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Lavilliers, alors dans le sillage de Brel et de Brassens

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Alain Meilland, Michèle Hubert, Bernard Oulion et Stéphane Duk dans la spectacle « Nocturne », le 7 avril 1965 sur la scène du Lycée Etienne-Mimard, à Saint-Etienne, au sein de la troupe Duk. Dans moins de deux mois, Bernard Oulion optera définitivement pour le pseudonyme de Bernard Lavilliers, qu’il étrennera sur la scène de l’Amicale laïque Tardy le 12 juin de cette année-là.

Une conférence chantée nous permet de découvrir la pré-histoire de Bernard Lavilliers, faite de ses chansons oubliées, jamais enregistrées. A Prémilhat (près de Montluçon) le 24 octobre 2014 puis à La Jarrie (près de La Rochelle) le 1er novembre.

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Second album de Lavilliers, en début 1967, avec deux titres importés de sa période stéphanoise : Les feux d’artifice et La frime.

Avant ses trois 45 tours parus en 1967, avant ce premier album paru en 1968, combien y a-t-il eu de chansons de Bernard Lavilliers qui n’ont pas été enregistrées ? Beaucoup, on peut l’imaginer. Il suffit de lire la presse ligérienne de l’époque, qui souvent cite des titres chantés par le jeune Lavilliers à Saint-Etienne et dans la région : autant de chansons que nous ne connaissons pas, qu’à de rares exceptions nous ne savons plus. Qu’était donc Lavilliers avant Lavilliers, avant Lavillos, avant qu’il devienne un fauve d’Amazone, que nous disait-il, que nous chantait-il ?

Par deux fois, le chanteur Eric Guilleton et le journaliste Michel Kemper, auteur du livre Les vies liées de Lavilliers (Flammarion), évoqueront cette période faste mais inconnue par une conférence, entièrement réécrite, illustrée de chansons de Lavilliers de l’époque. De ces chansons créées à Saint-Etienne en 1965, chantées dans les environs, à Lyon et Grenoble également, mais que Lavilliers n’emmènera pas avec lui à son départ pour Paris (Paris et non Rio de Janeiro…) pour tenter l’aventure de devenir chanteur. A son arrivée dans la Capitale, quartier de la Contrescarpe, il ne chantera à ses débuts que des textes de Léo Ferré et de Gaston Couté ; pas les siens.

Qu’étaient-elles d’ailleurs ses premières chansons ? Des textes bien construits, solidement charpentés, où on sent, selon les titres, l’influence de Brel et de Brassens. Mais pas de Ferré, qui n’est pas encore, il s’en faut de peu, tout à fait arrivé dans la vie de Lavilliers.

DSC09150Ainsi A la messe de dix heures où l’accent brélien est évident, et où sont proches Les dames patronnesses du Grand Jacques : « V’là m’sieur l’curé qui va prêcher / Mais de quoi va-t-il nous parler / Des ouvriers de votr’mari / Il paraît qu’ils sont mal nourris […] Celui qu’on a à la maison / Est très joli, poli, beau garçon / Une façon de s’exprimer / Tout à fait déprolotisée (n’est-ce pas…) / Il a quelques mots inconnus / Qu’on a peine à analyser / Augmentation, congés payés / Prime de nuit et jours fériés… »

Comme Ça en fait des croix (« Ça en fait des croix / Cent ans de guerre / Ça en fait des guerres / Cent ans de croix… »), La médisance (« Je chante pour ceux dont vous disiez / Je chante pour ceux que vous médisiez / Je chante pour ceux qu’ont le rire mauvais / Je chante pour ceux qui n’furent pas laquais… ») et pas mal d’autres encore, toutes d’une évidente parenté avec Brel.

J’aime pas les flics tire vers l’univers de Brassens qui aimait pareillement les braves pandores, ceux de Brive-la-Gaillarde et d’ailleurs. « Si t’as pas peur des varices / Rentre dans les agents de police / Tiens-toi bien au régiment / Tu deviendras p’t'être sergent / Moi, j’aime pas les flics / J’aime pas les flics / Ça c’est pas banal… » Et que dire de cette autre chanson que le natif de Sète aurait fort bien pu chanter : « Le petit chat de mémère / Bien gras, bien gras / S’embête sur sa litière / Hé oui, c’est comme ça / Il rêve de gouttières / Et de bons vieux chats / Qui ont fait toutes les guerres / Et qui connaissent les rats… » Eh oui, ça aussi c’est du Lavilliers et on ne le sait plus !

