récital (« Inapte ») traite de la cause des handicapés et de leur droit à l’amour (« on n’est pas inapte à l’amour… »); or, Clémence semble traîner, elle aussi, un handicap : son corps de blonde, ses cheveux bouclés et ses yeux sensuels, comme des boulets qu’on oppose constamment à son droit pourtant légitime de rugir et de se révolter – bref, un vrai délit de belle gueule ! Une Clémence Savelli moche, vieille, à la gueule fracassée choquerait bien moins les esprits par ses textes engagés et cinglants.

    Le pire, c’est qu’à la veille d’enregistrer son 5e album, elle n’est toujours pas foutue de suivre les conseils avisés de tous ceux qui pourraient lui garantir le succès; il suffirait juste de mettre un peu de flotte dans son Château Margaux ! Pas de quoi perdre son âme non plus ! Même la réussite a un prix, après tout ! Mais cette effrontée n’en fera toujours qu’à sa tête…
    Continue ainsi, Clémence ! C’est comme ça qu’on t’aime !

    Toutes mes amitiés.

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  5. Lily 21 février 2013 à 17 h 53 min

    Merveilleuse chanteuse. Textes sublimes. J’aime la beauté de vos mots, votre plume. Continuez comme ça, vous avez beaucoup de talent !

    C.

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  6. Michel TRIHOREAU 22 février 2013 à 7 h 25 min

    Jamais content !
    Parmi cette légèreté qui s’impose partout à telle point qu’elle frise le néant, on a du mal à dénicher quelques perles qui s’expriment sur autre chose que la proximité immédiate de leur nombril. Et vous joueriez les Hérons (*) !
    Allons, les amis ! Un peu de noir dans le rose du paysage ne peut que faire du bien à nos neurones.

    (*)Ne soyons pas si difficiles :
    Les plus accommodants ce sont les plus habiles :
    On hasarde de perdre en voulant trop gagner.
    Gardez-vous de rien dédaigner ;
    Surtout quand vous avez à peu près votre compte.
    (La Fontaine).

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