CMS

Vous qui passez sans le voir : Charles Trenet

trenet 001Poussé par son égo et par le système des droits d’auteur, un jeune chanteur enregistrera sur son CD dix chansons sans intérêt sur douze, alors qu’il pourrait, à côté de ses oeuvrettes personnelles, interpréter quelques monuments du répertoire qu’il faudrait sauver, tels des chefs-d’oeuvre en péril. Qui chantera les chansons de Trenet dans dix ans, à part les mordus irréductibles et les plus vieux pensionnaires de maisons de retraite ? Quel gâchis !

Je me faisais cette réflexion à la lecture en mode aléatoire du pavé que représente l’intégrale de ses chansons : Y a d’la joie. Je tombe ainsi sur Le Piano de la Plage, Mon vieux Ciné, Souvenir, Le Cor, France Dimanche… Le hasard de la lecture me promène entre les années 30 et les années 90, entre les succès connus et les découvertes. Parmi ces dernières se trouvent une cinquantaine d’inédites avec la frustration de n’en pas connaître la musique. Claude Duneton prétendait qu’il fallait toujours lire une chanson avec un air dans la tête. Il faut en trouver un connu ou se l’inventer. Avec Trenet, on trouve très vite un air adaptable à n’importe quelle chanson jamais entendue. Comme si ces chansons chantaient d’elles-même.

Tendres, légères, facétieuses, farfelues, elles ont parfois plus de corps qu’il n’y parait et elles ouvrent les fenêtres à la rêverie et à l’imaginaire que l’on prolonge à loisir. Comme leur musique incite à bouger le corps, les paroles des chansons de Charles Trenet stimulent l’intelligence. Il taille des raccourcis fulgurants et découpe des tranches de vie si minces qu’elles posent autant de questions. Je tombe par hasard sur  Miss Emily : « Il était terrible, elle était anglaise. »

LA LIBRAIRIE CHARLES-TRENET On s’en doute : il pleut des livres tant qu’il en peut à l’occasion des cent ans de Trenet. Sélection. Le Roman de Charles Trenet, de Nelson Monfort, 2013, Editions du Rocher ; Charles Trenet à ciel ouvert, de Jean-Philippe Segot, 2013, Fayard ; Trenet, le fou chantant, de Charles Aznavour et Jacques Pessis, 2013, Paris-Bibliothèques ; Charles Trenet pour les enfants (livre-disque), de Marie Dorléans, Charles Trenet et Jacques Haurogné, 2013, les éditions des braques ; Charles Trenet (livre-disque), de Stéphane Ollivier et Lucie Durbiano, 2013, Gallimard jeunesse ; Charles Trenet, de Noël Balen, 2013, France-empire ; (un « Charles Trenet » sortira également chez Flammarion en août 2013) Rappelons au passage le Charles Trenet de Richard Cannavo de 2002 chez Seghers (Poésie et Chansons) ainsi que le Charles Trenet de Pierre-Jean Chalençon et Jacques Higelin de 2005 chez Scali.

LA LIBRAIRIE CHARLES-TRENET
On s’en doute : il pleut des livres tant qu’il en peut à l’occasion des cent ans de Charles Trenet. Sélection.
Le Roman de Charles Trenet, de Nelson Monfort, 2013, Editions du Rocher ;
Charles Trenet à ciel ouvert, de Jean-Philippe Segot, 2013, Fayard ;
Trenet, le fou chantant, de Charles Aznavour et Jacques Pessis, 2013, Paris-Bibliothèques ;
Charles Trenet pour les enfants (livre-disque), de Marie Dorléans, Charles Trenet et Jacques Haurogné, 2013, les éditions des braques ;
Charles Trenet (livre-disque), de Stéphane Ollivier et Lucie Durbiano, 2013, Gallimard jeunesse ;
Charles Trenet, de Noël Balen, 2013, France-empire ;
(un Charles Trenet sortira également chez Flammarion en août 2013)
Rappelons au passage le Charles Trenet de Richard Cannavo de 2002 chez Seghers (Poésie et Chansons) ainsi que le Charles Trenet de Pierre-Jean Chalençon et Jacques Higelin de 2005 chez Scali.

A nous de parcourir le chemin entre ces deux qualificatifs !

Autre exemple qui tombe sous ma main : Diner avec un Ami : « Quand à Madou, elle reste dans son bar / Mais à présent / Elle est dame du vestiaire… »

Nous n’en saurons pas davantage, mais tout un drame semble se tapir derrière ces deux vers : Madou est-elle la patronne déchue ou la pensionnaire promue ? A nous d’inventer l’histoire ou de la rêver.

On feuillette machinalement et on se prend au jeu rapidement, « retrouvant des images disparues », partant pour des voyages dans l’étrange ou simplement savourant le jeu des mots et des sons. Ce recueil de 440 chansons, préfacé par Charles Aznavour, enrichi de la conférence de presse de Charles Trenet, le 10 mai 1999 est comme les autres ouvrages de cette collection, abondamment documenté de notes, index et autres repères. Agrémenté d’anecdotes de Jacques Pessis sur quelques chansons, il présente une soixantaine de témoignages de personnalités diverses comme Marcel Pagnol, Jean Ferrat, La Grande Sophie, Jean Cocteau, Philippe Katerine, Gérard Pierron ou Alexis HK.

Ce livre est à consommer à long terme et parcimonieusement. Il faut le poser sur un coin du bureau, près du fauteuil, au chevet, ou même sur une étagère de la cuisine ou bien ailleurs. Il faut le laisser traîner… « longtemps, longtemps » !

