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François Fraisse, du début à la fin

couv_livret170716Comment écoutez-vous un album ? Du début à la fin ? En lecture aléatoire ? Selon que vous commencerez par le début ou par la fin, le ressenti de ce nouvel et second album de François Fraisse vous sera totalement différent. Commencer par le début (par la chanson-titre, J’ai hâte) c’est se lancer dans un disque plaisant, mi-chanson mi-variété, aux sujets non faciles, non futiles mais, disons reposants : « J’ai hâte de faire comme le grand Jacques / Prendre mes clics et mes clacs / Vers la terre promise des îles Marquises… » On se dit tiens, un disque qui nous repose de tout, des modes et des tracas : presque hors du temps. Qui « engrange de doux mélanges d’anges / de songes et d’enfance », « se m’amour[e] encore / s’abandonn[e] à notre sort / pour te savourer encore ». Un disque sans prétention « avec mes petites chansons / mes petites carrioles / de bonnes casseroles qui marchent bien / dans la ville on me connaît bien… » Temps arrêté, bonheurs simples (avec qui plus est Sirène, joli hommage à la championne olympique de natation Camille Muffat) tout juste contrecarré, contrarié par L’entreprise qui, elle, nous renvoie à la triste réalité de ce monde : délocalisations, licenciements, chômage… D’autres que lui (Bobin, Frasiak, Dudek, Lavilliers…) ont aussi chanté les usines vides et les mains d’or : Fraisse le fait avec la même douleur, la même retenue.

Maintenant, tentez l’expérience (comme je doute que ce disque soit en tête de gondole à la Fnac, entre machines à café et lave-linges, allez sur le site de Fraisse et commandez-le au préalable) : commencez par la fin. Le Cabu’song en piste 10 ? Non, quitte à faire plus loin encore, sur cette piste cachée… La chanson qui suit le bel hommage au dessinateur Cabu n’est même pas titrée : elle n’existe que si vous laissez traîner le disque jusqu’à la fin. Ça s’appelle Adieu ami, chanson écrite au lendemain du massacre du Bataclan : « Ils m’ont volé ma liberté / En plein cœur de Paris / Moi l’insoumis / Je dis adieu amis famille / Et puis adieu ma chérie / Je t’aime je t’aime / Oui mais / Adieu la vie j’ai rien compris / J’en crève aujourd’hui / Pourtant c’était bien parti / Un son de folie / Venu de Californie / Et le public ravi / Jusqu’à ces bruits / Pétards mouillés / Comme tes grands yeux meurtris / Qui pleurent / Ma lente agonie […] J’ai rien compris / A cette barbarie ». Si vous commencez par la fin, vous allez donc de Charlie au Bataclan et c’est effectivement un tout autre disque, qui soudain fait fi de l’insouciance, de la légèreté des premières plages. Ça jette un froid, effroi. Dr François et Mystère Fraisse…

Cet Ardéchois est intermittent du spectacle et vous ne le connaissez pas. D’abord chanteur de bal (ce qui est très formateur) puis repreneur de Brel, de Brassens et de quelques autres de même tonneau, ce qu’il est encore. Premier album perso (Je voudrais vous parler) il y a quatre ans, nouvel album (gorgé de beaux dessins d’Arnu West) il y a quelques semaines. Et la volonté d’en parler, de le défendre. Il y a de quoi. On apprécie un tel répertoire original, qu’inconnu qu’il puisse être il associe son chant à des causes et des douleurs de partout partagées, faisant intelligent chorus. Fraisse mérite notre écoute.

 

François Fraisse, J’ai hâte, autoproduit 2016. Le site de François Fraisse, c’est ici. Image de prévisualisation YouTube

Une réponse à François Fraisse, du début à la fin

  1. Catherine Laugier 19 janvier 2017 à 17 h 35 min

    A redécouvrir par la même occasion cet album précédent, Je voudrais vous parler (2012), où Mystère Fraisse nous régale d’humour et de tendresse noires (Nuits canines, A petit feu…)
    http://www.deezer.com/album/6013071

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