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Elsa Gelly, Pascal Mary, l’essence de la chanson française

Elsa GELLY Photo archive  ©Catherine Cour

Elsa Gelly (photo d’archives ©Catherine Cour)

Co-plateau Elsa Gelly-Pascal Mary, 14 avril 2018, Le Petit-Duc à Aix-en-Provence,

 

Bien sûr les lecteurs fidèles de NosEnchanteurs connaissent Elsa Gelly et Pascal Mary. Pourtant il n’était pas question de passer sous-silence ce concert au Petit-Duc, et pour de bonnes raisons.

La première est que ce fut une soirée parfaite : salle complète, artistes au mieux de leur forme, son comme toujours parfaitement réglé, lumières rythmant la scénographie, et public répondant aux sollicitations des artistes. La seconde est que nous avons là la chanson française dans toutes les acceptions du terme.

La première partie, celle d’Elsa Gelly, est celle du triomphe de l’interprète : une voix nue, plus bel instrument de la chanteuse, une interprétation, c’est la comédienne, car Elsa est tout cela, on pourrait même rajouter qu’elle est aussi danseuse. Et Femme.

Qui plus est, elle nous fait une anthologie de la chanson française telle qu’elle raconte nos vies, imprime nos souvenirs, de la variété au rock, en passant par la chanson poétique.

Voix de diva ou de chanteuse de jazz tour à tour, elle est femme amoureuse, clown, comédienne dans sa loge, Barbara à son piano (elle fut d’abord musicienne) peinant à sortir sa voix fatiguée, une syllabe sur deux de Perlimpimpin. Ou rockeuse à genoux cassant sa guitare (virtuelle !) pour Allumer le feu avant de galvaniser le public le bras levé telle une moderne Liberté guidant le peuple. Son agilité vocale n’est mise en défaut ni dans le : « Les hommes ils z’aiment / Les femmes à hommes / Les femmes elles z’aiment / Les hommes à femmes » de Jeanne Moreau, sur le texte de Rezvani, ni dans le redoutable De dame et d’homme d’André Minvielle et de Marc Perrone du rappel.

Nul besoin d’instrument, même si quelques notes de piano accompagnent Amazing Grace, où ses qualités de blues woman apparaissent dans la beauté vocale, comme dans l’émotion qu’elle dégage. Son silence est musique, sa voix orchestre symphonique. Les oies sauvages sont jouées, mimées, reprises par le public, tout un extraordinaire pot-pourri de succès de comédies musicales ou de variétés remontent à notre mémoire, d’Emilie jolie à Il venait d’avoir dix-huit ans, mais aussi des chansons moins connues, comme la Noyée de Gainsbourg. Ou la si prenante Je t’aime de Michèle Bernard.

L’habileté de ses transitions font un spectacle où jamais le rythme ne retombe. Le bel Il y a avait de Piaf – Roche et Aznavour (1950) – chanté simplement d’une voix claire et harmonieuse fait monter la passion amoureuse avant que la réalité ne la rattrape: « Il y a eu le moment / Où, soudain, le printemps  / A repris ses serments.»  Percuté quarante ans plus tard, mais seulement trois secondes après, par L’amour est une forteresse, de Brice Homs et Michel Fugain interprétée délicatement « comme un papier de soie ». Suivi d’une improbable improvisation théâtrale où elle canalise l’émotion par le rire.

Jamais nous n’aurons aussi bien apprécié les paroles d’Un gars ben ordinaire, chantée avec la voix d’une héroïne de Starmania, et s’achevant dans un glorieux We are the champions.

Ni ressenti autant d’émotion avec le Pablo écrit par Nougaro pour la naissance de son fils : « Ça vient / Le fils que tu veux me donner / Ça vient / Ma distendue, mon étranglée / Ô ma montagne écartelée / Fille ou garçon qu’importe / Faut qu’ça sorte / Pousse la porte / Viens viens viens viens viens … ». Ou ceVivant poème de Jean-Louis Aubert adressé aussi à un enfant, celui que Barbara n’a jamais eu : «Va. Ce monde, je te le donne /Va. Jamais n’abandonne. »

Standing ovation.