Charles Trenet, Y a d’la joie, L’intégrale de ses chansons, éditions du Cherche Midi, 2013 (24 €). 

Le piano de la plage
Image de prévisualisation YouTube

Mis à jour le 18 février 2020

6 Réponses à Vous qui passez sans le voir : Charles Trenet

  1. Vignol 15 juin 2013 à 10 h 04 min

    Cher Michel, j’ignorais que ce recueil existait. Pour les témoignages d’Alexis HK, de La Grande Sophie, de Katerine, je vais l’acheter, même si je parcours souvent une précédente intégrale, parue en Poche, où il manque cependant les dernières chansons. Quant au « Piano de la plage », quel chef-d’œuvre… Son air me trotte en tête depuis que j’ai lu sur son titre dans votre papier. Rien que pour ça, merci!

    Répondre
  2. Danièle Sala 15 juin 2013 à 11 h 33 min

    « à part les mordus irréductibles et les plus vieux pensionnaires de maisons de retraite ? Quel gâchis !  »
    Et bien, j’ai entendu mon petit fils Vincent, 14 ans, chantonner  » Le gris boulanger bat la pâte à pleins bras
    Il fait du bon pain du pain si fin que j’ai faim… » , en aplatissant de la pâte à pizza , sauf qu’il a dit  » le gai boulanger » à la place du « gris » . . . Alors vous voyez bien que cette chanson, comme toutes les autres restera toujours : » Chanson de printemps, chansonnette d’amour
    Chanson de vingt ans chanson de toujours . »

    Répondre
  3. LAFFAILLE 15 juin 2013 à 11 h 36 min

    Excellent article, en effet! Mélodies, trouvailles poétiques, inventions perpétuelles, ruptures saisissantes, thèmes abordés, Trénet est une mine dans laquelle on ne trouve cependant pas de chanson d’amour… Trésors à profusion également dans les oeuvres de Guy Béart et de Serge Gainsbourg (des débuts jusqu’à Melody Nelson) et évidemment de Brassens, Brel, Félix Leclerc, Nougaro et Anne Sylvestre. J’ai fait beaucoup d’ateliers d’écriture avec des jeunes et ai été souvent consterné par leur méconnaissance de notre patrimoine.

    Répondre
  4. Danièle Sala 15 juin 2013 à 22 h 20 min

    Et un très beau passage du livre de Jacques Pessis :  » Le dîner extraordinaire » :

    C’est Charles Trenet qui parle :
     » La plus grave erreur que puisse commettre un artiste, est de croire, parce que la bonne vieille oreille du public lui a confié une certaine notoriété, qu’il est définitivement arrivé . Pour ma part, je me méfie de ces soi-disant arrivés, qui, du haut d’un piédestal de petite gloire grisée par l’ensemble des lettres des adorateurs faciles, oublie le joli monde terrestre … » Tu as raison, c’est très beau, je ne sais pas comment j’ai pu écrire cela . ( Il éclate de rire et continue avec des gestes parodiant le viel acteur qui en fait trop)  » Chaque minute qui s’envole, chaque minute qui vient nous maintient dans une lutte perpétuelle, nous donne conscience de nos devoirs . Le mien est, je crois, de traduire en chansonnettes les émotions que je ressens à mesure que j’existe . Mais je ne crois pas que ce devoir implique fatalement le droit d’ennuyer le monde . Il faut distraire en évitant les humeurs noires, les mélancolies perverses , dans lesquelles ne peuvent se délecter que ceux qui ont perdus la foi dans les ressources de nos qualités natives . Bien sûr, moi aussi, comme tout le monde, j’ai de la peine, des coups durs . Mais ces larmes, je ne veux pas les monter en épingle de cravate, je me refuse à pleurer en public, ou à me vautrer dans le macabre sous prétexte d’avoir l’air profond . Je voudrais que mes chansonnettes vous apportassent avec l’oubli passager des problèmes actuels, la facilité d’aborder, d’accueillir ces problèmes . L’autre jour, au quartier latin, les étudiants des Beaux-arts m’ont tendu la main, et j’ai dansé avec eux la ronde . Aujourd’hui je vous tend la main, et je vous invite à chanter avec moi . Je vous invite à vous souvenir que nous somme le peuple le plus spirituel de la terre , que tout le prouve dans notre histoire par les génies qui ont fleuri sur notre sol, par le controle de nos actions passées . Je vous invite à me considérer non pas comme une vedette sophistiquée arrivée qui vient vous barber avec sa renommée internationale, mais comme un copain . »
    Je trouve que c’est une belle profession de foi .

    Répondre
  5. MARC HAVET 16 juin 2013 à 15 h 57 min

    Le dimanche 20 octobre à 17H à la salle Rossini de la Mairie du
    9 eme arrondissement de Paris, dans le cadre de l’Intégrale Brassens, Marc Havet chantera Charles Trenet comme il le fait depuis de nombreuses années au Magique, sous le titre de :
    Le chanteur fou chante le fou chantant
    http://www.marchavet.com

    Répondre
  6. MARC HAVET 16 juin 2013 à 16 h 13 min

    Les plus belles chansons d’amour sont pour moi « j’ai connu de vous » et « Mam’zelle Clio », ne dites pas que l’œuvre de Trenet ne comporte pas de chansons d’amours !

    Répondre

Répondre à MARC HAVET Annuler la réponse.

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

code

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>

Archives