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Pierre Perret, pour nous rappeler quel homme il est

(photo DR)

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Pierre Perret, 3 décembre 2015, Le Firmament à Firminy,

 

Avec Perret c’est ou tout vieux ou tout jeune. Que des anciens dans la salle (bondée) de ce Firmament : des qui étant gamins ont sans doute bouffé au Tord-Boyaux, chez Bruno, des qui sont allés en colonies de vacances pendant que leur grande sœur partait pour Tanger. Et qui, bien plus tard – un demi-siècle tout de même – emmènent leurs petits-enfants, leurs arrière-petits-enfants même, pour s’éduquer : apprendre tout de « la vie secrète/ des angoissés de la bébête » et « planter l’décor / de l’appareil masculin d’abord », bien savoir avec méthode casser la vaisselle à maman, ouvrir « mêm’ si on doit pas vous l’pardonner » La cage aux oiseaux. Pierre Perret est, on le sait, un grand pédagogue devant l’éternel. Faut-il lui dire qu’on l’aime pour ça ?

Mais y’a pas que ça chez lui. Il y a ses femmes et c’est tout un roman. A l’eau de rose qui pique, avec des guêpes aux gros dards qui bourdonnent, qui travaillent les chairs dare-dare. Car, s’il y a Blanche (« Blanche, oooooh ma Blanche / sauvage au rouge cœur / la courbe de tes hanches / je m’en souviens par cœur »), il y a aussi La Corinne, celle qui ferait bander un mort, « qui a encor’ trouvé un’ pine » (elle en trouve tout le temps), EstelleAlphonsine (« Quand mad’moiselle Alphonsine / trempe son cul dans la bassine… »), celle « qui prend les mâles par la racine. » Dans les travées, on pouffe, on rit, on rougit, on glousse, on s’étouffe à chaque vers : « que je bande pour elle »« quand j’évoque son cul »« j’lui ai dégraissé la serrure / elle m’a caressé l’opossum »… Ça nous rappelle un temps où nous avions vingt ans, des audaces qui se font rares et que parfois ranime un losange bleu, un vocabulaire abandonné aux vieux dicos…

De retour à la maison, les aïeux feront sans doute un debriefing avec leurs petits-enfants, revenant sur les mots joliment imagés, bien ouvragés, de l’ami Pierrot.

Quatre-vingt-un ans, le Pierrot. Et ma foi bien portant. Y’a que la voix qui désormais lui tombe dans les chaussettes. Son répertoire ? Quelques-unes de ses femmes sorties du nouvel album. Et puis un immense best-of, pot pourri de ses succès. Y’en manque mais y’en a tellement : Au café du canalQuand le soleil entre dans ma maisonLe plombierCuisse de moucheLes baisers, Donnez-nous des jardinsTonton ChristobalLe bonheur c’est toujours pour demain… Lui chante mais s’économise : la salle entière fait chorus. Et c’est ça qui est beau. S’il est bien de revoir Perret tant qu’il est debout, c’est mieux encore de constater in vivo sa trace dans la chanson, dans nos vies. Ses chansons qui sont comme les petits cailloux blancs du Petit Poucet qui nous aident à retrouver notre chemin. Tant d’autres chanteurs que lui ont laissé des miettes de pain depuis disparues, avalées par de menus moineaux, lui ses chansons s’accrochent. C’est pas pour rien qu’on y emmène des mômes. Pour transmettre, ne rien perdre. Vous rendez-vous compte ? Plus d’un demi-siècle de chansons et nous chantons toujours à tue-tête EstelleMon p’tit loupJe suis de Castelsarrasin et Lily qui s’en venait des Somalies… (dommage d’ailleurs, à trois jours des élections, qu’il n’ait pas repris La bête est revenue, rien que pour voir l’effet dans la salle, de possibles grognements, des fronts qui se plissent, supplice…)

Pierrot coquin, Pierrot tendresse. Et Pierre colère. Lily donc, mais aussi Femmes battues et La femme grillagée : « C’est la complainte de l’épouse / De la femme derrière son grillage / Ils la font vivre au Moyen Âge / Que la honte les éclabousse. »

Ce récital ample et généreux est certes une compile mais c’est bien plus : c’est une part de nous, humains grivois, hommes indignés et amoureux transis. Rarement chanteur en scène n’a pu traduire ça, aussi bien que ça. Si, Brassens.

 

Le site de Pierre Perret, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.

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2 Réponses à Pierre Perret, pour nous rappeler quel homme il est

  1. Pierre 14 janvier 2016 à 9 h 43 min

    Oh la la ! Michel, vous comparez Perret à Brassens, le Pierrot ne va pas aimer, il se croit bien supérieur au tonton sétois…

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    • Michel Kemper 14 janvier 2016 à 10 h 37 min

      Oh vous êtes dur, Pierre ! :) Oui, j’ai déjà lu des entretiens, des écrits de Pierre Perret. J’aime beaucoup Perret, je crois qu’il est déçu de ne pas être tenu pour un grand. Mais par qui ? Si c’est par des prétendus qui ne savent rien de la Chanson, ça ne m’ennuie pas. Pour moi il est un des grands de le Chanson française. Brassens est à mon sens d’une autre statut encore : c’est mon ying et c’est mon yang, c’est vers lui que je me ressource tout le temps. Reste qu’il est agréable aussi de se ressourcer de temps à autres au Pierre Perret. Je sais, on me l’a dit, que les amateurs de Brassens n’aiment pas beaucoup Perret : c’est dommage. Moi j’aime les deux, et beaucoup d’autres aussi. Perret a dit des bêtises sur Brassens, sans doute : j’ai même pas envie de lui en tenir rigueur.

      Répondre

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