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Roger Riffard, « observateur de nénuphars au clair de lune »

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Au premier plan : Thibaut Defever (Presque Oui) et Zaza Fournier ; au second plan : Gérard Méjean (direction musicale), Flavia Perez, Anne Sylvestre, Gérard Morel (mise en scène) et Hervé Peyard (photo Le Train-Théâtre)

 

Il le chante en connaissance de cause : les hommes qui permettent aux trains de rouler ne sont pas assez riches pour y monter et voyager jusqu’à Napoli. Et il ajoute ailleurs qu’ils n’auront pas non plus leur petite maison et mourront à l’hôpital plutôt que dans leur lit. La classe sociale dépeinte par cet ancien cheminot est d’une couleur banlieue : les « Jules » disent pis que pendre des « Etienne » qui le leur rendent bien ; un complexé ne se décide pas à inviter une dame pour danser la java ; l’humble amoureux venu faire sa demande pour Mademoiselle Grand FlaFla se fait jeter ; le mari lassé se garde bien de chercher à secourir sa femme tombée dans un puit ; la prude jeune fille finit par céder au monsieur audacieux et la mère effarouchée lutte hypocritement contre la concurrence de sa fraîche fille auprès du jardinier ! Cet univers triste est celui que dépeint Roger Riffard dans une bonne partie de ses chansons, autant dire qu’il ne se nourrit pas d’illusions sur la réalité des sentiments humains et des cloisons de la vie.

Comme échappatoire à cette désolation, il chante l’impérieux besoin de quitter les villes et d’aller vivre à la cambrousse, d’y retrouver les pâquerettes dans lesquelles il roulera ses amours illicites et qu’il mangera plus tard par la racine. Il promeut aussi l’amitié même si elle est fragile… Mais surtout pour supporter la vie et se la faire douce, il préconise la paresse, la contemplation des nénuphars et des nuages et surtout la poésie qui permet de tout relativiser. Car le regard désabusé de Roger Riffard se transcrit dans une versification précise, un langage et un vocabulaire précieux ; le charme de ses chansons découle d’une écriture classique un tantinet désuète mais belle et pleine de trouvailles « Déjà la bruine a transi tour à tour / L’oiseau la fleur et le serment d’amour / Et ce qui fut l’honneur de l’été / Au vent du Nord sera vite emporté » (Toi qui ressembles) et de leurs fines mélodies. Une bonne partie de son humour naît du contraste entre le maniement distingué de la langue et de la musique, et la grisaillerie d’âme qu’il exprime. Et il devient désopilant lorsqu’il chante lui-même avec une voix fluette accompagnée de mimiques indescriptibles. Comme l’énonçait Beaudelaire « le Beau est toujours bizarre. (…) Je dis qu’il contient toujours un peu de bizarrerie, de bizarrerie non voulue, inconsciente, et que c’est cette bizarrerie qui le fait être particulièrement le Beau. » Ce principe s’applique à merveille à Roger Riffard et à ses chansons-bijoux –  cocktails inédits de styles contradictoires – qui emportent l’adhésion de ceux qui les ont écoutées.

roger-riffard-chanson-francaise-2320Ainsi, longtemps après sa mort le 29 octobre 1981 (le même jour que Brassens mais cela a déjà été beaucoup dit !), quelques passionnés ont cherché à rassembler le maximum de documents à propos de Roger Riffard et les ont mis à disposition de tous dans un site. Et cet hiver, un groupe d’artistes de plusieurs générations sous la houlette de Gérard Morel, grand amateur de Riffard, va reprendre ses chansons dans un spectacle. Cette troupe rassemble Anne Sylvestre (qui l’a bien connu pour avoir partagé l’affiche avec lui au Cheval d’Or), Flavia Pérez, Zaza Fournier, Presque Oui et Hervé Peyrard sous la direction musicale de Stéphane Méjean. Ils donneront à ces chansons une nouvelle exposition qui témoignera de leur drôlerie, de leur profondeur, de leur actualité, en un mot de cette bizarrerie qui en fait leur beauté.

Ce sera Gare à Riffard au Train-Théâtre à Portes-Lès-Valence les 14 et 15 janvier 2014 et au Théâtre du Vellein à Villefontaine le 16 janvier 2014. Image de prévisualisation YouTube

2 Réponses à Roger Riffard, « observateur de nénuphars au clair de lune »

  1. Danièle Sala 23 décembre 2013 à 18 h 13 min

    Qui aime Brassens et Fallet aime aussi Roger Riffard, ils sont de la même trempe d’écrivains, chanteurs , issus du peuple et qui se sont cultivés eux-même . Bizarre ? Vous avez dit bizarre ? Oui, avec cette voix  » comme un écho des plateaux de l’Aubrac  » et ses chansons qui peignent une triste réalité, d’une façon joliment désuète et drôle , mais il y a toujours des  » observateur s de nénuphars au clair de lune  » et Roger Riffard nous prouve encore que la chanson française est riche de diversité

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  2. Francis Hébert 23 décembre 2013 à 19 h 16 min

    Bel article…

    Quand je pense à Riffard, il y a également deux noms me viennent en tête puisque leur style s’en approche un peu… Pour le meilleur.

    Pierre Louki et Bel Hubert.

    De Riffard, j’ai une grande affection spéciale pour sa chanson La guitare d’Édouard, reprise par Gérard Pierron, mais l’originale demeure inégalée.

    Répondre

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