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L’ami Mie, orages et des espoirs

Éric Mie (photo Anne-Marie Panigada, Barjac 2016)

Éric Mie (photo Anne-Marie Panigada, Barjac 2016)

« Puis je suis rentré abattu / Brisé, en miettes, lamentable / Mon vacarme intérieur s’est tu / Et j’ai regardé sur la table (…) J’aurais du repeindre d’un jet / De mon sang toute la maison / J’ai regardé la table et j’ai / Écrit ma première chanson… »

À contre-marée, à contre-emploi…

C’est avec la lune de Pomme (« C’est le poème cru / De mon désir accru / Mon cantique à ta Lune / Mon psaume à tes deux dunes »), son personnage emblématique, allongée sur le sable et partout où elle peut poser son cul sur cet élégant digipack, que notre natif de Lunéville introduit son nouvel album un peu trompeur. Avec son physique de scieur de long et ses chansons natures, le Vosgien a séduit Barjac le mois passé : peu ou prou le public ne le connaissait pas. Pas encore. Qui l’attendait alors dans une nouvelle case festivalière que Mie étrennait, celle de l’humour, fut-il caustique. Étonnamment, alors que son nouvel album, le cinquième, était sorti depuis trois ou quatre semaines, à un titre près Éric Mie ne l’a pas chanté.

imageCar, au moins pour les amateurs éclairés, qui connaissent leur Mie en entier, ceux à qui on ne la fait pas, ce disque est singulière rupture avec les précédents. Délibérément dans la finesse : il en faut pour écrire ce qu’il y écrit. Mie se forçait chaque fois de faire montre de son art par un savant dosage de chansons rigolotes, d’engagées et d’autres tristes. On l’a souvent cité comme un des héritiers de Font & Val : toutes ses chansons se prêtaient à cette filiation. Là, il s’en va résolument vers d’autres portées…

À la fois tendre dans la forme, d’une tendresse désabusée, grave, infiniment grave. Et triste, comme quand on chante le désespoir. D’un vague à l’âme dont on devine les raisons. Sous la plage les pavés. Et la peur et l’horreur : « Foutue bourrasque / Le ciel a son masque / Des heures grises / La pluie redouble / Et puis tout se trouble / Se fanatise ».

C’est manifestement un album qui suinte des mois passés, de cette année 2015, et témoigne du temps présent. Le stylo cherche ses mots pour évoquer ce qui est autrement plus dur à dire. Le verbe n’est cette fois-ci ni banderole ni calicot. Pas de prêt-à-crier, de prêt-à-penser, de prêt-à-gueuler. Tel un Luz taraudé de questions, qui plus jamais ne dessinera comme auparavant.

L’écriture, oui, est saisissante, qui nous parle ici de cauchemars, là de violence : « Encore un jour où je m’étonne / D’aimer l’amour, d’aimer la vie / J’ai la kalachnikov fébrile / Je ne ferais pas de quartier… », « L’inspectrice après la poursuite / Négocie ma vie au chantage / J’veux d’la tendresse tout de suite / Ou je butte tous mes otages !! » Onze titres compliqués, qui nous impliquent, nous questionnent, en appellent confusément à l’amour face à la violence, à cette tournure des choses.

« Une terrasse dans le ciel / D’où j’admire la foule folle / Se crachant des morts et du fiel / En sirotant quelques alcools / Une terrasse où je me grise / Où je m’enivre au doux tumulte / Des abrutis qui se divisent / Des guerres stériles et adultes… » La météo est celle de la peur, des attentats : « Foutue bourrasque / Le ciel a son masque / Des heures grises / La pluie redouble / Et puis tout se trouble / Se fanatise ».

C’est un disque de maintenant, hélas de demain, certainement pas d’hier. Le monde s’est dégradé et Mie ne fait pas, ne fait plus le mariole : chaque mot pèse ici son poids de gravité même contrecarré par la mélodie, une troublante mélancolie, qui s’efforce chaque fois d’être légère mais. Toutes nos forces et nos faiblesses, nos peurs et nos courages, nos espoirs et nos lâchetés sont nichés dans les vers de ces chansons, presque à la manière d’une doublure.

« Dans ma poche il y a la peur / Pas de bout de pain, pas d’argent / Pas de cailloux porte-bonheur / La solution à mon tourment… » Est-ce Mie qui a changé, est-ce notre monde qui a basculé dans un ailleurs tragique ? « Quitte la terre austère / Pour ce bonheur à suivre / Il est prioritaire / Pour survivre (…) Au-delà de vos dieux / De vos maîtres immondes / Il y a une flamme, un feu / À trouver sur ce monde ».

Doit-on dire que ce disque est en tout point remarquable ? 

 

Éric Mie, Contre-Marée, Éditions de la Pigne/Nestana Prod 2016. Le site d’Éric Mie, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. Image de prévisualisation YouTube

Une réponse à L’ami Mie, orages et des espoirs

  1. BUREAU 4 septembre 2016 à 16 h 04 min

    Après une première écoute en rentrant de Barjac en car, j’avais été perplexe ! Je vais l’écouter à nouveau !
    Le problème c’est d’avoir trop de choses à écouter !
    Je viens aussi de recevoir le nouveau Marie d’Epizon… chouette, comme d’hab !

    Répondre

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