« Un Brassens naissant, mâtiné d’un Brel convaincu » lit-on sur un des quotidiens de la région stéphanoise, en décembre 1965. A écouter Lavilliers de cette année-là, c’est tout à fait le sentiment qui s’en dégage, avec parfois des intonations à la Ferrat d’une voix haut perchée qui ne correspond pas à son âge : Bernard Oulion, dit Lavilliers, n’a que 19 ans.

ALAIN MEILLAND DE RETOUR A SAINT-ETIENNE Alain Meilland, qu'on voit en photo en haut de cet article avec Bernard Oulion/Lavilliers en 1965 dans la troupe Duk (Meilland prit le rôle et la fonction de Bernard, ceux de chanteur, à son départ de la troupe), est lui aussi stéphanois. Chanteur, acteur à la Comédie de Saint-Etienne, il quittera vite sa ville pour d'autres aventures artistiques qui le mèneront et le fixeront sur Bourges, où il co-créera le fameux Printemps de Bourges. Ses amitiés avec Léo Ferré et Bernard Lavilliers sont célèbres. Longtemps après, Alain Meilland revient sur la ville verte pour ce qui sera sera sans doute la dernière représentation du spectacle « Léo de Hurlevent » qu'il joue depuis deux ans. « Que Meilland termine cette aventure artistique où tout à commencé, c'est à dire chez Jean Dasté, en 1968, avec la toute première rencontre avec Léo Ferré, c'est un beau symbole, un vrai "retour aux sources. » « Léo de Hurlevent », le vendredi 10 octobre au Théâtre de la Grille verte à Saint-Etienne.  (photo Centre-Presse)

ALAIN MEILLAND DE RETOUR A SAINT-ETIENNE
Alain Meilland, qu’on voit en photo en haut de cet article avec Bernard Oulion/Lavilliers en 1965 dans la troupe Duk (Meilland y prit la fonction de Bernard, celle de chanteur, au départ de celui-ci), est lui aussi stéphanois. Chanteur, acteur à la Comédie de Saint-Etienne, il quittera sa ville pour d’autres aventures artistiques qui le mèneront et le fixeront bientôt sur Bourges, où, avec Daniel Colling, il co-créera le fameux Printemps de Bourges.
Longtemps après, Alain Meilland revient sur la ville verte pour ce qui sera sera sans doute la dernière représentation du spectacle « Léo de Hurlevent » qu’il joue depuis deux ans. Que Meilland termine cette aventure artistique où tout à commencé, c’est à dire chez Jean Dasté, en 1968, avec la toute première rencontre avec Léo Ferré, c’est un beau symbole, un vrai « retour aux sources.
« Léo de Hurlevent », le vendredi 10 octobre au Théâtre de la Grille verte à Saint-Etienne. (photo Centre-Presse)

Ma gueule, Jeannette, Le marché blanc, A la messe de dix heures, Mon frère de Harlem, J’aime pas les flics, Whisky-Club, Sacré prolo, Le petit chat de mémère, L’homme en bleu, Le réfractaire, Ça en fait des croix, La médisance, L’Espagne, Le mur, Si vivre, La galère, Au-delà, Bien que, Quarante ans, Grand-père, L’oiseau de satin, Chanson pour ma mie,… On se saura jamais le nombre de chansons abandonnées par Lavilliers, jetées dans le fossé de ses débuts. Il a chanté trente de ses chansons le 1er décembre 1965 au ciné-club du quartier Beaulieu, à Saint-Etienne, « trente de ses chansons poétiques, une poésie qui va de la révolte la plus dure au tendre le plus amoureux en passant par le cynisme, l’humour féroce ou gouailleur et l’ironie » en dit encore la presse de l’époque. De sa furtive carrière stéphanoise, il ne sauvera que quatre titres, pour nourrir d’urgence ses 45 tours un peu précipités de 1967. Le reste se perd définitivement. Et le reste, pour ce qu’on en sait (pour avoir retrouvé quelques de ces chansons, et les partitions qui vont avec, parfois l’enregistrement même de Bernard Lavilliers sur une copie de travail) sont d’une qualité que bien des jeunes chanteurs d’aujourd’hui pourraient envier : car peu lui arrivent aux chevilles.

