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Alain Nitchaeff, addict à la vie

Alain Nitchaeff (photo Lauren Pasche)

Alain Nitchaeff (photo Lauren Pasche)

Alain Nitchaeff, L’Esprit frappeur à Lutry, 29 avril 2016,

 

« Moi je pense je / J’écris des chansons / Pleines de jolis je / Je c’est mon prénom / Je me rends hommage. » S’il parle de lui c’est pour mieux nous entretenir de nous en nos enfers, nos addictions : « J’ai l’âme si noire / Que parfois j’dois boire / Et quand j’bois j’aboie / Et quand j’bois j’me noie. »

La scène est de poche et chaque musicien* bien à sa place, batterie et basse au fond, guitare électrique et clavier devant, de part et d’autre. Et le chanteur irradiant en son milieu. Seuls la musique et les textes bougent. Et ça bouge vraiment. Secousses in the pocket.

C’est le cinquième récital de l’Helvète Alain Nitchaeff, qui se veut être non forcément le résumé des quatre précédents mais une sortie d’anthologie, de compilation, de best of. Pour le coup c’est vraiment le meilleur de.

Avec – ce qui manquait sans doute auparavant -, une joie évidente tant que ça vous rajeunit un Nitchaeff qui est là, devant vous, comme un gamin, un lutin, à vous présenter ce qu’il sait faire de mieux, à rire de ses mots graves, des enfers de notre civilisation, de ses impasses. D’en déconner avec ses complices de scènes, avec nous, avec lui-même. Il peut chanter les pires choses – et ne s’en prive d’ailleurs pas -  que jamais il ne se départit de son sourire. C’est joyeusement communicatif et ouvre la porte à pas mal de bons mots, même s’il tente d’en réguler le début, le débit, le débat.

(photo Svetlana Egoreva)

(photo Svetlana Egorova)

L’électricité sied bien à Nitchaeff dont les mots sont déjà des éclairs, des bribes de tonnerres, d’infernales braises, des vers peuplés de vies, de désirs et de péchés, grouillant d’un monde qui s’accommode de tout et de rien, qu’on somme et qui consomme : «  Et l’on s’abîme / Dans nos abîmes / On se replie / Dans nos replis / On s’abandonne / On surconsomme / On perd son temps / On glisse lent’ment / Les bourses plongent / Et fin du monde. » Les chansons de Nitchaeff ce sont des superproductions avec moult figurants, des vers qui se font du cinéma changeant selon l’angle de prise de vue, la profondeur de champ – pas forcément celle du chant dans lequel on croit apercevoir tantôt Leprest ou Lantoine, Arno ou Béranger (François) –, le scénario, les décors, parfois les personnages principaux. Ici c’est le dealer déjanté, là Paolo le mafieux sicilien, là encore nous tous qui nous prenons pour Sylvester Stallone. Y’a de beaux salauds dans les rimes du Suisse et dieu ou diable toujours à la commissure des vers, aux aguets de rigueur. Et lui, Nitchaeff, qui voyage en solitaire : « Je me sens comm’un ver solitaire / Y’a des ondes qui grésill’nt dans ma grotte / Je le sais, je le lis dans les crottes / Des vautours qui pullulent depuis peu. »

Ça et, puisés dans les chansons d’avant, particulièrement dans l’Effileur du temps, comme dans les toutes nouvelles créées pour ce nouveau récital, l’amour, la passion (« On fera la fête / Entre dieu et diable / Couchés sur le sable… »), des élans panoramiques qui s’échappent d’un monde désespérant et prennent de la hauteur d’âme, élargissant la focale à la juste dimension des espoirs et des sentiments : « Le cri de nos mouettes dans les nuits impériales / Un murmure d’alouette, une étoile qui s’étale / La peur qui nous submerge, la parole qui s’éteint / Et tous ces corps transis face aux chars mandarins / Le cadeau de ses yeux qui te regardent enfin / Les aiguilles et le fil pour réparer demain »

Des sentiments contradictoires en un même set, admirablement servis par un artiste au mieux de sa forme, de son talent. Et par des musiciens qu’on peut lui envier pour longtemps.

 

*Serge Kottelat aux guitares, David Caraccio à la basse, Antoine Quinet aux claviers et guitare, Gabriele Schira à la batterie. Le site d’Alain Nitchaeff, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.

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