Pascal Mary Photo archives ©Catherine Laugier

Pascal Mary (photo d’archives ©Catherine Laugier)

La seconde partie du spectacle est l’autre versant de la chanson, celle de l’auteur-compositeur-interprète. Et, là encore cet art majeur de la chanson, concentrée dans sa forme de quelques minutes, mais intense dans son sens, dans ses mots, capable d’éveiller la tête, le cœur et le corps.
Et d’autant plus universelle qu’elle est personnelle à l’artiste. Nous contant avec irrévérence les
Dimanches ennuyeux de son enfance, avec émotion l’adieu à sa Maman : « Si j’avais l’choix d’refaire une vie / D’reprendre père et mère moi j’te dis / J’reprendrai comme c’était écrit maman », c’est sa vie et la nôtre qu’il nous rappelle.

Même s’il réclame plus de voix sur le micro, pour en avoir « autant que la chanteuse d’avant », il n’a pas besoin de la forcer, cette voix, d’ailleurs bien timbrée, expressive et nuancée.

Si Pascal Mary ne dispose pas de tout le plateau pour occuper son espace, s’il est assis à son piano, il a sa voix et ses mots pour nous atteindre. Et son sourire et son profil. Il prend cependant le temps de se lever pour chanter une chanson a cappella en esquissant un pas de danse, ou pour présenter ses chansons.

Tout un art qu’il développe au fur et à mesure de ses spectacles, jusqu’à en faire parfois un numéro de stand-up, entre tendresse et cynisme sans jamais de méchanceté, en grande complicité avec son public. Capable de nous faire sourire avec des phrases aussi gaies que « la mort ça doit être tranquille, la vie c’est pas marrant, on va r’partir gonflé à bloc » ou de nous proposer « de nous ennuyer un petit quart d’heure ». L’art aussi de maintenir le suspense dans ses chansons jusqu’au dernier vers. Son hymne à La femme est un coming out, sa chanson sur un drôle de chien (savez-vous que Canicule vient d’un mot qui signifie chien en latin?) un fait divers dramatique, et sa P’tite sœur a des raisons de se taire que je ne vous dévoilerai pas…Quant à sa chanson la plus crue et la plus truculente, Maître queue, elle finit par un aveu de tendresse mélancolique désarmant…

Le message est clair, celui en particulier de ses deux derniers albums, nous sommes Vivants, nous souffrons, nous aimons, nous sommes quittés, nous mourons, mais nous n’avons qu’un seul choix, aimer, et prendre la vie avec humour : « La vie c’est d’accord oui j’y suis / La vie ben t’es d’dans d’toute façon / Puisqu’on est vivant, vivons ».

L’écriture est précise et poétique, et ses questions existentielles et mélancoliques surfent sur des mélodies qui donnent le frisson, celui du bonheur d’exister : « Qui nous a mis au cœur ce creux / Ce toujours plus ce toujours mieux ». Même Egarés, désarticulés, empêchés, « Qu’ils y retrouvent le goût d’aimer ». « Et ceux qu’on a perdus en chemin (…) S’ils nous ont mis le cœur au clou / Ce n’est pas pour nous rendre fous / Mais nous apprendre à vivre ».

Pour le rappel, Pascal nous demande si nous voulons une chanson triste ou une chanson pas drôle : ce sera la merveilleuse et consolante Vivons d’un rien, comme une réponse positive à la mélancolique « Comme un aveugle à sa fenêtre /Je pense à toi / Le monde, tu l’as fait disparaître / Avec toi ».

 Catherine LAUGIER

 Le site d’Elsa Gelly, c’est ici; celui de Pascal Mary, là. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’Elsa Gelly, ici ; de Pascal Mary, là.

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