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Avignon Off 2017. Salvador debout : on en prend plein la gueule !

Les Grandes Gueules (photo DR)

Les Grandes Gueules (photo DR)

Les Grandes Gueules croquent Salvador, Théâtre Notre-Dame à Avignon,

 

Je traque le travail des Grandes Gueules depuis une vingtaine d’années. Et le quatuor vocal me surprend à chacun des nouveaux répertoires qu’il aborde. Car il les décortique avec la patience, la technicité et la passion de l’entomologiste qui se retrouve face à un insecte jusqu’alors inconnu.

Ce matin-là, en me levant, je n’avais pas du tout mal aux dents, mais la soif d’entendre et de voir Henri Salvador être réveillé par le groupe vocal drivé de main de maître par Bruno Lecossois. Je sais depuis belle lurette que, pour celui-ci, chanter a capella se situe à mille lieues de la chorale d’église du dimanche matin, activité dans laquelle on a trop longtemps cherché à cantonner le chant polyphonique. Car pour Les Grandes Gueules, cette pratique relève plutôt d’une véritable science. Dans laquelle chaque accord est pesé, soupesé et surpesé, jusqu’à ce qu’il sonne d’enfer…

En effet, outre la qualité indéniable de chacune des voix des qautre personnalités singulières qui composent ce groupe atypique, sa principale caractéristique est qu’il a un son qu’aucun autre groupe n’est en mesure de produire. Alors, soyons clair : je ne dis pas que c’est le meilleur groupe vocal du monde (parce qu’un art n’a pas à être mesuré à l’aune de quelque compétition que ce soit). Non… j’écris simplement que je reconnaîtrais le son des Grandes Gueules entre mille, s’il m’était donné de les ouïr à l’aveugle. Parce que leur boulot est digne d’un véritable travail de recherche en laboratoire.

Et qu’ils abordent le génial Boby Lapointe en le faisant groover, qu’ils accostent le curieux Raymond Queneau en le faisant swinguer, qu’ils relient les mômes à Brassens, Souchon ou  Gotainer en les faisant jazzer, qu’ils musiquent les sonnets de Ronsard, Verlaine ou Lafforgue en les faisant sonner (« Poéziques ») ou qu’ils construisent leurs propres délires en les accordant et en les désaccordant sur leurs drôles de désirs (« Absolut Jazz Vocal », l’un de mes disques de chevet), Marie-Pierre Foessel, Bruno Lecossois, David Richard et Victoria Rummler font preuve d’un engagement total dans leur discipline vocale, qu’ils considèrent comme un sport à part entière.

Aussi, quand on entre dans la petite salle noire de 44 places du Théâtre Notre-Dame, s’attend-on à une rencontre explosive entre cette équipe surentraînée, qui s’en vient croquer du Monsieur Henri et l’oeuvre de celui-ci. Et, d’emblée, le match ne se déroule pas sans tensions. Dès le coup d’envoi, avec « Babylone 21 29″ (immortalisé par le fabuleux duo Jean Yanne/Henri Salvador), on sent bien que quelque chose de particulier se joue et se noue entre le groupe et ce répertoire d’une richesse exceptionnelle. Mais, surtout, on comprend immédiatement que nos zygomatiques ne sortiront pas indemnes de cette épreuve de farce. Parce que tout un chacun ayant entendu le rire de Salvador ne peut pas ne pas s’en souvenir. Et Les Grandes Gueules s’y entendent comme pas 5 pour servir cet humour ravageur, avec une droiture et une rigueur qui n’en font ressortir que davantage la fantaisie salvadorienne. Mais, ne vous méprenez pas, chers lecteurs : sous mon clavier, « droiture » et « rigueur » ne sont en rien péjoratifs, mais cherchent à signifier l’exigence du travail de ce groupe hors-norme.

C’est donc ainsi que s’enchaînent tubes populaires inoubliables et tordants (J’aime tes genouxLe lion est mort ce soirLe blues du dentisteMais non, mais nonMinnie, petite sourisZorro est arrivé…), mais aussi quelques petits bijoux connus ou méconnus qui nous font jaillir de jolies perles de pluie de nos quinquets embués (Une chanson douceUn chagrin d’amour, mais surtout les sublimes Jardin d’hiver et Un soir). Alors, au-delà de l’humour ou de l’émotion suscités par l’écriture (des Salvador, Bernard Dimey et autres Boris Vian) et par l’interprétation du quatuor (le visuel étant également pris en compte, chaque geste cherchant toujours à être juste), je commettrais une faute professionnelle en ne mettant pas, une fois encore, en exergue l’exceptionnelle qualité du son, digne des meilleures acoustiques. En effet, outre la qualité et la recherche des arrangements polyphoniques, un gros boulot est fourni en amont pour les faire sonner à la hauteur des attentes des Grandes Gueules. On apprendra donc à la sortie du concert que, si tout est vraiment interprété en direct et formidablement géré par la régisseuse technique Sophie Maïo, boucles et traitements sonores sont régulés par trois ordinateurs qui moulinent derrière le rideau de fond de scène. C’est donc aussi grâce à une technologie de pointe (mais, qui ne se fait sentir à aucun moment) que ce spectacle complet offrent à nos oreilles ébahies et reconnaissantes une qualité sans faille.

Bref, vous aurez compris que, une fois encore, en ouvrant la leur, Les Grandes Gueules m’en ont mis plein la mienne (sans pour autant parvenir à me la faire fermer, si ce n’est le temps du spectacle). Mais, sans jamais se péter la leur, ni se foutre de la mienne. Et rien que pour ça, celle-ci se fait toute petite devant les leurs : botus et mouche cousue.

 

Théâtre Notre-Dame (13 rue du Collège d’Annecy) tous les jours à 10h45. Le site des Grandes Gueules, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’eux, c’est là. Ce que nous avons dit d’Henri Salvador, c’est là.

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Une réponse à Avignon Off 2017. Salvador debout : on en prend plein la gueule !

  1. Odile 29 juillet 2017 à 13 h 19 min

    Oui en effet , il a beaucoup de talent, ce groupe vocal.
    « Les Grandes Gueules » , bonne idée de nous interpréter Henri Salvador, des voix qui jouent d’un instrument , j’adore!
    Merci pour l’article, j’aimerai les entendre et les voir sur scène.

    Répondre

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