C’est tout l’intérêt, entre autres, de cette conférence que de renouer avec ces chansons-là, pas entendues depuis presque cinquante ans.

A la ferme de la Ganne, dans le cadre des Rencontres de la Chanson francophone de Prémilhat le vendredi 24 octobre à 14 h 30. Puis à La Jarrie, salle des fêtes, dans le cadre du Salon du livre, le samedi 1er novembre vers 20 heures.

En illustration de cet article, un document sonore d’avril 1967. Ainsi que cette vidéo tirée de l’émission La fine fleur de Luc Bérimont, en 1968 : Paris redingote de plomb : Image de prévisualisation YouTube

6 Réponses à Lavilliers, alors dans le sillage de Brel et de Brassens

  1. Louis Arti 3 octobre 2014 à 11 h 06 min

    Oui, comme plein d’autres. Mais le système néo libéral est ainsi fait : il cible une clientèle et promeut le produit qui se vendra le mieux. Que de fois ai-je entendu, à cette époque, des gens, « de gauche » surtout, me dire : – Tu ne sais pas te vendre ». J’ai tout de même élevé ma famille en tant qu’artiste et ce, sans jamais faire une concession et sans jamais avoir été en compétition avec la plupart des créateurs (De Vasca à Ribeiro) qui ont été mis de côté pour que quelques « produits » du système néo libéral réussissent leur pesée commerciale. Après, il y a le talent. Mais là, des gens qui chantent et écrivent de très belles choses il y en avait beaucoup (et il y en autant ou plus aujourd’hui). Or les règles du commerce sont toujours aussi dégueulasses. Par contre, avant les années 70, il y avait des maisons de disques et des salles de concerts et cabarets qui engageaient les artistes (gros vendeurs ou pas). À partir des hyper marchés, seul le théâtre (petites compagnies) on été aidé, tous les autres on été exclus – les mairies programmant des « cars à Bercy » plutôt que des actions culturelles. Note : je chante toujours et de mieux en mieux (je ne suis pas le seul, d’ailleurs). Quant au « nouveau Brel et au nouveau Brassens » y en a eu tellement, que les ossements des intéressés pourraient s’en faire une garde robe tous les soir.

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  2. Joao Rolo 3 octobre 2014 à 11 h 22 min

    Au début était un jeune homme timide qui… rêvait de parcourir un monde qui le nourrirait de chansons et d’histoires fascinantes… Rimbaud ? Non ! Nanar !!!!

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  3. Gérard Chiurchi 3 octobre 2014 à 11 h 23 min

    C’est de cette époque que Georges, Robert et moi l’avons découvert, juste après Vasca.

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  4. Danièle Sala 3 octobre 2014 à 14 h 00 min

    C’est impressionnant d’écouter cette vidéo, la graine de Nanar était déjà là , la voix, la présence, un texte superbe, et on mesure le travail et les progrès , notamment au niveau musical avec le Lavilliers abouti d’aujourd’hui . Une conférence qui doit être passionnante !

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  5. Patrick Engel 3 octobre 2014 à 14 h 56 min

    Et quelque chose me dit que vous n’allez pas tarder a entendre parler à nouveau de Bernard L. en ces lignes, chers Enlecteurs…

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  6. Jean Paul Achard 7 octobre 2014 à 18 h 14 min

    Je possède encore son 33 tours de 67 (?) avec : Chanson pour ma mie – Petit boulot – Le métier – Chanson Dada – Rose rêve – La dernière bouteille – La bossa cancanière – Eurasie – Le poète crotte – Chanson douce – Climat – Paris redingotte de plomb – La frime – Quand ma plume. S’il y a des amateurs pour une copie (mais il faudrait que je retrouve une platine disque !
    Etudiant à Lyon nous l’avions fait venir pour une soirée à la résidence universitaire de St Irénée. Vu et entendu aussi à l’époque à Firminy en spectacle avec Colette Magny

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